«Une tâche titanesque» s’annonce pour le probable chancelier Friedrich Merz, selon la presse allemande

Dans la presse allemande, après les résultats finaux viennent les exercices de prospective. Alors que l’Union des démocrates chrétiens menée par Friedrich Merz est arrivée en tête des élections avec 28,5% des voix - moins que ce qu’elle espérait - la forme que prendra la future coalition alimente les spéculations. Avec qui le très probable dixième chancelier allemand va-t-il pouvoir gouverner ? À quelles concessions sera-t-il contraint ? Que vont devenir les perdants ? Quel rôle jouera l’AfD ?

Quand le tabloïd Bild parle de la «tâche titanesque» qui se présente pour Merz, la Frankfurter Allgemeine évoque «un chemin semé d’embûches» et le Spiegel de «difficiles négociations avec le SPD». En effet, la plupart des médias imaginent à ce stade une alliance entre le CDU et le SPD, le troisième parti derrière l’AfD, avec 16% des voix. Mais le Spiegel rappelle que la veille encore de l’élection, Friedrich Merz «frappait son partenaire potentiel à la tête», en affirmant que «la gauche, c’est fini» et «qu’il n’y a plus de politique de gauche en Allemagne». Ce à quoi le nouvel homme fort du SPD, Lars Klingbeil - proposé hier comme futur chef du groupe parlementaire en plus de son poste de chef du parti - a rétorqué : «Un homme qui souhaite devenir chancelier, ne se permet pas de parler ainsi. Seul un Mini-Trump peut parler ainsi.»

Parmi les principales mesures du programme conservateur qui risquent de crisper les socialistes, selon le Spiegel : l’abolition du Bürgergeld (la prestation minimale pour les chômeurs, sorte de RSA) dans sa forme actuelle et le rejet des demandeurs d’asile aux frontières. Sur la question migratoire, brûlante en Allemagne comme le prouvent les scores impressionnants du parti d’extrême droite AfD, «Merz doit être capable de tenir sa promesse et Lars Klingbeil ne doit pas offenser son parti».

«Les électeurs ont puni les libéraux»

Si les Verts sont déçus avec leurs 11,6% et conduisent leur tête de liste, Robert Habeck, à renoncer à occuper un poste important dans son parti, comme le raconte le Zeit, le FDP est accablé. Le parti libéral-démocrate essuie une défaite cuisante, en n’atteignant même pas la barre nécessaire des 5% pour siéger au Bundestag. «Les libéraux ont reçu la facture de leur remarquable travail de destruction et quittent le Parlement. Si le libéralisme allemand veut survivre, il doit de toute urgence se souvenir de ses valeurs», écrit le Süddeutsche Zeitung. Le quotidien Die Welt écrit : «Les électeurs ont puni les libéraux démocrates. Le président Lindner annonce sa démission. Le libéralisme en Allemagne devra peut-être trouver un autre porte-parole.» 

L’autre parti qui n’aura aucun député est le BSW, le parti de gauche conservateur et anti-Ukraine de Sarah Wagenknecht. Alors qu’elle recueille 4,97 des voix, elle conteste le résultat en invoquant des erreurs dans la prise en compte des suffrages des électeurs de l’étranger. Et dénonce une «campagne» de dénigrement menée par les médias à son encontre. Le tabloïd Bild l’affuble d’un nouveau surnom : Jammerknecht, soit «Pleurnicheuse-Knecht».

La «résurrection» de l’extrême gauche

L’extrême gauche Die Linke exulte quant à elle, avec ses 8% inespérés. Le Süddeutsche Zeitung évoque «la résurrection» de ce parti et propose une analyse : «Certains électeurs se sentent rebutés par la dureté du débat sur l’immigration. Dans ce contexte, Die Linke était le seul parti en mesure de remporter des voix.» Du côté de l’AfD, le parti nationaliste d’Alice Weidel qui obtient un peu plus de 20% des voix et double son score de 2021, on observe «des acclamations, mais peu d’euphorie», selon la chaîne de télévision Tagesschau. À défaut d’entrer dans une coalition - la CDU l’exclut - le parti devra passer une nouvelle législature dans l’opposition. Sa seule marge de manœuvre : exercer une pression telle sur le gouvernement que le «Brandmauer» («mur coupe-feu») s’effondre.