Piste d’un missile russe responsable du crash au Kazakhstan : par le passé, ces avions de ligne abattus par erreur

Les circonstances du crash du vol J-8243 d’Azerbaidjan Airlines au Kazakhstan faisant 38 morts parmi les 67 passagers mercredi 25 décembre sont toujours inconnues. Mais selon des experts militaires et différentes sources sécuritaires de plusieurs pays citées par la presse internationale, l’Embraer-190, qui reliait Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, à Grozny, capitale de la république caucasienne russe de Tchétchénie, pourrait avoir été frappé par un système de défense antiaérienne russe.

Selon l’Azerbaïdjan un missile russe sol-air, tiré à partir d’un système de défense aérienne Pantsir-S près de Grozny, a provoqué la chute de l’avion, a indiqué jeudi Caliber, un site azerbaïdjanais pro-gouvernemental, en citant des responsables de ce pays sous couvert d’anonymat. Le journal américain The New York Times ainsi que l’agence de presse officielle turque Anadolu, ont publié des informations similaires. Ce vendredi, le Kremlin a fait savoir qu’il ne fera pas de commentaire avant la fin de l’enquête ouverte par le ministère kazakh de l’Intérieur pour «violation des règles de sécurité et d’exploitation du transport aérien». Par le passé, plusieurs avions de ligne ont été abattus ou visés par erreur.  

Janvier 2020 : vol PS752 d’Ukraine International Airlines

Le cas le plus récent remonte au 8 janvier 2020. Ce jour-là, un Boeing 737 de la compagnie Ukraine International Airlines doit relier Téhéran à Kiev. Il s’écrase quelques instants après avoir décollé de l’aéroport international de la capitale iranienne. Les 176 passagers et membres d’équipage du vol PS752 meurent. Le 9 janvier, l’Organisation de l’aviation civile iranienne (CAO) indique que l’appareil avait fait demi-tour après un «problème» et «disparu des écrans radars au moment même où il atteignait une altitude de 2400 mètres. Le pilote n’a transmis aucun message radio concernant des circonstances inhabituelles»

Les 176 passagers et membres d’équipage du vol PS752 meurent dans le crash de l’avion à proximité de Téhéran. AKBAR TAVAKOLI / AFP

Le 11 janvier, l’Iran reconnaît avoir abattu l’avion par erreur : le Boeing a été pris pour un «avion hostile». Sur Twitter (aujourd’hui X), le ministre iranien des Affaires étrangères avait estimé que cet accident était la conséquence d’une erreur humaine et de l’«aventurisme des États-Unis». «J’endosse la responsabilité totale, j’aurais préféré mourir plutôt que d’assister à un tel incident», avait déclaré de son côté le commandant de la branche aérospatiale des Gardiens de la Révolution Amir Ali Hajizadeh. Selon lui, le missile a explosé à côté de l’avion après qu’un opérateur a fait feu sans obtenir la confirmation d’un ordre de tir à cause d’un «brouillage» télécom. Le soldat a pris l’avion pour un «missile de croisière» et a eu «10 secondes» pour décider.

Juillet 2014 : vol MH17 de la Malaysia Airlines

Six ans plus tôt, le 17 juillet 2014, le vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines, qui relie Amsterdam à Kuala Lumpur, s’écrase en Ukraine dans la région de Donetsk. Les 298 passagers (dix nationalités différentes) et membres d’équipage du Boeing 777-200ER périssent. À cette époque, les forces ukrainiennes combattent les séparatistes pro-russes de la province située dans l’est de l’Ukraine. Un temps, ces derniers entravent le travail des enquêteurs et les empêchent d’accéder au site du crash. 

En juin 2015, alors que la piste du missile a déjà été évoquée à maintes reprises, le fabricant d’armes russe Almaz-Anteï confirme que le Boeing malaisien MH17 a bien été abattu par un missile sol-air BUK - un BUK 9M38M1 sol-air équipé d’une ogive 9H314M - issu de ses propres usines.

Une information confirmée trois ans plus tard par le procureur néerlandais Fred Westerbeke lors de la conférence de presse de l’équipe d’enquête conjointe. Le 24 mai 2018, à Bunnik, les enquêteurs déclarent pour la première fois que le missile qui a abattu l’avion provenait de la 53e brigade antiaérienne russe basée à Koursk, dans l’ouest de la Russie. Le 17 novembre 2022, un tribunal néerlandais condamne trois hommes à perpétuité par contumace. La Russie, elle, a toujours nié toute responsabilité.

Octobre 2001 : vol 1812 de Siberia Airlines

Parti de Tel Aviv en Israël et se dirigeant vers Novossibirsk en Russie, le vol Siberia Airlines 1812 est abattu par un missile au-dessus de la Mer Noire, à 190 kilomètres au large de la ville balnéaire russe de Sotchi, le 4 octobre 2001. Les 66 passagers et les 12 membres d’équipage à bord du Tupolev 154M décèdent dans l’accident. Un mois après les attentats terroristes du 11-Septembre aux États-Unis, les spéculations fourmillent. 

Dans un premier temps, les autorités russes pointent du doigt les rebelles tchétchènes. L’avion a en vérité été abattu par un missile S-200 tiré par erreur par la flotte ukrainienne, alors en pleine manœuvre au large de la Crimée. Selon un rapport de la Russie, le missile en question avait dépassé la cible qu’il devait atteindre, cette dernière ayant été neutralisée par un autre missile lancé au même moment. Le S-200, au lieu de s’autodétruire, a pris pour cible le Tupolev. Après avoir nié, les autorités finissent par admettre leur responsabilité.

Juillet 1988 : vol 655 d’Iran Air 

Le 3 juillet 1988, l’Airbus A300 du vol Iran Air 655 reliant Bandar Abbas, en Iran, à Dubaï, aux Émirats arabes unis, est abattu par le croiseur américain USS Vincennes qui patrouille dans les eaux du golfe Persique. Les 290 passagers et membres d’équipage meurent. 

Au moment du décollage, les navires de guerre américains sont en chasse contre un convoi de vedettes des Gardiens de la Révolution. L’Airbus, en raison de la courte distance à parcourir, vole bas tout et «emprunte le couloir aérien réservé à la circulation commerciale», rapporte dans son ouvrage La Guerre Iran-Irak. Première guerre du Golfe 1980-1988 (Perrin, 2013) l’historien Pierre Razoux. 

Des enfants iraniens jettent des fleurs dans la mer alors qu’ils commémorent le 24e anniversaire de l’abattage du vol 655 d’Iran Air par la marine américaine, dans le port de Bandar Abbas, le 2 juillet 2012. ATTA KENARE / AFP

«Plusieurs opérateurs du Vincennes (...) font une erreur d’interprétation des signaux radars et estiment que [l’avion] perd de l’altitude tout en gagnant de la vitesse, profil type d’une attaque aérienne contre un navire, poursuit l’ancien directeur de recherche à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM). L’Airbus continue en réalité de grimper. En manœuvrant pour engager les vedettes des Pasdarans, le Vincennes s’est placé exactement sur la trajectoire du vol Iran Air 655.» 

L’avion, «muni d’un transpondeur civil, ne répond pas aux tentatives de prise de contact du Vincennes». «Le commandant du navire est convaincu qu’il s’agit d’une attaque. Il ne juge pas opportun de consulter les frégates qui l’accompagnent afin d’en avoir la certitude, et ouvre le feu. À 10h25, deux missiles antiaériens pulvérisent le vol 655.» 

Septembre 1983 : vol 007 de la Korean Air Lines

Cet accident est l’un des épisodes les plus notoires de la guerre froide. Le 1er septembre 1983, le vol 007 Korean Air Lines reliant New York à Séoul via Anchorage (Alaska) est abattu par un avion de chasse russe, un Soukhoï Su-15 aux environs de Sakhaline à l’extrême ouest de la Russie. Les 269 passagers - dont 105 Sud-Coréens, 62 Américains - et membres d’équipage sont tués. 

À cause d’une erreur de navigation, le Boeing 747-230B dévie de sa trajectoire et pénètre dans l’espace aérien soviétique. Les autorités russes confondent l’avion de ligne avec un avion de renseignement américain, le Boeing RC-135 Cobra Ball. Au même moment, l’un de ces appareils effectuait une mission dans le périmètre.

Avril 1978 : vol 902 de la Korean Air Lines

Cinq ans plus tôt, la compagnie sud-coréenne avait déjà connu un drame. Le 20 avril 1978, le vol Korean Air Lines 902 qui relie Paris à Séoul est abattu par deux chasseurs soviétiques - des Soukhoï Su-15. En raison d’une erreur de calcul commise par les pilotes, le Boeing 707-321-B dévie de sa trajectoire et viole l’espace aérien soviétique. 

L’avion de ligne avait été confondu avec un Boeing C-135, un avion militaire américain. Ne pouvant pas communiquer avec l’avion de ligne, les chasseurs lancent deux missiles. Deux passagers meurent. L’avion arrive à se poser sur un lac gelé en Carélie, en Russie, près de la frontière finlandaise. 107 personnes survivent.

Septembre 1968 : le mystère de la Caravelle Ajaccio-Nice

En France, le mystère pèse toujours sur le crash toujours officiellement inexpliqué de la Caravelle Ajaccio-Nice du vol AF1611 qui a fait 95 morts le 11 septembre 1968. L’appareil d’Air France avait sombré en pleine mer Méditerranée, à 2300 mètres de profondeur. Rapidement, l’enquête fait état d’un feu à bord de l’avion. Mais un autre scénario, évoqué dans un rapport de la commission d’enquête et défendu par les familles de victimes, est invoqué : la collision avec un missile. Au moment du crash, des exercices aériens se déroulaient en Méditerranée, surveillés par la base radar du mont Agel, qui domine Monaco. 

En 2019, Emmanuel Macron a demandé la levée du secret-défense concernant ce crash. Début novembre 2024, le parquet de Nice s’est dit favorable à la mise en œuvre d’une opération de repêchage ou de prises de vues. C’est désormais au juge d’instruction, saisi dans le cadre d’une information pour dissimulation, destruction et soustraction de preuves, et recel de ces infractions, d’ordonner ou non la mise en œuvre de cette étude.