REPORTAGE. "Nous nous sentons pris au piège" : à Dalton, aux États-Unis, les immigrés vivent dans la peur de se faire expulser

La Cour suprême des États-Unis a accordé vendredi 30 mai un succès au président Donald Trump dans sa politique d'expulsions massives, en l'autorisant à révoquer temporairement le statut légal de plus de 530 000 immigrés vénézuéliens, cubains, nicaraguayens et haïtiens. Depuis, encore plus qu'avant, ils vivent dans la peur d'être arrêtés.

Dalton, une petite ville du nord de l'Etat de Géorgie, vit dans l'angoisse. Les contrôles policiers s'y multiplient, ciblant les conducteurs hispaniques, sans raison apparente. Une "arme" anti-migrants, depuis que la municipalité collabore avec les autorités fédérales pour faire expulser les sans-papiers, même ceux n'ayant commis aucune infraction. Cette politique a conduit à l'arrestation de l'étudiante mexicaine Ximena Arias-Cristobal, à la veille de ses partiels, lors d'un contrôle routier injustifié.

Fouillée, menottée, emmenée au service de l'immigration

Lorsqu'elle est arrêtée au volant de sa voiture, à un carrefour de la ville, Ximena Arias Cristobal sait pourtant qu'elle n'a pas grillé le feu. Mais elle comprend que sa vie bascule. Arrivée du Mexique à quatre ans, avec ses parents, elle n'a jamais eu de papiers. Fouillée, menottée, elle est emmenée sur-le-champ aux services de l'immigration, comme son père, arrêté dix jours auparavant.

"La police fait des contrôles aux feux. C'est comme ça que les gens sont envoyés dans des centres de détention et expulsés".

America Grunner, directrice d'une association d’aide aux hispaniques

à franceinfo

Plus de la moitié des 270 000 habitants de Dalton sont hispaniques. Beaucoup sont sans papiers, travaillent principalement dans les hôtels, le nettoyage, les restaurants. "Les gens ont peur. C'est très compliqué parce qu'ils ont besoin de travailler. Ils doivent emmener leurs enfants à l'école, chez le docteur, au supermarché. Nous n'avons donc pas de transports en commun. Nous nous sentons pris au piège", déclare America Grunner, qui s'occupe d'une association d'aide aux hispaniques.

10 000 dollars pour devenir citoyen américain

Devant sa boutique sur Hamilton Street, Billy Rogers lève les yeux au ciel quand on lui parle de Ximena Cristobal Arias. "J'ai beaucoup de respect pour les latinos. La plupart d'entre eux sont de bons chrétiens. J'en ai employé, mais bien sûr, ils avaient des papiers… C'est comme ça, tu n'es pas en règle, désolé ! Le président Biden a bousillé notre pays en laissant entrer n'importe qui ! C'est plein de types qui frappent des gens et violent des femmes et des enfants. Moi, j'ai un problème avec ça", raconte Billy Rogers.

Ximena est majeure, elle n'a aucune circonstance atténuante pour éviter l'expulsion. Tous ici craignent qu'on en fasse un exemple. Certains ont peur d'être dénoncés, ne vont même plus à l'église, de peur d'être raflés. Et Alberto, lui, bénit le ciel d'être né ici, et de n'avoir pas eu à se faire régulariser. "Ce n'est pas facile du tout. Il n'y a pas de processus clair. Certains ont dû dépenser environ 10 000 dollars pour pouvoir devenir citoyen. D'autres sont punis pendant 10 ou15 ans et doivent retourner dans leur pays d'origine pour avoir une chance ensuite d'obtenir la citoyenneté", témoigne Alberto.

Ximena attend dans un centre pénitencier d'être expulsée Dans un appel depuis sa prison, elle le dit, quoi qu'il arrive, "elle ne sera plus jamais la même personne".