Notre critique d’Avignon, une joyeuse immersion dans le Off

Notre critique d’Avignon, une joyeuse immersion dans le Off

Baptiste Lecaplain et Elisa Erka dans Avignon. Nolita Cinema Marine Danaux

Johann Dionnet s’est inspiré de son vécu pour cette comédie romantique. Ce qui lui a valu d’être triplement primé au Festival de l’Alpe d’Huez.

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Stéphane (l’humoriste Baptiste Lecaplain, excellent) vient de jouer un pirate dans une pièce familiale, mais il a envie de s’illustrer dans du classique. Une copine, Coralie (piquante Alison Wheeler), le convainc pourtant de reprendre le rôle principal d’un boulevard au Festival Off d’Avignon, Ma sœur s’incruste, mise en scène par Serge, son petit ami (Lyes Salem). « Tout est dans le titre ! », répète la bande en tractant vêtue d’un tee-shirt rose.

Jusqu’à ce que Stéphane tombe sur Fanny (Elisa Erka, solaire), une actrice avec laquelle il a fait un stage de théâtre quelques années auparavant. Elle joue dans Ruy Blas, de Victor Hugo, et est en plus programmée dans le In. Gêné, Stéphane lui laisse croire qu’il interprète Rodrigue. Par chance, les deux pièces sont données à la même heure et Fanny ne devrait pas découvrir la vérité. Bien sûr, ce ne sera pas le cas.

Inspiré de ses expériences comme acteur dans le Off, Johann Dionnet livre son premier long-métrage, Avignon. Il rappelle que, chaque été, la Cité des papes est un lieu aussi incontournable pour les « théâtreux » que Cannes pour les cinéphiles. Il y avait déjà trouvé la matière pour écrire, jouer et tourner un court-métrage cocasse, Je joue Rodrigue (2022), dont est tiré son film.

Réflexion sur le métier d’acteur

Dans la peau du meilleur ami de Coralie, il peint de façon juste les difficultés d’une troupe désargentée qui se bat pour vendre son spectacle parmi plus de 1500 proposés dans la jungle du Off. Sans perdre son sens de l’humour. Les situations et les dialogues servent une comédie à la fois romantique et réaliste, et livrent en prime une réflexion sur le métier d’acteur. Elle a valu à Johann Dionnet trois récompenses au Festival de l’Alpe d’Huez 2025, dont le grand prix du jury.

Portés par une distribution émérite, les personnages qu’il a dessinés sont tous crédibles. Dans l’équipe de Serge, le chef lunatique de la petite troupe, on retrouve Rudy Milstein en régisseur débutant. Il est engagé au pied levé pour conduire un vieux van, mais il n’a pas le permis ! Le trentenaire est à l’origine du succès C’est pas facile d’être heureux quand on va mal  (au Théâtre Tristan Bernard jusqu’au 11 juillet, deux Molières en 2024).

Amaury de Crayencour est l’archétype des acteurs du In. Il ressemble à ceux qu’on croise parfois : égocentrique, imbuvable et méprisant envers ceux qui ne sont pas de son milieu. À l’opposé, Ariane Mourier campe une actrice du Off qui profite des joies d’Avignon sans calcul. Matthieu Burnel, lui, excelle dans la peau du directeur d’un théâtre de fortune qui loue sa salle à prix d’or et menace de virer la troupe de Serge si elle ne la remplit pas. On l’a vu dans Un p’tit truc en plus, d’Artus, et dans Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ?de Philippe de Chauvron. Tel le Montesquieu des Lettres persanes, Johann Dionnet partage son regard aiguisé sur le plus grand rendez-vous de théâtre du monde, mais privilégie la comédie. Il a raison.

La note du Figaro : 3/4.