Les drones du Hezbollah, une arme pour changer l’équilibre des forces face à Israël ?

Une milice peut-elle rivaliser avec l’armée la plus puissante du Moyen-Orient ? Orphelin de son chef, Hassan Nasrallah, affaibli par les éliminations ciblées et les bombardements massifs israéliens, le Hezbollah libanais a revendiqué, le 13 octobre une attaque inédite.

C’est la plus meurtrière qu’il ait commise depuis le début de l’escalade qui l’oppose à Israël, voilà près d’un mois.

Menée par un drone contre une base militaire à Binyamina, dans le nord d'Israël, la frappe a tué quatre soldats et fait plus de 60 blessés. 

Une attaque "douloureuse", s’est ému le chef d'état-major israélien, le général Herzi Halevi.

Selon Nicholas Blanford, chercheur à l’Atlantic Council contacté par L’Orient Le Jour, le drone, qui était entré en Israël par la mer, un temps suivi par l’armée israélienne, a finalement disparu de ses radars.

Il n’est pas encore clair si le Hezbollah a utilisé le drone Ababil-T iranien ou le Sayyad 107, précise la même source. 

D’une portée de 120 kilomètres, le premier atteint une vitesse maximale de 370 kilomètres par heure. Le Sayyad 107 lui, peut être programmé pour "changer fréquemment d’altitude et de direction, ce qui rend sa détection et son suivi difficiles”, toujours selon des sources citées par le quotidien libanais. 

Le Hezbollah capable de "surprendre" Israël ?

Équipé de ce type d’engins, "le Hezbollah est encore capable de surprendre ponctuellement Israël", commente Pierre Razoux, directeur académique et géopolitique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, sur les ondes de RFI.

Le parti de Dieu joue d’un "effet de diversion", poursuit-il : tirant des salves de roquettes classiques (arrêtées par le Dôme de fer), tout en infiltrant "par dessous" quelques drones aux trajectoires très basses et complexes.

Dans un communiqué, le Hezbollah a indiqué, dimanche 13 octobre, avoir tiré des dizaines de missiles sur des cibles dans les villes de Nahariya et Acre, tout en envoyant simultanément des drones vers différentes zones, "dans le but de "distraire les systèmes de défense aérienne israéliens".

Selon les médias de l’État hébreu, le système israélien de défense aérienne "Dôme de fer" a intercepté des milliers de roquettes depuis sa mise en service en 2011, offrant une protection essentielle en période de guerre.

Pourtant "Israël réalise qu’elle n’est pas complètement invulnérable, et que, malgré la présence de systèmes antimissiles extrêmement sophistiqués, cela n’empêche pas les drones de passer", conclut Pierre Razoux.

Un rapport de force conventionnel “très favorable à Israël”

"Les drones n’existaient pratiquement pas il y a dix ans", note Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse et directeur scientifique au Centre d'histoire et de prospective militaires (CHPM).

"Mais de nos jours, le Hezbollah et les Houthis reçoivent de leurs fournisseurs (iraniens, NDLR) des équipements ou armements parmi les plus modernes qui soient", constate-t-il.

On aurait tort de surestimer l’impact militaire des drones, assurent pourtant les deux experts contactés par France 24.

"Le rapport de force conventionnel est très favorable à Israël, et dans le cadre d’une confrontation classique, il est impossible d’atteindre Israël efficacement", tranche Alexandre Vautravers.

Depuis le 8 octobre 2024, le Hezbollah libanais, les Houthis du Yémen et les milices irakiennes pro-iraniennes ont à plusieurs reprises envoyé des drones vers Israël. Mais sans infliger de dommages conséquents. La mort de deux soldats israéliens, le 4 octobre, figure parmi les bilans les plus meurtriers de ces frappes.

Des attaques "contre-productives" ?

"Ces attaques vont probablement se poursuivre", analyse Jean-Loup Samaan, expert associé Moyen-Orient à l'Institut Montaigne. Car, même si elles ne peuvent changer l’équilibre des forces sur le champ de bataille, le Hezbollah mise sur un “gain psychologique” : "terroriser" la population israélienne.

Dans la région frontalière du Liban, près de 70 000 israéliens ont fui les hostilités qui ont éclaté avec le Hezbollah après le 7 octobre 2023. Permettre leur retour en sécurité est l'un des principaux objectifs avancés par Benjamin Netanyahu dans sa guerre contre le Hezbollah.

Les attaques du mouvement chiite sont absolument "contre-productives", juge Alexandre Vautravers. Car d’une part, les partenaires d'Israël comme les États-Unis vont lui fournir des moyens pour renforcer sa défense. De l’autre, conclut l'expert, ces attaques de drones "soudent plus encore la population israélienne, et fournissent à son armée un prétexte pour intervenir davantage".

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