Ce que l'on sait de l'interception par Israël du "Madleen", à bord duquel Rima Hassan et Greta Thunberg se dirigeaient vers la bande de Gaza

La marine israélienne a intercepté et dérouté, lundi 9 juin, le bateau Madleen, qui transportait de l'aide humanitaire pour la bande de Gaza. Le navire, qui tentait de rallier le territoire palestinien, était parti le 1er juin de Catane, en Sicile (Italie). A son bord, 12 militants, français, allemand, brésilien, turc, suédois, espagnol et néerlandais, parmi lesquels l'activiste suédoise Greta Thunberg et l'eurodéputée La France insoumise Rima Hassan. Franceinfo revient sur la situation de ce bateau et de ses occupants.

Une interception en pleine nuit

La Coalition de la flottille pour la liberté, un mouvement international de soutien aux Palestiniens, a affirmé que des troupes israéliennes avaient "intercepté de force" le navire dans les eaux internationales un peu après 3 heures du matin (heure de Paris), alors qu'il faisait route vers la bande de Gaza. De son côté, l'armée israélienne a dit que le bateau avait été "arraisonné", sans préciser à quel endroit l'opération s'était déroulée. 

"Si vous voyez cette vidéo, nous avons été interceptés et kidnappés dans les eaux internationales", a déclaré Greta Thunberg dans une vidéo préenregistrée et partagée par l'organisme qui allie aide humanitaire et protestation politique contre le blocus de Gaza.

Des images diffusées par l'organisation montrent les militants à bord du bateau portant des gilets de sauvetage orange, les mains en l'air au moment de l'interception. Certains remettent leur téléphone portable conformément aux instructions. Peu de temps avant, certains ont jeté leur appareil par-dessus bord.

La Coalition de la flottille pour la liberté a dénoncé une "violation manifeste des lois internationales". "Israël n'a pas d'autorité légale pour détenir les volontaires internationaux à bord du Madleen", a déclaré sa responsable, Huwaida Arraf.

Interrogé sur BFMTV, l'ambassadeur israélien en France, Joshua Zarka, a affirmé que le navire a été intercepté "quand il est entré dans les eaux territoriales israéliennes".

Israël assure qu'il "ne permettra à personne de briser le blocus de Gaza"

Le gouvernement israélien a accusé "Greta Thunberg et les autres [d'avoir] essayé de mettre en scène une provocation médiatique dans le seul but de se faire de la publicité". "L'Etat d'Israël ne permettra à personne de briser le blocus de Gaza", avait averti dimanche le ministre de la Défense, Israël Katz. Une réponse directe à l'équipage du Madleen qui entendait par son action "briser le blocus israélien".

"C'était symbolique", a souligné lundi sur franceinfo le président de l'ONG HuSoMe (Humanité Solidarité Médecine), Raphaël Pitti, rappelant qu'il n'y avait "pas suffisamment de vivres, de médicaments pour deux millions de personnes". Mais la démarche était jugée suspecte par les autorités israéliennes. Après avoir vogué au large de la côte égyptienne, le Madleen s'est approché de Gaza en dépit des mises en garde d'Israël, qui a dit vouloir "empêcher le transfert d'armes au Hamas".

"Tous les passagers du 'selfie yacht' [le yacht à selfies] sont sains et saufs. Ils ont reçu des sandwichs et de l'eau. Le spectacle est terminé", a écrit sur X le ministère des Affaires étrangères israélien, au moment de l'interception, avec une vidéo et une photo de Greta Thunberg à qui un sandwich est tendu.

Peu avant, la diplomatie israélienne a partagé une vidéo montrant une militaire communiquant avec l'équipage du Madleen. L'armée israélienne dit avoir ordonné au voilier "de changer de cap en raison de son approche d'une zone réglementée".

Après son interception, le Madleen a été dérouté vers le port d'Ashdod, grand port commercial du sud d'Israël non loin de Gaza, a fait savoir le ministère israélien de la Défense. L'ambassadeur d'Israël en France a affirmé jeudi soir sur BFMTV que les passagers "sont déjà au port d'Ashdod". "Ces personnes ne nous intéressent pas, elles vont être mises dans des avions, on les renverra chez eux", a ajouté Joshua Zarka.

Israël Katz a dit avoir demandé à l'armée de montrer "les vidéos d'horreur du massacre du 7 octobre 2023" aux passagers du bateau à son arrivée à Ashdod pour que "Greta l'antisémite et ses amis, partisans du Hamas, voient exactement quel type d'organisation terroriste est le Hamas"

Paris souhaite le retour des ressortissants français "dans les plus brefs délais"

Emmanuel Macron, a "demandé de permettre, dans les plus brefs délais, le retour en France" de ses six ressortissants à bord du bateau. "Je souhaite qu'ils puissent rentrer au plus vite sur le territoire national, et les agents de notre poste sur place sont pleinement mobilisés pour exercer leur mission, la mission de tous nos ressortissants", a déclaré à la presse Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères. "Nous avons alerté très en amont les participants à cette flottille des risques auxquels ils s'exposaient", a précisé le  patron du Quai d'Orsay.

L'Iran, ennemi juré d'Israël, a pour sa part dit considérer comme un acte de "piraterie" l'interception du bateau. De son côté, la Turquie a dénoncé une "attaque odieuse" et une "violation flagrante du droit international".

La gauche française fait part de son indignation

L'interception du Madleen a fait bondir la gauche en France. Du côté de La France insoumise, les critiques visent autant les autorités israéliennes que l'exécutif français. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé sur X un "acte de piraterie" de l'armée israélienne. "Les distributeurs de sandwichs israéliens qui ont piraté le bateau hier nuit sont dangereux. Le gouvernement et le président ne prennent pas la mesure du danger. Ont-ils peur de Nétanyahou ? C'est insupportable", a écrit l'ancien candidat à l'élection présidentielle.

La cheffe de file des Ecologistes, Marine Tondelier, a appelé à "une mobilisation populaire internationale" pour "amener les Etats à s'engager pour leur protection et leur libération". "L'équipage a atteint son but. Il doit maintenant faire l'objet d'un soutien des Etats européens. Le silence des gouvernements serait une faute", a réagi le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure sur X, jugeant que la flottille de la liberté avait été "interceptée illégalement dans les eaux internationales". "Le gouvernement israélien ajoute l'indignité à l'inhumanité", a estimé le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel.

Plusieurs rassemblements ont été organisés en France en fin d'après-midi, dont un à 18 heures place de la République à Paris, pour demander la "libération" de l'équipage et la poursuite de la mission humanitaire.