Vendée Globe : Charlie Dalin, sensationnel vainqueur, pulvérise le record de l’épreuve
Envoyé spécial aux Sables-d’Olonne
La délivrance, enfin. Il est 8h25 précisément ce mardi matin quand Charlie Dalin passe la ligne d’arrivée avec son monocoque Macif illuminé par les premiers rayons du soleil et un ciel rougeoyant à l’horizon, entouré par une nuée de bateaux l’accompagnant. Des images magiques. Le Havrais vient de mettre un terme à sa circumnavigation entamée le 10 novembre en 64 jours, 19 heures 22 minutes et 49 secondes pour remporter la dixième édition de la plus prestigieuse des courses au large de la planète.
Un temps canon qui relègue le chrono d’Armel Le Cléac’h, datant de 2017 (74 jours, 3 heures et 35 minutes) aux oubliettes et fait entrer le Normand dans la légende de l’histoire de l’Everest des mers aux côtés de géants Michel Desjoyeaux, François Gabart, Christophe Auguin ou encore Titouan Lamazou, pour ne citer qu’eux.
Une victoire quatre ans après une deuxième place
Quatre ans après avoir vu la victoire lui passer sous le nez au jeu des bonifications au profit du valeureux Yannick Bestaven, troisième sur la ligne mais vainqueur après avoir participé à l’opération de sauvetage de Kévin Escoffier, et alors qu’il avait bouclé le tour du monde en tête, Dalin s’offre la plus belle ligne de son palmarès. Celle qui le consacre parmi les grands après avoir accumulé les places de deuxième, au point de pousser le discret skipper à déclarer, après sa deuxième place à la Route du rhum, qu’il faudrait l’appeler le Poulidor de la course au large.
Une étiquette bien embarrassante pour ce marin souvent placé mais pas gagnant ces dernières années dans les grands rendez-vous (deuxième de Vendée Globe et de la Transat Jacques Vabre en 2021 et 2e à la Route du rhum en 2022), dont il s’est définitivement débarrassé. Figurant parmi les favoris de l’édition 2024-2025, Dalin est venu à bout d’un exceptionnel bras de fer avec Yoann Richomme (Paprec-Arkéa) attendu, lui, dans la nuit de mardi à mercredi.
Un duel dans lequel s’est longtemps invité Sébastien Simon (Groupe Dubreuil). L’autre révélation de cette course a lâché prise après avoir abîmé son foil bâbord le 8 décembre, en pleine bataille dans les mers du sud déchaînées, «là où il n’y a plus de morale » comme aime le dire avec justesse le navigateur Thomas Coville. En tête au passage du Cap de Bonne-Espérance, Dalin est sorti de l’interminable tunnel de l’Océan Indien et Pacifique au cap Horn dans les rétroviseurs de Yoann Richomme, à seulement neuf heures. La dernière ligne droite était lancée.
Dalin a repris les commandes de la course le 30 décembre
La remontée tortueuse de l’Atlantique et ses pièges a souri à l’architecte naval qui a repris la main, une semaine après le passage à la Terre de feu, au large des côtes sud-américaines le 30 décembre. Son ami devenu grand rival ne l’a pas lâché d’une semelle dans l’Hémisphère nord. À une semaine de l’arrivée en Vendée l’inséparable duo se suivait toujours à la trace. L’écart a joué au yo-yo autour de 200 milles marins mais est finalement resté à l’avantage du skipper de Macif, restant à bonne distance du canon de son chasseur.
«Il était le favori numéro un et il a su tenir son rang, ce n’est jamais facile à porter, surtout sur une épreuve aussi longue. Il a fait une course stratégiquement brillante, notamment dans l’Océan Indien quand il a fait un coup un peu osé à l’avant d’une grosse tempête au large des Kerguelen», explique Armel Le Cléach, le skipper du maxi-trimaran Banque Populaire.
«Sa deuxième place il y a quatre ans des circonstances particulières lui a sans doute permis de se forger une armure et d’avoir un surplus d’énergie dans les moments durs. Il sait ce que c’est d’être deuxième, je l’ai vécu en 2012 (avant de s’imposer quatre ans plus tard, NDLR) et c’est compliqué à gérer. Peut-être que, dans ces moments de doute et de fatigue, il s’est dit "Je ne peux pas lâcher maintenant, parce que je finirai encore avec cette frustration derrière moi. Il faut savoir la surmonter et vivre avec"», ajoute le marin, rendant un bel hommage à l’un de ses successeurs au palmarès du Graal de la course au large. Le dernier invité de cette prestigieuse lignée comptant désormais neuf noms en dix courses, Michel Desjoyeaux étant le seul à ce jour avoir triomphé deux fois (2000-2001 et 2008-2009).