Gouvernement, retraites, Macron... Ce qu’il faut retenir de l’interview de François Bayrou sur France 2
Et maintenant ? Après avoir reçu ce jeudi les dirigeants des forces politiques à Matignon, à l’exception de ceux de LFI et du RN, François Bayrou semble dans une impasse. Alors que le premier ministre a fait à ses interlocuteurs une «offre publique de participation» au gouvernement, fixant à vendredi après-midi l’ultimatum pour y répondre, ces derniers n’ont pas été vraiment enchantés par la proposition.
S’il a donné des gages à la gauche, tant sur l’utilisation excessive du 49.3 que sur la réforme des retraites adoptée en 2023, elle a refusé de saisir la main tendue du Béarnais et laisse toujours planer sur lui la menace d’une censure. La droite, elle, pose toujours ses conditions pour participer au gouvernement. Problème, l’horloge tourne : le patron du MoDem espère constituer son équipe «avant Noël».
Un casse-tête politique, mais aussi bientôt budgétaire, dont François Bayrou n’a toujours pas trouvé la solution une semaine après sa nomination. Malgré la série d’entretiens officiels ou plus informels qu’il a menée depuis lundi. Pour présenter les tenants et aboutissants de l’équation, le premier ministre était l’invité jeudi soir de l’émission «L’Évènement» sur France 2. Le Figaro vous résume ce qu’il faut retenir de sa première intervention télévisée.
Un gouvernement présenté «dans le week-end»
Trois semaines après la chute contre Michel Barnier, tombé sur une motion de censure votée «par des forces différentes et antagonistes», François Bayrou espère présenter son gouvernement «dans le week-end». «En tout cas, avant Noël, mardi soir», a-t-il précisé aussitôt. Face à l’absence de budget, rejeté par l’Assemblée début décembre, ni d’«organisation de la majorité», le premier ministre a lancé un appel aux partis politiques : «Nous ne pouvons pas nous en sortir si nous ne sommes pas ensemble.»
«On doit essayer, on peut y arriver. Le chemin existe», a insisté le Béarnais contre «tous les prévisionnistes, les savants de la politique», qui «spéculent sur le chaos». Et de mettre les formations politiques devant leurs responsabilités en cas d’échec : «Ce qui nous attend est tellement difficile qu’il faut qu’on s’associe (...) Si on ne réussit pas dans cet essai, alors c’est la dernière station avant la falaise.»
«Pas de 49.3 sauf s’il y a blocage absolu sur le budget»
Comme une manière de tendre la main à une partie de la gauche, François Bayrou a promis de ne pas recourir à la manière forte du 49.3 à l’Assemblée «sauf s’il y a blocage absolu sur le budget». «Je souhaite le plus le dialogue possible. Sur les autres textes, je n’utiliserai pas le 49.3, sauf catastrophe énorme», a-t-il ajouté. Manière de ne pas se priver d’un outil constitutionnel en l’absence de majorité nette à l’Assemblée depuis les législatives.
Suffisant pour convaincre les socialistes de faire partie de l’aventure ? «Ils ont une réflexion entre eux. Ils n’ont pas envie d’être assimilés, de dire qu’ils ont changé de camp», a-t-il rétorqué.
Retraites : Bayrou «croit» en une autre possibilité que le report de l’âge à 64 ans
Point urticant pour le Nouveau Front populaire (NFP), la réforme controversée des retraites, qui repousse progressivement l’âge de départ de 62 à 64 ans, est revenue ce jeudi dans les échanges entre François Bayrou et les chefs des formations politiques. Avec l’espoir de conclure un accord de non-censure avec une partie de la gauche - les socialistes souhaitent un gel de la réforme -, le premier ministre a suggéré de «reprendre sans suspendre» l’aggiornamento de 2023. Et ce, afin de rouvrir une discussion pendant «neuf mois» avec les partenaires sociaux et les forces politiques.
Jeudi soir, le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) a dit «croire» en une autre possibilité que le report de l’âge fixé dans la loi passée dans la douleur. «J’ai été un militant de la retraite à points», a-t-il justifié alors que l’ancien premier ministre Édouard Philippe avait lancé une réforme en ce sens fin 2019 avant que la crise sanitaire n’ait raison de son adoption en mars 2020. «J’accepte qu’on rouvre tous les sujets (et) que chacun des syndicats mette sur la table ce qu’il considère comme souhaitable et acceptable», a affirmé le premier ministre. Assurant qu’il s’agit d’une «porte ouverte de bonne foi» à destination de la gauche.
Budget : Bayrou espère une adoption à la mi-février
Quelles suites pour le budget ? Si une «loi spéciale» a été adoptée cette semaine autorisant l’exécutif à prélever l’impôt et à emprunter pour financer l’État et la Sécurité sociale, le premier ministre promet «un plan de rééquilibrage de nos finances publiques» début 2025. Objectif : un retour à l’équilibre d’ici dix ans. Après la nomination du gouvernement, il espère une adoption du projet de loi de finances «mi-février», en reprenant « la copie qui a été votée» au Parlement.
François Bayrou a beau vouloir «faire des économies» comme son prédécesseur Michel Barnier, il juge qu’«on peut trouver un équilibre qui soit acceptable, soutenable ou recevable.» «Il faut des impôts de contribution, il faut que chacun aide à la solidarité», a-t-il développé.
Bayrou souhaite que Retailleau reste dans le gouvernement
Alors que le gouvernement est en cours de composition, François Bayrou a dit souhaiter que le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau reste dans son équipe. «Il a montré dans ces dernières semaines et ces derniers mois qu’il avait trouvé des orientations qui répondaient» à ce qu’attendent les Français, a fait valoir le premier ministre.
Quid de la participation de LR ? Le leader centriste demande «un soutien de la droite républicaine» mais aussi «de la gauche démocratique et de gouvernement». «Je serais heureux si on peut montrer que se conjuguent ces sensibilités différentes», a-t-il expliqué.
Nomination de Bayrou : «Nous avons eu une discussion...»
Interrogé sur les conditions de sa nomination au terme d’un bras de fer, rapporté comme épique, entre lui et Emmanuel Macron, François Bayrou a balayé ce récit d’un revers de main. «Il y a des gens qui adorent inventer, créer, faire se battre les montagnes...», a-t-il évacué. Selon lui, le président «a hésité, et nous avons eu une discussion lors de laquelle je lui ai démontré qu’il fallait faire différemment», a-t-il simplement affirmé.
Bayrou dit avoir eu de la «peine» pour Sarkozy après sa condamnation par la justice
Alors que l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy a été définitivement condamné mercredi à un an de prison sous bracelet électronique pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire des écoutes «Bismuth», le premier ministre François Bayrou, bête noire de l’ex-homme fort de la droite, dit avoir eu de la «peine» à l’égard de son ancien adversaire et «pour les siens».
«Je sais ce que c’est que de se trouver devant l’appareil de la justice et ce sentiment-là, je ne l’efface pas», a confié le premier ministre, qui a lui même été relaxé en février dans l’affaire des assistants des eurodéputés de son parti le MoDem au Parlement européen.