Lyon : «chassées» par un marché de Noël, des familles quittent leur campement pour s’installer dans une école

Les rangées de tentes grossissaient depuis des mois à l’entrée de la trémie cyclable de Perrache. L’arrivée du froid mordant en cette fin novembre s’est finalement doublée d’une annonce de démantèlement de ce camp pour la soixantaine de personnes qui y vivaient. Les forces de l’ordre sont venues en début de semaine les prévenir d’une expulsion à venir pour permettre l’installation du traditionnel marché de Noël de la place Carnot, devant la gare de Perrache. «Les tentes ce n’est pas assez dans l’esprit de Noël», s’est insurgé le collectif Jamais sans Toit, déplorant l’absence de solution de relogement.

Face à cette situation, les militants ont demandé à la mairie de Lyon, l’ouverture de l’ancienne école Gillibert voisine et vide, dans ce même 2e arrondissement, pour y héberger les familles. Problème, le bâtiment est promis de longue date à l’école des Beaux-Arts, qui doit en prendre possession au 1er janvier 2025. C’est d’ailleurs pour cela qu’il était laissé vacant. 

80 campements dans Lyon

Après un rassemblement et une réunion en préfecture, jeudi soir, le collectif et les familles ont finalement eux-mêmes ouvert les portes du bâtiment. «Nous avons constaté la situation», indique Sophia Popoff (EELV), adjointe au maire de Lyon en charge du Logement. Mise devant le fait accompli, la municipalité écologiste, engagée dans la lutte contre le sans-abrisme, a renoncé à lancer les procédures d’expulsion. Et conclu un accord oral avec les familles et militants associatifs d’une libération des lieux au 15 décembre.

De quoi donner un peu de temps pour trouver une solution pérenne, même si les capacités d’accueil sont largement saturées. Quelque 14.000 personnes sont en attente d’un logement a récemment alerté le Samu social 69, un record historique. «On voit bien que la situation du sans-abrisme se dégrade, souffle Sophia Popoff. On croise de plus en plus de campements dans Lyon, et ce n’est pas qu’une impression, on est passé de 63 campements l’an dernier à 80 aujourd’hui». Dans ces tentes, 141 enfants dorment à la rue.

Très loin du «Zéro enfant à la rue»

Une situation qui n’est pas spécifique à Lyon mais qui demeure très éloignée de la fameuse promesse de campagne écologiste de «Zéro enfant à la rue». Les municipalités n’ont de toute façon pas la compétence de l’hébergement d’urgence. La ville de Lyon tente néanmoins d’agir. Elle a ouvert 72 places dans un ancien Ehpad de la ville et mobilise son patrimoine bâti vacant, qui peut être réquisitionné depuis l’hiver dernier

Comme les hivers précédents, des écoles sont par ailleurs occupées les soirs par les élèves qui n’ont pas de toit avec le soutien d’associations. Une vingtaine de familles avec 50 enfants dorment ainsi dans 14 écoles lyonnaises, à ce jour. Depuis Noël dernier, la municipalité paye aussi des nuitées d’hôtel quand les écoles ferment pendant les vacances scolaires. «On est passé d’un budget de 70.000 euros à 2,5 millions entre 2021 et 2024», souligne Sophia Popoff. Mais on n’y arrivera pas seul». 

À l’école Gillibert, la plupart des personnes seraient des réfugiés afghans avec un titre de séjour, d’autres sont albanais. «Ces publics doivent être pris en charge par l’État», martèle Sophia Popoff. Pas si simple, répond la préfecture assurant que des diagnostics individualisés sont réalisés. Les services de l’État rappellent les nombreuses places créées ces dernières années : plus de 25.000 sont disponibles dans le département fait savoir l’entourage de la préfète. Il ne devrait pas y avoir de créations supplémentaires cette année, qui plus est dans un contexte budgétaire contraint.