La viticulture française en grande difficulté
Gérard Le Puill
Bien que les volumes de vins produits en France en 2024 aient été en recul de 28,8% en moyenne, les stocks demeurent élevés dans les chais, à commencer par ceux des caves coopératives qui vinifient près de 50% des vins produits en France. C’est ce que les vignerons coopérateurs ont expliqué hier à Paris devant la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
Dans une note rendue publique hier à 13 heures, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) relevait qu’en 2024 les prix agricoles avaient baissé en Franc de -8,8%, malgré une baisse de la production végétale de -10% en volume sur la même année. Toujours selon l’INSEE, « la production de vin est la plus touchée avec une chute de -28,8% en volume, toutes les régions viticoles ayant subi des conditions météorologiques défavorables, depuis la floraison jusqu’aux vendanges. La baisse (des volumes de production, ndlr) est de 20,4% pour les vins d’appellation hors champagne, de 27,2% pour les vins sans appellation et atteint 42, 4% pour le champagne ».
On pourrait croire que ce recul de l’offre soit de nature à faire remonter les prix des vins. Mais il n‘en fut rien car les stocks issus des récoltes des années précédentes demeurent élevés chez beaucoup de vignerons indépendants, comme dans les caves coopératives. Ajoutons que les décisions changeantes et autres menaces de Donald Trump sur les tarifs douaniers sont venues accroître les perturbations sur le marché mondial du vin et des spiritueux. Dans l’Humanité-Magazine de ce week-end, le reportage de Pierric Marissal sur la filière du Cognac donne à voir les difficultés que rencontrent les producteurs, très dépendants des exportations en Chine et aux Etats-Unis. En page 25 du quotidien « Les Echos » du 1er Juillet, un article, consacré aux « territoires menacés en France par les droits de douane », citait la Marne pour le champagne, les départements charentais pour le cognac mais aussi le Calvados dont 120.000 bouteilles de « calva » tiré de la distillation du cidre ont été vendus l’an dernier aux Etats-Unis.
Des vins d’appellation d’origine protégée à 2 euros la bouteille
C’est dans ce contexte inquiétant pour la viticulture française que se tenait cette semaine à Paris le 52ème congrès national des vignerons coopérateurs de France. Hier après midi, ils avaient invité la presse pour suivre leurs échanges avec Annie Genevard , la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Malgré le recul des volumes de production en 2024, les stocks de vins disponibles augmentent dans les chais des caves coopératives dans plusieurs régions, à commencer la Nouvelle Aquitaine et l’Occitanie. Si les grands crus continuent de se vendre, il n’en va pas de même pour les appellations d’entrée de gamme. Du coup, certains vins sont vendus 2euros la bouteille, voire moins, bien que bénéficiant d’une Appellation d’Origine Protégée, ce qui oblige à les produire dans le respect d’un cahier de charges.
Il faut ici savoir que la consommation moyenne annuelle de vin par habitant ne cesse de diminuer en France au fil des décennies. En 1960, chaque français adulte buvait une moyenne de 120 litres de vin par an. Cette moyenne est tombée à 36 litres en 2018. Entre 2010 et 2018, la consommation de boissons alcoolisées a diminué de 4 litres par Français et par an. Dans des repas de familles rassemblant trois générations d’adultes, il arrive parfois que le grand-père soit la seule personne à boire du vin. Comme les caves coopératives mettent en vente près de 50% des vins produits en France, elles sont souvent plus touchées par la mévente que les vignerons indépendants qui vendent leurs vins à la ferme, sur des salons dans plusieurs régions, à des restaurateurs locaux, mais aussi à l’exportation pour un nombre croissant d’entre eux.
Une ministre en panne de solution pour les vignerons
Du coup, Annie Genevard n’avait guère de solution à offrir aux vignerons coopérateurs. Elle a évoqué la « situation budgétaire très grave de la France », ajoutant que « d’énormes efforts vont devoir être fait » et a dit vouloir « faire le choix de la souveraineté et pas celui des importations». Mai ce n’est pas ce choix que font les enseignes de la grande distribution quand elles créent des centrales d’achat hors de France afin d’importer plus de produits alimentaires et de boissons dans le seul but de faire chuter les cours au départ de la ferme dans notre pays en contournant les lois Egalim. Annie Genevard a dit aux vignerons coopérateurs qu’elle partageait leur indignation, face à la décision de la Commission européenne d’accorder une aide de 15 millions d’euros à l’Afrique du sud pour « soutenir la croissance inclusive de son vignoble ». Il s’agirait là d’une promesse européenne faite en 2002 et jamais tenue depuis.
En novembre 2024, 5.418 viticulteurs avaient formulé des demandes d’aides pour l’arrachage de 27.500 hectares de vignobles dans différentes régions du pays. Du coup, la France souhaite obtenir des aides de Bruxelles pour l’arrachage de 30.000 hectares. Avec le changement climatique en cours, les gelées tardives et les orages de grêle du printemps, puis de l’été, ont parfois fait perdre une grande partie de leur récolte à certains vignerons plusieurs années de suite, au point de les contraindre au dépôt de bilan alors qu’ils étaient de très bons professionnels. Cette situation a également été évoquée par les vignerons coopérateurs après de départ de la ministre, laquelle a quitté le congrès dès la fin de son intervention.
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