Nantes : pour reconquérir le 38 rue Watteau, miné par le trafic, le hall d’entrée va être déplacé
C’est l’un des plus gros points de deal nantais. Au cœur des Dervallières, le 38 rue Watteau est une adresse prisée des trafiquants depuis des années. Générant un chiffre d’affaires de 10.000 euros par jour, le hall d’entrée est régulièrement squatté. Près de la moitié des logements sont vacants. Récemment, le facteur a même fait valoir son droit de retrait.
«On a reconquis le terrain, on a repris le point de deal le plus lucratif de la ville de Nantes», s’est félicité fin mars le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, en visite sur place. Si cette annonce a rendu dubitatifs certains habitants, le secteur fait désormais l’objet d’une surveillance accrue. Outre la présence policière, le bailleur social Nantes Métropole Habitat (NMH) a prévu un réaménagement de taille pour endiguer le trafic.
800.000 euros de travaux
En juin, de gros travaux vont être engagés pour retourner le hall d’entrée du bâtiment. L’actuelle entrée, située devant un parc de verdure, sera murée. À compter de fin 2025, les habitants entreront de l’autre côté, au niveau de la rue Jacques Callot, accessible en voiture. «Techniquement, c’est un gros boulot. On change la structure de l’immeuble», explique le responsable des travaux*. Un logement occupé va être réquisitionné afin d’ériger ce hall surélevé s’étendant sur deux niveaux. Imaginé depuis un an en partenariat avec les forces de l’ordre, les pompiers, la métropole et La Poste, le projet contient des aménagements sécuritaires spécifiques, telles que l’installation de caméras. Aussi, les boîtes aux lettres seront disposées à l’extérieur, l’ensemble sera transparent, et l’escalier ne disposera pas de contremarche pour pouvoir observer ce qu’il se passe plus bas.
800.000 euros sont alloués à ce travail d’ampleur, comprenant également une modification de l’entrée de l’agence de Nantes Métropole Habitat, située à quelques mètres de là. «On est une petite pièce du puzzle», indique un porte-parole de Nantes Métropole Habitat, rappelant que le bailleur n’est pas un policier. NMH peut déposer plainte en cas de dégradations ou agressions, financer des médiateurs sur le terrain, déployer la vidéoprotection (seize sites en sont équipés depuis l’an dernier), et demander à la justice une rupture de bail si un locataire a été condamné pour des faits impliquant l’usage d’un logement social. Le réaménagement reste une solution parmi d’autres. «Parfois, on peut réduire la taille d’un hall ou retirer une prise pour éviter que les dealers ne restent sur place... mais il n’y a aucune solution miracle sinon tous les bailleurs de France la mettraient en place.»
32 halls «annexés»
À défaut, «les interventions techniques et l’entretien du 38 rue Watteau sont permanents», insiste l’acteur public du logement social de la métropole nantaise. Depuis deux ans, le ménage est fait tous les jours, contre une à deux fois par semaine dans les autres HLM. L’attention portée à cette adresse est croissante. Entre 2015 et 2017, l’immeuble Watteau, s’étalant sur plusieurs numéros pour un total de 209 logements, avait déjà été restructuré à hauteur de 18 millions d’euros. En 2020, le coût des interventions liées au vandalisme sur ce parc immobilier s’élevait à 13.500 euros, contre 50.500 euros aujourd’hui.
Le 38 fait partie des halls surveillés de près par le bailleur social nantais. «Sur 2500 halls, 32 sont considérés comme annexés. C’est peu, mais on s’en occupe de manière spécifique», rapporte NMH. Quant aux logements vacants, «sur 25.000, il y en a 65 dont on estime qu’on ne va pas les remettre en location pour l’instant». Un chiffre qui pourrait être amené à diminuer : le bailleur espère pouvoir très prochainement relouer les 30 logements du 38 rue Watteau si l’amélioration se pérennise. «Voir 30 logements vides dans une cage d’escalier, ça n’a pas de sens. Notre boulot est de remplir les logements», termine Nantes Métropole Habitat, qui l’assure : «Les bailleurs sont victimes du deal comme les habitants.»
*Pour éviter des représailles et dans un souci de sécurité, le personnel de Nantes Métropole Habitat souhaite rester anonyme