Guerre Israël-Hamas : "On forme le vœu" que les médicaments livrés seront distribués à "chacun des otages", déclare Sébastien Lecornu

"On forme le vœu" que les médicaments livrés par la France et par le Qatar seront distribués "à chacun des otages" dans la bande Gaza, a déclaré lundi 22 janvier, en déplacement en Israël, le ministre de la Défense Sébastien Lecornu, dans un entretien donné à franceinfo. Le ministre est également revenu sur les risques d'escalades dans la région : "Personne, ni à Tel-Aviv, ni à Jérusalem, ni à Beyrouth, ne souhaite la guerre", a-t-il affirmé.

franceinfo : C'est la deuxième fois que vous venez en Israël. Pourquoi ce déplacement ?

Sébastien Lecornu : Je suis revenu à la demande du président de la République pour continuer à nourrir notre initiative de paix et de sécurité qui repose sur beaucoup d'aspects. Il y a un aspect évidemment humanitaire et vous savez que les forces armées françaises sont largement mobilisées pour ce faire, notamment l'armée de l'Air et de l'espace pour convoyer des médicaments, de l'aide humanitaire, du fret de manière globale vers la bande de Gaza, ainsi que la Marine nationale et le service de santé des armées avec le porte-hélicoptères Dixmude.

La deuxième priorité, j'aurais peut-être même dû commencer par-là, c'est la libération des otages et personnes disparues. Il nous reste trois personnes franco-israéliennes qui sont concernées. J’ai vu ce lundi matin les familles. C'était pour moi l'occasion de faire un point d'étape, je n'en dis pas plus.

"Des messages ont été passés de nouveau aux autorités israéliennes sur la nécessité d'obtenir leur libération le plus vite possible. Les mêmes messages seront passés à différents partenaires qui nous aident dans les discussions. Je pense par définition au Qatar, pour ne citer que cet exemple, mais aussi à l'Egypte."

Sébastien Lecornu, ministre de la Défense

Et puis bien sûr, des enjeux liés à l'escalade éventuelle dans la région et c'est peut être aussi ce qui a précipité ma venue ici quelques jours après une visite au Liban où, vous le savez, nous avons 700 soldats français qui sont sous mandat des Nations unies, avec des risques importants d'embrasement à la frontière. On le sait depuis le début de ce conflit et donc nous ne ménageons pas nos efforts publiquement, parfois discrètement, parfois secrètement, pour faire passer un certain nombre de messages.

Vous avez évoqué les otages. La France a parrainé un accord pour que des médicaments puissent être livrés aux otages. Où est-ce qu'on en est ?

Ça peut paraître difficile à croire, mais en fait, c'est la première fois qu'il y a une initiative qui était lancée pour acheminer des médicaments aux otages. Ça a été fait par le centre de crise du Quai d'Orsay en lien avec le Qatar, pour entrer en discussion et en négociation avec le Hamas, en lien avec les autorités israéliennes. Un travail de sur-mesure a été fait avec les différentes familles pour justement identifier les médicaments dont chaque profil peut avoir besoin au regard de sa santé, de ses pathologies connues. Il y a quelque chose comme 45 otages qui sont concernés justement par cette initiative.

C'est la République française qui a acheminé une partie de ces médicaments au Qatar. Le Qatar, lui, a acheminé jusqu'à l'Egypte. L'Egypte s'est chargée évidemment de confier aux autorités israéliennes et ensuite, évidemment, la remise, le cas échéant, au Hamas, dans des schémas de discussion que je ne connais pas puisque c'était la responsabilité de l'Etat d'Israël et du Qatar que de s'assurer justement de cette partie des choses. Maintenant, on forme le vœu, on fait confiance à l'ensemble des parties pour que ces médicaments arrivent à bon port, si j'ose dire, c'est-à-dire à la destination de chacun de ces otages.

Est-ce que vous avez parlé de ce sujet des otages avec le Premier ministre israélien et puis le ministre de la Défense ?

Avec chacun de mes interlocuteurs, y compris évidemment les différents membres du cabinet de guerre et les différents représentants du cabinet de sécurité. Nous le disons depuis le début, la libération des otages est pour nous la priorité absolue et on ne doit pas les oublier. Et on ne doit pas, avec le temps, installer une routine dans lequel on se dit qu'au fond leur sort pourrait passer au second plan. En tout cas, ce n'est pas du tout l'objectif de la diplomatie française, bien au contraire. Et de cela aussi, nous en avons parlé avec les différents interlocuteurs. Là aussi, je garderai les conversations que nous avons eues, non pas secrètes, mais en tout cas pour moi et pour le président de la République et pour, évidemment, le gouvernement français.

"Mais il est clair que si Israël doit pouvoir se défendre, il faut que la sécurité des otages soit toujours garantie autant que faire se peut. Il faut évidemment que le droit humanitaire de la guerre soit respecté. Ce sont les conditions que la France a mises sur la table depuis le début que je redonne ici."

Sébastien Lecornu, ministre de la Défense

Avez-vous parlé de l'aide des armées ? Que va-t-on faire de plus ? Est-ce que le Dixmude va être remplacé ?

Il va se poser maintenant la question du jour d'après pour le Dixmude, parce que le porte-hélicoptères amphibie ne peut pas rester à quai indéfiniment. Pour autant, il n'est pas question d'abandonner ce statut de nation cadre sanitaire pour permettre de soigner des civils. Je rappelle quand même que sur le Dixmude, ce sont beaucoup de femmes, beaucoup d'enfants, avec toujours des pathologies particulièrement graves. On parle d'amputation, on parle d'infection sur des premiers soins qui parfois n'ont pas toujours été bien exécutés sur la bande de Gaza. Ce sont souvent nos soignants, y compris des soignants civils français, qui sont accueillis par les soignants militaires, qui permettent de sauver très directement des vies.

La question va se poser maintenant aussi de continuer de se faire accompagner par un certain nombre de partenaires européens. Vous avez vu qu'entre temps, l'Italie nous a accompagnés avec un autre bateau plus petit mais qui a permis de mettre une offre sanitaire à quai. Ce que le président de la République m'a demandé d'étudier en lien avec le centre de crise du Quai d'Orsay, c'est de regarder qu'une offre hospitalière, toujours avec un concours militaire, puisse être proposée à l'Egypte, et donc aussi, évidemment, à Israël, non pas à quai sur un bateau, mais sur la terre. J'ai bien peur que tout cela puisse durer. En tout cas, même si les opérations devaient arriver à un cessez le feu rapidement, on voit bien que de toute façon, il y a des soins et des soins de suite importants à apporter à la plupart des populations civiles. Je ne peux pas vous faire d'annonce maintenant, mais il est clair qu'on continue d'en discuter avec nos partenaires européens, toujours avec l'Egypte et évidemment avec Israël.

Vous avez parlé du Liban. Qu'est-ce que vous leur avez proposé ?

Nous sommes revenus, en premier lieu, à un message clé : personne n'a intérêt à la guerre des deux côtés. Vous savez que notre diplomatie se mobilise, nos soldats se mobilisent avec leurs différents contacts sur le terrain. Les services également, dont j'ai l'honneur d'assurer la tutelle, se mobilisent et qu'au fond, même si on a ces seuils qui chaque jour à la frontière sont inquiétants, au fond, quand on sonde les esprits, quand on sonde les cœurs, personne, ni à Tel-Aviv, ni à Jérusalem, ni à Beyrouth, ne souhaite la guerre. Le véritable enjeu pour nous, c'est de faire en sorte que cette escalade qui peut paraître inéluctable, n'arrive pas et n'interviennent pas. Cela repose la question au fond de quelque chose qui existe déjà, c'est à dire la résolution 1701, c'est une résolution des Nations unies. La France est une des grandes puissances militaires à y apporter un contingent important. Je disais tout à l'heure que 700 soldats y servaient.

Aujourd'hui, on voit bien que la manière dans laquelle la résolution est appliquée s'est dégradée. La priorité pour nous, membres du Conseil de sécurité des Nations unies et pour moi, en tant que ministre des Armées, c'est comment cette résolution peut de nouveau être exécutée. C'est comment on reprend des patrouilles, comment faire en sorte qu'une partie ne tire pas sur l'autre côté de la frontière et que l'autre côté de la frontière n'y riposte pas avec le risque d'escalade. Donc ça, ça a été un enjeu parce que on a commencé à travailler avec les états-majors français. J'ai des échanges avec le secrétaire général adjoint pour les Nations unies, avec un certain nombre d'autres homologues, notamment d'autres États. Nous sommes quelques-uns à chercher à de nouveau rendre exécutable cette résolution. Et donc, par définition, cela repose sur un engagement des deux parties, en tout cas des deux côtés. Des messages sont passés d'un côté, j'y étais au début du mois et j'aurais vocation à retourner au Liban assez rapidement et aujourd'hui j'avais besoin aussi d'entendre les conditions qui permettent justement à cette résolution de fonctionner de nouveau.