"Une mélodie arrive toujours sans prévenir, n'importe quand" : le questionnaire de Proust d'Esther Abrami, violoniste
Sa prestation le 1er juin devant près de 50 000 personnes au Parc des princes lors de la présentation du trophée et la haie d'honneur pour célébrer la victoire de la Ligue des champions par le PSG a marqué les esprits. Esther Abrami est une violoniste classique, mais sait partager sa passion pour le répertoire avec le plus grand nombre. Et en particulier avec la jeune génération. "C'est une musique exaltante, passionnée, profonde, émouvante… Mais pas poussiéreuse. Ce qui est peut-être poussiéreux, c'est l'image que les gens en ont. Et c'est ça que j'essaye de changer", raconte-t-elle à franceinfo Culture.
Son secret ? Esther Abrami est une star des réseaux sociaux. Ces derniers sont, dit-elle, "un outil que j'utilise pour partager les coulisses de ma vie de musicienne classique et pour la rendre plus accessible. Je ne me suis jamais considérée comme une influenceuse ; et si le côté 'influence' de ma carrière existe, c'est parce qu'à la base de tout ça, il y a la musique". Avec son nouvel album Women, dédié aux femmes compositrices, Esther Abrami sillonne les festivals d'été en France avant une date de taille, l'Olympia, le 23 novembre.
Franceinfo Culture : Cet été, êtes-vous plutôt travail ou sieste, tournée ou vacances ?
Esther Abrami : Tout à la fois ! L'été, je me lève très tôt pour travailler et commencer à jouer du violon avant qu'il ne fasse trop chaud, alors pour couper la journée, je fais une sieste de 20 minutes en début d'après-midi. Cet été, entre les concerts des festivals et la préparation d'une rentrée chargée, je vais essayer de m'offrir trois jours de vraies vacances où je laisse même mon violon se reposer (ce qui est extrêmement rare !).
En vacances, êtes-vous montagne ou plage ? Nord ou sud ?
Je suis une fille du sud ! Alors sud et mer/plage sans hésiter.
Parlons création : êtes-vous du matin ou du soir ?
Une mélodie arrive toujours sans prévenir, n'importe quand, mais je consacre généralement la fin d'après-midi et soirée à la composition. Le matin, je le réserve à la pratique du violon. Travailler un morceau précis, un passage technique, ou imaginer une mélodie, une suite d'accords harmonieux, ce sont deux façons de se concentrer totalement différentes.
Studio ou live ?
Live ! La connexion avec le public, le contact émotionnel qu'on peut avoir et faire ressentir aux gens qui viennent au concert, c'est un sentiment irremplaçable et c'est clairement la raison pour laquelle j'ai choisi d'être musicienne quand j'étais petite : arriver à atteindre l'âme des gens avec un violon.
Quel est le disque que vous n'avez toujours pas écouté ?
Bridge Over Troubled Water de Simon & Garfunkel. Ma maman m'en parle toujours en disant qu'elle écoutait ça quand elle était jeune, faut vraiment que je l'écoute !
Votre meilleur souvenir de musicienne ?
Jouer en soliste à l'iconique Royal Albert Hall à Londres. Quand j'étais étudiante au Royal College of Music, tous les matins en allant travailler, je passais devant la salle de concert du Royal Albert Hall, qui se trouve littéralement en face et je me disais 'un jour, je jouerai là'. Quand ce jour-là est arrivé, que je suis entrée sur scène et que j'ai commencé à jouer, j'ai eu l'impression de l'accomplissement d'années de travail, et surtout de la réalisation d'un rêve.
Votre cauchemar ?
Monter sur scène alors que je ne connais pas le morceau ! Cela m'arrive de faire des cauchemars comme ça quand je suis un peu stressée, je dois monter sur scène, mais je ne sais pas comment le morceau démarre. Affreux ! Pour compenser, avant des concerts importants, je lis mes partitions juste avant d'aller dormir pour la mémoire.
Si vous étiez une musique, laquelle serait-elle ?
La musique de la comédie musicale Un violon sur le toit. Je l'aime tellement et je trouve qu'elle me correspond bien !
Quelle phrase musicale ou littéraire a bouleversé votre vie ?
Les premières mesures du concerto de Mendelssohn ainsi que la cadence du premier mouvement. Quand le violon se met à faire sauter l'archet en faisant des ricochets quelques mesures avant que l'orchestre reprenne le thème entendu auparavant en violon solo. Quelle puissance !
Quels sont les personnages de la littérature, de l'art ou de la musique que vous avez détestés ?
C'est assez rare que je déteste quelqu'un… Je suis très empathique et j'essaye toujours de me mettre dans la peau de l'autre. Alors même les personnages qui peuvent paraître antipathiques, j'essaye de leur trouver des qualités ou de comprendre pourquoi ils agissent comme tel. Après, ça m'est quand même arrivé de haïr Niccolo Paganini quand j'apprenais ses caprices pour violon… Ils sont si compliqués !!
Et ceux qui vous ont toujours accompagnée ?
Romain Gary, surtout dans son livre La Promesse de l'aube où le personnage principal et sa relation avec sa maman me rappellent la mienne. C'est un livre dont je relis des passages assez souvent et qui m'accompagne depuis plusieurs années. Plus récemment, Clara Schumann : c'est une compositrice dont l'histoire m'a particulièrement touchée, surtout après avoir lu son journal intime et avoir vu à quel point elle a mis sa carrière en arrière pour laisser à Robert Schumann le temps et l'espace pour composer.
Quel est le lieu où vous êtes chez vous ?
Il y en a plusieurs. La Provence bien sûr, car c'est de là que je viens, mais j'ai aussi vécu à Manchester dans le nord de l'Angleterre quand j'étais adolescente et cette ville m'a si chaleureusement accueillie que je m'y sens chez moi. Plus récemment, j'ai déménagé à Paris et je dois dire que cette ville me séduit un peu plus chaque jour.
Quel est le lieu qui vous inspire ?
La montagne Sainte-Victoire, je l'ai vue tous les jours de mon enfance, sous toutes les formes et couleurs. C'est un lieu qui m'inspire beaucoup.
Quelle est la question qui vous horripile ?
Quand on me demande si je n'ai pas peur que le fait de m'habiller de manière glamour/sexy dans mon environnement professionnel me décrédibilise. Je trouve ça fou qu'on ait encore ce genre de conversations aujourd'hui. Beyoncé est en body à paillettes sur scène, c'est canon, et personne ne remet ça en question. Pourquoi est-ce que le fait de jouer une musique plus 'ancienne' devrait être lié au fait de mettre des robes qui ne remontent pas au-dessus des genoux ?
Et celle qu'on ne vous a jamais posée ?
"Si tu n'étais pas violoniste et compositrice, aujourd'hui, tu ferais quoi ?"
Esther Abrami cet été en tournée française pour son disque "Women" (Sony) : le 8 août au festival Symphonie d'été (Fouras les bains), le 17 août au festival Lieux Mouvants (Lanrivain), le 21 août à l'Impérial Annecy festival (Annecy), le 30 août au festival Musiques dans la Rue (Aix-en-Provence).
Concert à l'Olympia le 23 novembre 2025.