Guerre en Ukraine : quels sont les points de blocage avant le sommet à Washington ?

Un compromis est-il possible sur la question ukrainienne ? Ce lundi à Washington, le président ukrainien et ses alliées occidentaux, attendus à la Maison-Blanche, comptent faire valoir chacun leurs conditions pour mettre un terme à la guerre. Quatre jours auparavant, lors d’un sommet Russie-États-Unis en Alaska, le président russe Vladimir Poutine a partagé les siennes à Donald Trump, qui va se charger d’en transmettre le contenu à Volodymyr Zelensky. À la veille de ce branle-bas diplomatique, dimanche soir, le secrétaire d’État américain Marco Rubio, invité sur la chaîne CBS, a reconnu que trouver un compromis entre les différentes positions s’annonçait «très difficile». Derrière l’objectif de l’administration Trump de «mettre fin aux combats», «les deux parties doivent faire des concessions et s’attendre à obtenir quelque chose en retour», a-t-il expliqué dans l’émission «Face the Nation».

Et «c’est très difficile à faire», a souligné le secrétaire d’État, car chaque parti a ses lignes rouges, ses points de blocage, sur lesquels chacun se dit intransigeant. «L’Ukraine se sent manifestement lésée, à juste titre, car elle a été envahie. Et du côté russe, parce qu’ils ont l’impression d’avoir pris l’avantage sur le champ de bataille. Et, franchement, ils ne se soucient pas, ou ne semblent pas se soucier beaucoup du nombre de soldats russes qui meurent dans cette entreprise. Ils continuent simplement à avancer», a expliqué Marco Rubio. Dans ces conditions, trouver une issue à ce dossier demande au président Donald Trump «beaucoup de temps et d’énergie», a souligné le responsable américain.

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Annexion versus intégrité territoriale

Déjà lors des dernières tentatives de pourparlers en Turquie fin juillet, après à peine une heure de discussions au palais de Çiragan, à Istanbul, les négociateurs russes et ukrainiens avaient constaté que leurs «positions» respectives étaient «assez éloignées les unes des autres», selon les termes de Vladimir Medinski, le chef de la délégation russe.

Le Kremlin, pour commencer, refuse un cessez-le-feu. Fort de ses gains territoriaux acquis en plus de trois ans de guerre, il exige la reconnaissance officielle de la souveraineté russe sur les territoires annexés dans le Donbass durant ces trois ans de guerre ainsi que la Crimée, annexée en 2014. Ces conditions sont non négociables pour Vladimir Poutine, qui utilise la menace d’une poursuite de la guerre le cas échéant. Le président ukrainien, lui, demande au préalable un cessez-le-feu avant de commencer les pourparlers pour une paix durable. Le fait que Moscou poursuive ses frappes aériennes et ses offensives sur le terrain en marge des tractations diplomatiques «complique la situation» pour aboutir à un accord de paix, a-t-il encore estimé sur ses réseaux sociaux dans la nuit de samedi à dimanche.

Volodymyr Zelensky a toujours dit souhaiter une rencontre directe avec Vladimir Poutine, ce que la Russie rejette, tant qu’elle n’obtient pas de concessions territoriales claires. Dans le détail, ces exigences territoriales et les éventuelles concessions russes n’ont pas été communiquées après la rencontre à Anchorage vendredi. Selon le média britannique The Telegraph, Vladimir Poutine exigerait le contrôle total de l’oblast de Donetsk, riche en minerais, où Kiev contient tant bien que mal l’avancée des forces russes depuis trois ans. Le dirigeant russe réclamerait même les parties de cette région qu’il n’a pas encore conquises. D’après plusieurs médias américains, Vladimir Poutine aurait informé Donald Trump qu’il était prêt à «geler le reste du front» si ses demandes territoriales étaient acceptées.

Mais le président ukrainien refuse formellement toute cession de territoire à la Russie. Y compris la Crimée, conquise en 2014. Il l’a récemment rappelé dans son allocution quotidienne du 9 août : quelle que soit la pression des négociations internationales, «les Ukrainiens n’abandonneront pas leur terre aux occupants.» Pour justifier cette position, le chef d’État invoque la Constitution ukrainienne qui stipule que le territoire est «indivisible et inviolable» et que toute cession doit être approuvée par référendum national. Même s’il le voulait, le chef d’État n’aurait donc pas le droit d’abandonner une partie du territoire sans l’approbation du peuple ukrainien.

Garanties de sécurité occidentales

Pour prévenir d’une nouvelle agression russe à l’avenir, Kiev demande aussi des garanties de sécurité solides de ses alliés, avec des engagements des États-Unis et de l’Europe par écrit. Avant sa rencontre avec Vladimir Poutine, Donald Trump a suggéré à Kiev une garantie de sécurité similaire à celle de l’article 5 de l’Otan, mais en dehors du cadre de l’Alliance atlantique comme demandé par Moscou. Plusieurs dirigeants européens se sont dits favorables cette alternative, dont le président français Emmanuel Macron, affirmant toutefois qu’elles doivent impliquer les États-Unis et être suffisamment claires pour dissuader toute attaque future. La première ministre italienne Giorgia Meloni a précisé qu’il s’agirait de définir «une clause de sécurité collective qui permettrait à l’Ukraine d’obtenir le soutien de tous ses partenaires, y compris des États-Unis, prêts à agir dans le cas où elle serait à nouveau attaquée».

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Les Européens, eux, ont rappelé leur position commune dans une déclaration après le sommet Trump-Poutine en Alaska le 15 août - conditions qu’ils avaient déjà exprimées deux jours avant le sommet d’Anchorage, au cours d’une visioconférence organisée par le chancelier Merz, dans l’espoir que le président Trump les fasse valoir lors de son entretien avec Vladimir Poutine. D’abord, ils exigent un cessez-le-feu immédiat, et que la décision sur toute concession territoriale revienne à Kiev. Pour la «coalition des volontaires», pas question de continuer des échanges sur une paix en Ukraine sans la principale intéressée, et «il appartiendra l’Ukraine de prendre des décisions concernant son territoire», ont déclaré vendredi dans un communiqué conjoint la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, António Costa, ainsi que l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, la Finlande et la Pologne.

Par ailleurs, il est nécessaire que Kiev conserve sa liberté d’action militaire et que la Russie ne puisse imposer de veto sur ses alliances. Car le Kremlin a rappelé à de nombreuses reprises qu’aucune paix n’était possible sans s’attaquer à ce qu’il considère les «racines» du conflit, soit que l’Ukraine devienne un État neutre et démilitarisé et exclue toute adhésion future à une alliance militaire occidentale. «Aucune restriction ne doit être imposée aux forces armées ukrainiennes ni à sa coopération avec des pays tiers. La Russie ne peut opposer son veto à l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN», ont martelé les Européens dans leur communiqué le 15 août. Ils ont également plaidé pour des «garanties de sécurité irréprochables» à faire à l’Ukraine «pour défendre efficacement sa souveraineté et son intégrité territoriale».

Positions versatiles de Washington

Donald Trump, pour sa part, change de discours au fil des échanges avec les partis. Des revers que l’on peut suivre au gré des posts sur son réseau Social Truth. Samedi matin, dans une première réaction après sa rencontre avec Vladimir Poutine, le milliardaire a affirmé rechercher «un accord de paix, qui mettrait fin à la guerre, et non un simple accord de cessez-le-feu, qui souvent ne tient pas le coup», rejoignant ainsi la vision du Kremlin qui continue de pilonner l’Ukraine tout en discutant de «paix». Un changement de paradigme, alors qu’en juillet, le président américain avait menacé son homologue russe de «conséquences sévères» s’il n’acceptait pas un cessez-le-feu immédiat, en imposant un ultimatum de 50 jours - puis, face à l’absence de réaction, avait réduit ce délai à «10 ou 12 jours», ce qui aboutissait au 10 août dernier.

Les conditions du président américain ont donc changé après sa rencontre avec Vladimir Poutine, puisque ce lundi, le président a encore donné sur Truth Social des indices sur la teneur de son discours à Volodymyr Zelensky lors de leur rencontre lundi après-midi. Donald Trump considère désormais que son homologue ukrainien peut mettre fin à la guerre avec la Russie «presque immédiatement» s’il accepte de perdre la Crimée et de renoncer à entrer dans l’Otan.

Le président américain compte-t-il contraindre Volodymyr Zelensky à renoncer à des territoires également dans le Donbass ? Interrogé sur ce point lors d’une intervention sur Fox News dimanche soir, l’envoyé spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, est resté vague. «Les Russes ont fait des concessions autour de la table sur les cinq régions concernées», a-t-il simplement déclaré, sans plus de précisions sur la nature de ces concessions, entre simple arrêt des combats ou rétrocession à l’Ukraine. «Il y a d’importantes discussions à avoir autour de ce qui arrivera à Donetsk, et ce point sera spécifiquement détaillé lundi», a déclaré l’émissaire américain.