Un simple accident - À voir absolument
Drame de Jafar Panahi - 1h42
Frontal, brutal, littéral. Tourné sans autorisation avec une troupe d’acteurs dont certains ne sont pas professionnels, Un simple accident est né du second emprisonnement du cinéaste iranien Jafar Panahi. Libéré au bout de sept mois, après une grève de la faim, il n’oublie pas les prisonniers qu’il a côtoyés, citoyens ordinaires brisés par un pouvoir répressif. Palme d’or en mai dernier à Cannes, Un simple accident met en scène un groupe d’Iraniens qui ont en commun d’avoir subi les sévices du même bourreau. L’un d’entre eux retrouve sa trace. Après Taxi Téhéran (ours d’or à Berlin) ou Aucun ours, Panahi poursuit son journal intime et politique de réalisateur dissident dans ce long-métrage incisif et courageux, qui représentera la France à l’Oscar du meilleur film international. E.S.
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Passer la publicitéLa Reine Margot - À revoir absolument
Drame de Patrice Chéreau - 2h40
La Reine Margot se refait une beauté. Sa robe ensanglantée retrouve ses couleurs d’origine dans une version restaurée splendide. Le film de Patrice Chéreau a trente ans. Au départ, il y a le roman d’Alexandre Dumas adapté par Danièle Thompson. À l’arrivée, une fresque portée par un casting étincelant. Derrière Isabelle Adjani en Marguerite de Valois, Daniel Auteuil (Henri IV), Jean-Hugues Anglade, Vincent Pérez, Dominique Blanc, Jean-Claude Brialy, Pascal Greggory et Virna Lisi (prix d’interprétation à Cannes pour son rôle de Catherine de Médicis) rejouent les guerres de religion. Un grand film monstrueux. Plus que malade, morbide, hanté par la mort. Les cadavres du massacre de la Saint-Barthélemy évoquent les victimes des guerres (le génocide au Rwanda) et épidémies (le sida) de la fin du 20e siècle. E.S.
Honeymoon - À voir
Drame de Zhanna Ozirna - 1 h 24
Ce n’est certainement pas la lune de miel dont rêveraient tous les jeunes couples de la planète. Dans Honeymoon, tout commence pourtant comme dans une comédie romantique, légère et insouciante. Nous sommes en février 2022. À Kiev, Olya et Taras emménagent dans leur nouvel appartement. Lui est psychothérapeute, elle sculptrice. De jeunes ukrainiens confiants en l’avenir. Le lendemain matin, au milieu des cartons pas encore déballés, le couple est surpris par des explosions. Le voilà piégé dans leur appartement alors qu’à l’extérieur on entend hurler les sirènes. Progressivement, la vie s’organise dans un concert de chuchotements et de silences apeurés. La réalisatrice ukrainienne signe un film confiné, comme un témoignage effrayant, important, crucial. On ne ressort pas indemne de cette plongée au cœur d’une histoire d’amour figée par la guerre qui s’installe. O.D.
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Marche ou crève - À voir
Film d’horreur de Francis Lawrence - 1h48
Passer la publicitéRien de tel qu’un budget « serré » de vingt petits millions de dollars pour stimuler la création d’un cinéaste chevronné tel que Francis Lawrence (Je suis une légende). C’est ce qui a dû se passer pour l’adaptation du best-seller de Stephen King qui traînait dans les cartons de Hollywood depuis plus de quarante ans. L’intrigue tient en quelques lignes. Les États-Unis peinent à se relever d’une guerre qui a ruiné le pays. Un jeu cruel est institué pour calmer les ardeurs d’un peuple porté à la sédition, tout en lui donnant « du pain et des jeux ». Un candidat volontaire issu de chaque État est sélectionné pour participer à un grand spectacle retransmis à la télévision. La règle est aussi simple que cruelle. Sous ces airs de petit blockbuster de science-fiction, cette solide adaptation s’affirme comme une satire pamphlétaire horrifique mettant en exergue la déshumanisation d’une Amérique futuriste sous dictature. O.D.
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Soundtrack to a Coup d’État - À voir
Louis Armstrong donne une tournée triomphale dans l’ex-Congo belge et futur RDC, le roi du jazz s’époumone devant des dizaines de milliers de spectateurs. Le trompettiste ignore qu’il doit servir à couvrir un son disgracieux : les balles que réservent les hommes de la CIA à Patrice Lumumba, héros de la récente indépendance congolaise. Les trompettes de Jéricho de l’impérialisme américain résonnaient dans la région. Lumumba, l’anticolonialiste au verbe haut, mourra finalement l’année suivante dans des circonstances obscures. Soundtrack to a Coup d’État, ovni venu de Belgique, épingle les sinistres fausses notes du concert des nations à l’heure de la décolonisation. Quand Khrouchtchev postillonnait son antiaméricanisme, qu’Eisenhower promettait de terrasser les Soviet. Le réalisateur retrace ce chapitre essentiel avec une liberté de jazzman : rythme d’enfer, jeu de miroirs entre les archives, zooms et dézooms… Un exercice de style électrisant, poétique, engagé, imparfait, qui fait valser les événements. Et leur offre une épaisseur dramatique inédite. B.P.
Moi qui t’aimais - À éviter
Film biographique de Diane Kurys - 1h58
Diane Kurys qui n’est pas une débutante aurait dû y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans un tel film. Sur grand écran, il ne suffit d’évoquer l’amour passion et les soubresauts houleux d’un couple comme celui formé par Simone Signoret et Yves Montand dans les années 1970-1980, il faut également que le public puisse les identifier du premier coup d’œil. Le philosophe Sénèque expliquait dans ses Lettres à Lucilius que même une simple imperfection, comme une tache sur la toge d’un orateur, peut détourner l’attention de l’auditoire et l’empêcher de se concentrer sur le contenu du discours.
Dans Moi qui t’aimais, Roschdy Zem s’est fait la dégaine d’Yves Montand. Une perruque, un accent chantant et quelques mimiques ne suffisent pas. Marina Fois fait de même avec Simone Signoret. Mais sous les cheveux poivre et sel, elle reste avant tout Marina Fois. À aucun moment on ne croit voir le véritable duo Montand-Signoret. Pour paraphraser le titre de lac célèbre comédie de Patrick Schulmann (sortie en 1979) Et la tendresse? Bordel !, on aimerait lancer à Diane Kurys cette apostrophe : Et la ressemblance, bordel?!
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A Big Bold Beautiful Journey - À éviter
Drame romantique de Kogonada - 1h49
Confier à Margot Robbie et Colin Farrell le volant d’une fable romantique fantasmagorique avait de quoi faire saliver sur le papier. C’est le point de départ du poétique mais poussif road trip A Big Bold Beautiful Journey. Deux célibataires meurtris par les déceptions amoureuses et la peur de l’engagement se rencontrent à un mariage, avant d’être embarqués dans un long covoiturage. Une odyssée surréaliste qui finit hélas par tourner à vide. Margot Robbie et Colin Farrell ont un charisme et une alchimie indéniables. Mais tout cela ne suffit pas pour insuffler un souffle, une cohérence à ce voyage intérieur. Quel dommage d’avoir une telle distribution et de ne pas arriver à livrer un classique ! C.J.