Bong Joon-ho, le lauréat de la palme d’or 2019 avec Parasite , aurait voulu que personne ne voie son premier long-métrage, Barking Dog. Son vœu a presque été exaucé dans la mesure où il n’est jamais sorti en salle en France – seuls quelques spectateurs l’ont découvert tardivement au gré de sa programmation dans des festivals.
On ne trouve pas pareil reniement chez Guillermo del Toro, Lion d’or à Venise et Oscar du meilleur film en 2018 avec La Forme de l’eau . Le cinéaste mexicain, l’un des « tres amigos » partis à la conquête de Hollywood, avec Alfonso Cuaron et Alejandro Gonzalez Iñarritu, a supervisé la restauration 4K de Cronos, son premier long-métrage, resté plus de trente ans inédit au cinéma.
Objet mécanique et organique
Sans crier au chef-d’œuvre méconnu, Cronos est une curiosité, digne d’intérêt pour quiconque s’intéresse aux influences de del Toro, à peine digérées dans ce premier essai (de Mario Bava à David Cronenberg, en passant par Terence Fischer et Dario Argento). Comme c’est souvent le cas dans un premier essai, Cronos contient aussi en germes tous les grands thèmes et obsessions du cinéaste. À commencer par l’amour des monstres.
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Jesus Gris est d’abord un homme ordinaire, vieil antiquaire sans histoires et grand-père protecteur d’une petite orpheline. Sa découverte d’une boîte dissimulée dans une statue bouleverse son existence. L’objet, à la fois mécanique et organique, s’anime et lui injecte un fluide qui le fait rajeunir. Une malédiction. Jesus devient une sorte de vampire assoiffé de sang, fuyant la lumière, poursuivi par un homme d’affaires malade et son neveu bas du front - Ron Perlman, futur acteur fétiche de del Toro.
Cronos demeure à ce jour l’unique œuvre de del Toro tourné au Mexique. Il fait regretter son exil précoce aux États-Unis, les budgets exponentiels de ses productions suivantes et les compromis inhérents à une carrière au sein des studios (Mimic, Blade 2, Hellboy, Pacific Rim…). En attendant son Frankenstein. Ses deux plus beaux films restent son diptyque sur la Guerre d’Espagne, L’Échine du diable et Le Labyrinthe de Pan , tournés dans sa langue maternelle.