La France Insoumise (LFI) n’a pas pour habitude de désavouer publiquement ses figures, même en cas de déclarations controversées. Elle vient pourtant de déroger à cette ligne en prenant ses distances avec Sébastien Delogu, député des Bouches-du-Rhône. Alors que la France et l’Algérie traversent depuis des mois l’une des pires crises diplomatiques de leur histoire, l’élu mélenchoniste, d’origine algérienne, effectue une visite de plusieurs jours sur la terre de ses ancêtres.
À cette occasion, il a prôné en début de semaine un dialogue «d’égal à égal» avec le régime de Abdelmadjid Tebboune, défendant une «autre voie» que celle du gouvernement français, fondée sur le «respect», «la souveraineté» et le «respect du droit international». Une pique adressée au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, engagé - jusqu’ici sans succès - dans un bras de fer avec Alger afin de contraindre le pays du Maghreb à reprendre ses ressortissants frappés d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une posture de fermeté perçue, de l’autre côté de la Méditerranée, comme une cabale dirigée contre l’Algérie. Ces tensions réciproques ont éclaté, l’an dernier, après la reconnaissance par Paris d’un plan sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, considéré comme une provocation par Alger.
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«Des millions de Françaises et de Français se sentent insultés face aux invectives incessantes de certains ministres français», a dénoncé Sébastien Delogu, qui, après avoir échangé avec des députés de l’Assemblée nationale populaire, a préféré insister sur les liens profonds qui unissent les deux peuples : «Il y a la mer Méditerranée qui nous lie, il y a notre histoire commune avec le peuple algérien». Et d’exprimer à la télévision nationale sa reconnaissance envers l’Algérie, sans formuler la moindre critique : «Quand vous arrivez ici, vous apprenez à avoir un peuple qui vous accueille d’une manière dont, honnêtement je n’ai jamais été accueilli (...) Tout le monde est gentil, tout le monde sourit, tout le monde prend soin de moi.»
Problème : à aucun moment, lors de ses interventions médiatiques, le député mélenchoniste n’a évoqué les cas de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal - condamné ce mardi à cinq ans de prison ferme en appel pour «atteinte à l’unité nationale» - ni celui journaliste sportif français Christophe Gleizes, récemment condamné à sept ans de prison ferme, notamment pour «apologie du terrorisme».
Un «voyage personnel»
Alors que l’AFP (Agence France Presse) affirme ne pas avoir pu interroger Sébastien Delogu au sujet de ces deux Français emprisonnés en Algérie, LFI, sentant la polémique enfler, s’est rapidement désolidarisée de son élu sur les réseaux sociaux. «Le député Sébastien Delogu s’est exprimé de façon personnelle en Algérie. Il n’engage ni les groupes parlementaires de la France insoumise, ni le mouvement», peut-on lire sur le compte X officiel du parti, rappelant au passage, avoir «protesté» contre l’arrestation du journaliste Christophe Gleizes et «demandé» sa «libération immédiate», tout en «renouvelant» son «exigence de voir libérer Boualem Sansal». Une source interne au groupe LFI à l’Assemblée a même pris davantage de distances, confiant au Figaro que Sébastien Delogu «a organisé un déplacement personnel en Algérie». Une mise au point jugée nécessaire face aux interpellations croissantes de la «presse française» à ce sujet, ajoute-t-on.
Signe que le voyage de l’élu marseillais embarrasse, le député Éric Coquerel n’a pas attendu la réaction officielle de son mouvement pour prendre les devants. En début d’après-midi ce mardi, il a «réclamé la libération du journaliste français Christophe Gleizes», bien qu’il assure «ne pas faire partie de ceux qui cultivent des relations tendues avec l’Algérie. Au contraire». «Rien ne justifie le maintien en détention de ce journaliste qui n’a été sur place que pour un reportage consacré à sa passion, le foot», a-t-il martelé, sans toutefois nommer explicitement son collègue des Bouches-du-Rhône.