Qui est Lucile Boulanger, soliste instrumentale de l’année aux 32e Victoires de la musique classique ?

Qui est Lucile Boulanger, soliste instrumentale de l’année aux 32e Victoires de la musique classique ?

Lucile Boulanger, soliste instrumentale aux 32e Victoires de la musique classique. Alpha

Un an tout juste après Salomé Gasselin, révélation instrumentale 2024, la musicienne de 38 ans apporte une nouvelle Victoire à la viole de gambe.

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Enfant de la balle, celle qui mena longtemps de front («et un peu cachée») une double carrière de comédienne - la voix de Dora l’exploratrice, c’était elle - et de gambiste, reconnaît que son choix de l’instrument le plus proche de la voix humaine n’est peut-être pas étranger à ce double parcours. Mais « c’est d’abord par une rencontre avec Christine Plubeau, qui deviendra ma professeur, que j’ai eu le déclic, à 4 ans », rappelle-t-elle.

Lucile Boulanger a cinq ans tout juste lorsque sort en salle le film d’Alain Corneau Tous les Matins du monde, qui vaudra à la viole de gambe sa première Victoire grâce à Jordi Savall (qui en avait enregistré la bande originale). Et c’est précisément à cet âge qu’elle commence la viole de gambe! Dire qu’elle est une enfant de Tous les Matins du monde n’est donc pas une simple tournure de phrase. Même si elle confesse toutefois vis-à-vis du film de Corneau «des sentiments ambivalents: je me rends compte des portes qu’il a ouvertes. Mais il ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, faisant oublier le travail pionnier de tous ceux qui ont précédé Savall, comme Jean-Louis Charbonnier», argue-t-elle. Tout en revendiquant un répertoire «qui reste ouvert, que ce soit par la commande d’œuvres nouvelles (des œuvres qui sont au cœur de son dernier album, La Messagère, où elle fait dialoguer pièces contemporaines et œuvres de contemporains de Marin Marais), ou la transcription.»

Sur les traces de Carl Friedrich Abel

Son univers ne se limite pas au baroque français. Même s’il est vrai qu’elle a consacré deux de ses précédents opus discographiques, dédiés pour l’un à Antoine Forqueray, le compositeur mais aussi l’interprète et transcripteur, pour l’autre à Monsieur de Sainte-Colombe et ses filles, aux côtés de Philippe Pierlot et d’une autre gambiste de la jeune génération, Myriam Rignol, au XVIIe français. C’est en effet chez Jean-Sébastien Bach et Carl Friedrich Abel, dont elle joua une pièce lors de la cérémonie des 32e Victoires de la musique classique, qu’on l’a découverte il y a des années. Au détour du concours Bach-Abel de Köthen en Allemagne. Deux compositeurs auxquels elle était revenue il y a trois ans dans un sublime disque chez Alpha : son tout premier album entièrement solo. La confrontation, par le biais de transcriptions parfois inattendues mais étonnantes de naturel, de l’un des plus grands génies de l’histoire de la musique avec un compositeur qui, pour beaucoup, reste un inconnu. Confrontation qui sur le papier pouvait sembler aventureuse, mais est en réalité d’une grande intelligence musicale.

Car de Carl Friedrich Abel, on a surtout retenu la société de concerts qu’il fonda à Londres en 1765 avec Jean-Chrétien Bach, le dernier des fils Bach. Or ses relations à Jean-Sébastien, dont il était le filleul, étaient bien plus étroites. Carl Friedrich fut vraisemblablement son élève de composition, et les fameuses Suites pour violoncelle de Bach auraient pu être écrites pour son père... Christian-Ferdinand Abel, gambiste et violoncelliste de l’orchestre de Köthen au moment où elles furent composées.