Pénurie d’amoxicilline : Cash Investigation enquête sur la main mise des laboratoires sur les antibiotiques

Après avoir démarché plusieurs pharmacies, les deux mamans de Charlize se sont retrouvées désespérées et impuissantes : aucune de ces officines n’a pu leur délivrer l’amoxicilline prescrite pour soigner leur bébé de 4 mois, atteint d’une otite purulente. Cette réalité est devenue le quotidien des Français, qui doivent faire face à la pénurie de cet antibiotique. Qui est responsable du manque de ce médicament ? Les équipes de Cash Investigation ont mené l’enquête.

Des laboratoires qui fabriquent la précieuse molécule aux pharmacies qui la commercialisent, en passant par l’État censé contrôler la chaîne d’approvisionnement, tout est exploré. Mais, pour soulever l’épais voile qui cache la réalité, il faut d’abord démonter l’argument tenace porté par les industriels et repris en chœur des pharmaciens jusqu’au sommet de l’État.

Toujours la faute de l’assurance-maladie

La rengaine est vieille et le coupable tout trouvé : l’assurance-maladie ne payerait pas assez cher les laboratoires qui privilégient de fait la vente à d’autres pays. Explication simple et de fait convaincante qui a pour but de profiter à ceux qui la formulent. Ainsi, le Leem, qui représente en France les entreprises de médicaments, a accumulé les conférences de presse pour demander l’augmentation du prix d’achat de l’amoxicilline aux laboratoires, afin qu’elle soit à nouveau disponible sur le marché français.

À l’aide d’une étude commandée, l’organisation des industriels de la santé prétend que la France achète environ 20 % moins cher ce médicament par rapport à ses voisins. Mais, en analysant cette étude, une économiste démontre son instrumentalisation et son manque de pertinence.

Pourtant, comme le rappelle Cash Investigation, Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé, a cédé à l’automne 2023 à la pression du Leem en augmentant de 10 % le prix du médicament. C’est le directeur général de la santé, Grégory Emery, qui, sans être désarçonné, révèle l’échec cuisant de ce cadeau fait aux industriels. Il présente cette décision comme un simple test car, selon lui, il fallait bien essayer pour montrer que l’argument ne tenait pas.

Zone grise sur les stocks

Mais alors, où sont passées les boîtes d’amoxicilline ? Normalement, il revient à l’Agence nationale de sécurité du médicament et plus précisément aux agents du Casar de tracer les stocks de médicaments pour prévenir les ruptures. D’après les informations recueillies par les journalistes, il est, en réalité, à ce jour, impossible pour la dizaine de salariés consacrés à ce travail de suivre le médicament de sa production à sa mise en disposition dans les pharmacies.

Autre révélation, Cash Investigation a enquêté sur des stocks de cet antibiotique qui seraient détruits au quotidien malgré le contexte de pénurie. L’enquête fait aussi la lumière sur la pratique méconnue de commercialisation qui favoriserait des pharmacies aux dépens d’autres, les premières se retrouvant dans des situations de surstockage du médicament. Reste une dernière piste explorée : les laboratoires favoriseraient-ils désormais la production de médicaments qui se vendent très cher sur le marché et ce, au prix de malades sacrifiés ?

Cash Investigation. Pénuries de médicaments : les labos font-ils la loi, France 2, jeudi 9 janvier à 21 h 05.

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