La cuisine volcanique d’Adrien Descouls au cœur des volcans d’Auvergne
Une seule et même salle, deux ambiances - tantôt bistrot, tantôt gastronomique -, un panorama unique à tous les sens du terme qui vous coupe le souffle. Assis à 800 mètres d’altitude chez Origines, au Broc (Puy-de-Dôme) vous avez «vue sur l’Unesco», plaisante le patron, Adrien Descouls. La chaîne des Puys, inscrite au patrimoine mondial depuis six ans, fait partie des mises en bouche. Nous gardons volontairement le meilleur pour l’assiette. Avant de nous attabler, un mot encore sur l’établissement. Il comporte à présent, au pied des ruines du château fort, plein de chambres de très grand confort où les enfants sont bienvenus. L’agence d’architecture clermontoise Carré vert a supervisé, sous la houlette de Christelle Anicet, toute la restructuration et la décoration de l’hôtel-restaurant. À l’extérieur, Aline, la jardinière, entretient un potager de 2 200 mètres carrés qui fournit herbes aromatiques, courges, houblon, tomates, mélilot, etc. Une mare creusée au milieu des plantations, alimentée par les précipitations, assure une étonnante biodiversité et crée un microclimat propice à la fertilité. Bref, tout est luxe, calme et durabilité.
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Que mange-t-on dans ce nid d’aigle bien trop ambitieux pour Le Broc avant qu’Adrien Descouls ne s’empare de sa destinée? Mille et une choses délicieuses, que ce soit en formation Basalte (le bistrot) ou Origines (le «gastro»). Dans le menu du premier, nous avons pioché le 26 septembre, une épaisse tranche de pâté en croûte paysan à souhait, accompagné de pickles maison également, puis un omble snacké dont le filet resté bien ferme se pavanait sur une polenta crémeuse, le tout rehaussé d’un jus de veau et des premiers champignons. Pour finir, un dessert de circonstance - crème aux œufs avec des morceaux de pomme. Soit une addition de 41 euros hors boisson parfaitement justifiée par la qualité des produits et leur préparation.
La veille, le dîner version Origines démontrait qu’Adrien Descouls est un chef de première force qui maîtrise ses fondamentaux - essentiel, comme au rugby - ainsi qu’en attestait le pigeon en croûte dorée de pois blonds, jus lié au cognac et condiment grenade. Une tourte de terroir avec foie gras et «bonbon d’abats» emmailloté dans une feuille de blette, à la finition éblouissante, au goût puissant - le pigeon cédera sa place à la perdrix rouge dès que possible, car ici on travaille évidemment le gibier, héros d’un menu dédié cet automne. La sommellerie, au taquet, verse avec ce chef-d’œuvre un maranges Premier cru 2018 les Clos Roussots du domaine Edmond Monnot qui parachève le sortilège. À noter que la cave, dont le très créatif Vincent Gardarin détient les clés, regorge de flacons splendides, parmi lesquels une jolie collection de crus auvergnats hautement recommandables. À noter surtout qu’on peut y accéder moyennant un prix d’entrée très raisonnable pour une adresse de ce rang.
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DÉLICES D’AUTOMNE EN AUVERGNE
La cuisine d’Adrien Descouls est à la fois généreuse et digeste. Il trouve, comme il se doit, son inspiration au flanc des volcans et dans la nature restée sauvage des alentours. En jaillit la silhouette puissamment chapeautée de ce gros cèpe tranché dans sa longueur, rôti (quelle mâche!), servi avec une sauce fulgurante à base de vinaigre Pedro Ximénez de 25 ans d’âge, un condiment à la figue et un œuf de caille. C’est l’automne qui vient vous saluer.
Du bassin dédié au restaurant de son ami pisciculteur d’élite d’Ardes-sur-Couze Stéphane Heinis, Descouls extrait un omble d’exception si robuste qu’il en découpe une darne. Elle se présente sans arête, ferme, caressée par un condiment au cresson, relevée par un voluptueux sabayon au Noilly-Prat. Qui a dit que les poissons d’eau douce manquaient de caractère? Citons encore les sensationnels tortellinis d’escargots et moelle de bœuf au bouillon d’ail rose et «infusion éclair» de sauge, auxquels une touche de curcuma apporte sa touche légèrement sucrée, imperceptiblement orientale: un très grand plat à la sapidité tellurique, dont le vert éclatant est mis en valeur par le cratère noir dans lequel il est déposé sur la table.
Pas de grand festin sans grand dessert. La composition mélilot (du jardin) et vanille grillée, signée Yannick Piotrowski, est de ceux-là, savant assemblage de saveurs, de textures et de températures, nuancier vanillé très abouti que vient compléter un yaourt acidulé parsemé de pétales, sous lequel se tapit une diabolique compotée de mirabelles. Au revoir l’été, bienvenue l’automne. Courez goûter en Auvergne, déguster les saisons d’Origines.
Fiche d’identité
Nom /Origines
Lieu /Rue du Clos-de-la-Chaux, 63500 Le Broc. tél.: 04.73.71.71.71 www.restaurant-origines.fr Bistrot Basalte à midi (formules à 31 et 38 €), gastronomique le soir (menus à 125, 145 et 190 €).
Date de création /Été 2018, puis «re-création» en juin 2023
Parcours /Adrien Descouls, 34 ans, est un Auvergnat revenu au bercail après avoir bourlingué un peu partout, faisant escale auprès de chefs consacrés - Patrick Henriroux à La Pyramide, Michel Roth au Ritz, Éric Briffard au George-V - et s’accordant un (télé) crochet par Top Chef (saison 9). En 2018, il reprend un établissement pharaonique de 890 m² sur trois niveaux, bâti en 2013 par la municipalité du Broc, localité du Puy-de-Dôme qui compte moins de 700 habitants. Deux chefs s’y sont cassé les dents avant lui. Mais Adrien Descouls, marié à une institutrice et père de deux jeunes enfants, a de l’énergie à revendre. Il se fait rapidement remarquer de la critique - même Michelin, la terreur de Clermont-Ferrand souvent attentiste, ne tarde pas à lui accorder une étoile - avant de subir, comme ses pairs, les crises des «gilets jaunes», puis du Covid, qui tiennent les cartes bancaires à l’écart des tables avec vue d’Origines. L’année dernière, il décide de donner un nouvel élan à sa maison, qu’il agrandit et embellit de manière considérable. La cuisine aussi, déjà épatante, monte d’un cran. Origines est à présent une machine de guerre douce, où l’on a envie de poser ses valises plus d’une nuit, envoûté par la contemplation des volcans et le style d’un maître-queux qui ne s’endort jamais sur ses lauriers.