Ski alpin : "Je ne sais pas si j'arriverai à revenir à mon meilleur niveau", confie Alexis Pinturault après sa blessure à Wengen

Quand pourra-t-il remonter sur des skis ? La question est remplie d'incertitudes. Cinq jours après sa chute lors du Super-G de Wengen (Suisse), Alexis Pinturault est revenu, lors d'une conférence de presse, mercredi 17 janvier, sur son accident et ses nombreuses blessures. Le Savoyard, hélitreuillé après sa chute vendredi 12 janvier, souffre d'une rupture du ligament croisé du genou gauche. Le champion du monde 2023 du combiné est dans l'attente de pouvoir se faire opérer du genou, à cause d'hématomes non résorbés. Il pointe du doigt les cadences imposées aux skieurs.

Les deux dernières semaines ont été intenses, entre la naissance de votre premier enfant et votre accident à Wengen. Pouvez-vous nous raconter ce qu'il s'est passé ?

Alexis Pinturault. La semaine à Wengen se passait bien, avec de bons entraînements et une superbe première course en descente, et un Super-G qui se déroulait plutôt correctement aussi. Et pour autant, il y a eu cet accident sur la dernière bosse, un accident comme on n'a pas forcément envie de les voir ou de les vivre en tant qu'athlète. 

À la réception du saut, j'ai senti tout de suite que mon genou avait lâché, qu'il y avait comme un claquement qui se faisait dedans, comme j'avais pu avoir à la cheville il y a dix ans. Ça m'a tout de suite donné l'indication, comme quoi les choses n'étaient pas forcément très rassurantes. Lors des examens, j'avais beaucoup d'hématomes un peu partout sur le corps. J'en ai d'ailleurs toujours dans le dos, sur le ventre, à la hanche, aux mains, aux poignets. Mais le gros problème se situe au niveau de la jambe, dans le genou gauche avec un bon nombre de choses abîmées ou cassées et qui nécessitent une opération chirurgicale, qui aura lieu, en principe, mardi. 

Même s'il est encore tôt pour se projeter, quel est votre programme pour la suite et espérez-vous revenir dès le début de la saison prochaine ?

Je ne sais pas du tout. Là, le programme est de bien faire les choses jusqu'à l'opération. Normalement, elle est prévue mardi, mais le docteur m'a sous-entendu que si l'hématome ne se résorbait pas, l'opération pouvait être décalée. J'ai une énorme contusion osseuse, qui a provoqué un gros épanchement liquide. En même temps, j'ai un tennis-leg au mollet sur douze centimètres [un déchirement de la membrane qui lie les mollets].

"Cela a entraîné des gros épanchements. Il faut donc pouvoir drainer l'hématome avant de faire toute intervention. C'est mon premier défi."

Alexis Pinturault, champion du monde 2023 du combiné

en conférence de presse

Après, je sais approximativement ce qu'il va se passer ensuite : rééducation sur à peu près trois semaines, un mois, où je serai à la maison avec des séances de kiné, et des petits renforcements au fur et à mesure des jours. Le travail de convalescence sera le plus important, autrement dit du repos et essayer de ménager mon genou. Je vais citer Johan [Clarey] pour ça. Les athlètes qui récupèrent le mieux dans les premiers mois sont les plus fainéants d'une certaine manière (sourire). Il faut être très patient.

Vous allez avoir 33 ans, ce qui n'est pas très âgé pour un skieur. Mais avez-vous pensé à arrêter votre carrière à la suite de cet accident ?

Oui, cela m'a complètement traversé l'esprit. Quand j'étais à l'hôpital et que je ne connaissais pas encore le diagnostic définitif, ou de la même manière aujourd'hui, bien que je le connaisse. Ce n'est pas une opération si simple : il y a un ménisque au milieu, le latéral externe qui est touché avec un arrachement osseux, le tennis-leg qui est présent aussi. Tout cela peut amener énormément de complications dans toute ma rééducation. Je suis parfaitement conscient que ce ne sera pas si simple de revenir. Je ne sais pas si j'arriverai à revenir à mon meilleur niveau dans le futur. 

"Je ressens l'envie de pouvoir revenir sur les skis."

Alexis Pinturault, vainqueur du Gros Globe de la Coupe du monde en 2021

en conférence de presse

Il n'y a plus forcément cette interrogation de se dire j'arrête mais il y a quand même cette interrogation qui persiste et de se dire : 'est-ce que j'arriverai à devenir à nouveau compétitif ?'

La semaine était intense à Wengen, avec beaucoup de courses qui s'enchaînaient. Il y a eu votre blessure, celle du Norvégien Aleksander Aamodt Kilde. Le calendrier était-il trop chargé ? 

J'ai l'impression que, dans le ski alpin, on est très bête. Pourquoi je dis ça ? C'est, qu'il n'y a que les idiots qui, une fois qu'ils commettent une erreur, refont la même erreur. On en a conscience, on se dit que l'on n'aurait pas dû faire ça. Cela peut arriver, bien entendu, mais derrière, on le corrige pendant un, deux, trois ans, et au bout de quatre, cinq, six ans, on oublie et on revient exactement à ce qu'on avait fait six, sept ans auparavant. Et on refait de nouveau la même erreur. Je pense notamment aux mouvements de terrain en vitesse, ou aux traçages qu'ils ont voulu rendre de moins en moins rapide pour essayer de limiter les blessures. Cette année, on bat bientôt tous les records sur toutes les pistes qui, en descente notamment, n'ont pas été battus depuis je ne sais pas combien d'années.

"On a clairement envie de balancer les athlètes à l'hôpital, c'est mon constat."

Alexis Pinturault, champion du monde 2023 du combiné

en conférence de presse

Dès qu'il y a une course annulée, on en rajoute encore plus. Résultat : cela crée une réelle surcharge. Je ne dis pas que les athlètes sont contre le fait d'avoir plus de courses. En revanche, on a toujours été opposé à une surcharge du calendrier. Je ne sais pas si ma blessure est liée à cela, car j'ai aussi eu une petite fille, peut-être que je fais une faute sur cette bosse, mais il est clair que finir par la descente longue de Wengen alors qu'on a eu deux entraînements, une descente courte, le super-G le plus long de l'hiver et derrière, la descente longue...

Cette blessure remet-elle en cause votre volonté de prendre davantage le départ de la descente ?

A l’heure actuelle, je n'en suis pas là. Disons que mon but est déjà de pouvoir remonter sur les skis et d'une bonne manière. Après, on verra si le but sera d'arriver à être compétitif et performant. Et s'il y a des choix à faire pour redevenir performant, je serai peut-être amené à les faire mais dans l'immédiat, je ne suis pas capable de répondre à la question. 

Bien sûr, si je parle vraiment de moi, de ce que j'ai envie, à l'heure actuelle, oui, j'aimerais pouvoir continuer à suivre cette quête. Mais bien entendu, je suis aussi conscient qu'il y a peut-être certaines choses qui peuvent m'être imposées maintenant.

Propos recueillis en conférence de presse.