Festival Paris l’été : "Crowd", de Gisèle Vienne, pièce culte au bois de Vincennes.

Créée en 2017, jouée des dizaines de fois dans le monde, Crowd est une expérience sensorielle hors-norme. Quinze jeunes danseuses et danseurs évoluent sur une sélection de musiques électroniques emblématiques des grandes époques de Détroit et Berlin. Ils forment un groupe et incarnent des personnages.

La pièce, très écrite, possède une dramaturgie avec une illusion parfaite du naturel. Ralentis, images saccadées ou arrêtées : la temporalité élastique envoûte le public. Crowd propulse le spectateur dans les premières "free party" des années 1990, quand une jeunesse rebelle inventait ses propres rituels. "Cela se passe dans d'autres économies et temporalités. Ce sont des nouvelles générations dans les années 1990 qui ne veulent pas être exploitées par le néolibéralisme et essayent de se retrouver ensemble même si on est athée, on voit bien l'attachement à tous les rituels et expériences symboliques. Je pense que j'ai un rapport au mystique et au sacré, tout en étant laïque, qui passe pour moi par une expérience artistique", explique Gisèle Vienne, chorégraphe.

"Passer une nuit blanche à danser sur de la musique répétitive même à l'eau, cela peut être une expérience puissante."

Gisèle Vienne

à franceinfo

"Nous construisons le patrimoine de demain"

Programmer une pièce comme Crowd, c'est interroger la notion de patrimoine, quand la culture contemporaine est violemment attaquée : "Nous construisons le patrimoine de demain, souligne Gisèle Vienne. Détruire la culture contemporaine, c’est détruire le patrimoine de demain. Je suis dans une très grande défense du patrimoine, avec un immense respect pour l’histoire de l’art. C’est ça notre patrimoine, c’est l’intelligence, c’est la joie, c’est la critique, c’est la rébellion c’est l’amour. Quand l’extrême droite parle de patrimoine, elle ne parle pas de patrimoine, elle parle de ses propres intérêts, qui vont à l’encontre des intérêts de la majeure partie des citoyens."

Rarement jouée en plein air, Crowd a toute sa place dans le bois de Vincennes, à une époque où une autre jeunesse réinvestit les "free party", ce qui réjouit Gisèle Vienne : "Ce sont des expériences qui vont être interdites, dénigrées violemment, réprimées de manière délirante. Je me réjouis de la rage des nouvelles générations, parce que j’ai 49 ans et je souhaite de tout cœur que le néolibéralisme fascisant dans lequel le monde rétrécit soit renversé afin que toutes les personnes puissent imaginer un avenir viable."

Crowd sera encore jouée à la biennale de danse de Lyon en septembre 2025 au Mans en novembre et au Havre et à Lorient en février 2026.