Chevelure jaune passée, visage orange, pardessus noir, costume marine... Lorsqu’on évoque Donald Trump, il est souvent question de couleur. Et notamment de celle de sa cravate. Si le milliardaire républicain, élu président ce mercredi, a, durant son procès en mai dernier, troqué sa sempiternelle cravate rouge pour des modèles jaunes ou bleus, il a, dès son retour au premier plan de la scène politique américaine, renoué avec son bout de tissu fétiche.
Un détail? Dans une société américaine régie par les images, pas tant que ça. Dans un monde politique où tout homme aspirant à être élu se doit d’endosser le complet bleu, encore moins : la cravate est l’un des rares moyens d’expression autorisés pour rester dans les codes de la respectabilité, tout en faisant passer des messages. Elle est d’ailleurs elle-même un marqueur de pouvoir, cristallisant fréquemment les débats autour de la tenue des hommes politiques - en France, son port dans l’hémicycle est le marronnier vestimentaire de l’Assemblée nationale. Nouée toujours un peu trop longue, dans une soie très brillante et pas franchement subtile, la cravate de Trump est bien loin des codes du bon goût et de l’élégance, qui recommanderaient sans doute un choix plus discret.
Couleur de l’amour et de l’orgueil, du pouvoir et de la guerre
Mais qu’importe : le propos n’est pas là. « Créer des codes couleurs pour générer une reconnaissance immédiate est une vieille tradition politique, explique Sarah Banon, professeure de théorie de la mode à l’Institut Français de la Mode (IFM). Donald Trump cherche ainsi, en adoptant le rouge, à s’approprier la symbolique des couleurs.» Car le rouge n’est pas une couleur comme les autres. « Dans l'Antiquité déjà, on l'admire et on lui confie les attributs du pouvoir, c'est-à-dire ceux de la religion et de la guerre, rappelle dès 2004 l’historien spécialiste de la couleur Michel Pastoureau et auteur de Rouge - histoire d'une couleur (Ed. Seuil), dans un entretien à la Bibliothèque nationale de France. Le dieu Mars, les centurions romains, certains prêtres… tous sont vêtus de rouge. Cette couleur va s'imposer parce qu'elle renvoie à deux éléments, omniprésents dans toute son histoire : le feu et le sang.» Profondément liée au religieux dès le Moyen-Âge, elle est aussi la couleur de l’amour... De la luxure et de l’orgueil. Tout un programme.
« Ce qui est intéressant, c’est qu’aux États-Unis, on observe une inversion dans la sémantique, poursuit Sarah Banon. Le rouge est associé aux républicains, le bleu aux démocrates. En Europe, et en France notamment (tel Jean-Luc Mélenchon, NDLR), à l’inverse, le rouge est traditionnellement porté par les personnalités de gauche, et le bleu de droite. Par ailleurs, pour Trump, on peut se demander si ce rouge n’est pas un moyen de renforcer sa propre mythologie, la couleur évoquant forcément le sang de l’attaque qu’il a subi en juillet.»