Mon enfant a-t-il un TDAH ? La Haute autorité de santé livre un guide inédit pour améliorer le diagnostic
T.D.A.H. Quatre lettres mystérieuses, désormais omniprésentes dans les médias, les réseaux sociaux, les conversations autour de la machine à café. Encore sujet à controverses, le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité reste mal connu en France. Ce trouble du neurodéveloppement concerne pourtant autour de 5% des enfants dans le monde. Professionnels de santé et familles concernées s’accordent tous sur ce constat : le TDAH est mal diagnostiqué en France. Face à l'émergence d'experts autoproclamés, tests et conférences en ligne en tous genres pour pallier le manque de spécialistes, le ministère de la Santé et l’association de patients HyperSupers-TDAH France avaient donc saisi la Haute Autorité de Santé afin qu’elle livre ses recommandations sur le sujet.
Dans un rapport d’une soixantaine de pages, la HAS livre ce lundi ses «recommandations de bonnes pratiques» pour «améliorer le diagnostic et la prise en charge du TDAH chez l’enfant et l’adolescent». Un groupe de travail constitué d’experts s’est appuyé notamment sur les recommandations américaines, mais aussi de pays nordiques, d’Allemagne, d’Espagne, d’Italie, d’Australie ou encore du Canada. «Diagnostiquer le plus tôt possible ces enfants est essentiel» pour «éviter une aggravation des conséquences psychologiques, sociales et scolaires» du trouble, souligne un communiqué de la HAS. Or, «aujourd’hui, il faut un délai entre quatre et six ans pour avoir un diagnostic», déplore le Pr Olivier Bonnot, enseignant de pédopsychiatrie à l’Université Paris-Saclay et président du groupe de travail.
Ces délais conduisent les patients à «s’éparpiller sur des démarches qui ne sont pas les bonnes ou solliciter des bilans pas nécessairement utiles. On va dépenser des milliers d’euros sans avoir encore de diagnostic», décrit Christine Gétin, directrice et fondatrice de HyperSupers-TDAH France. Un déficit de spécialistes qui laisse la place à certains marchés lucratifs, déplore-t-elle encore : «On voit des sociétés de marketing qui proposent des autotests de diagnostics sur des questionnaires.»
En 2014, la HAS avait déjà émis de premières recommandations. «Elles portaient uniquement sur le repérage par le médecin de premiers recours et le suivi. C’était davantage, à l’époque, une manière de reconnaître l’existence du trouble», explique Christine Gétin. Cette fois, elle se félicite d’une véritable «colonne vertébrale sur laquelle s’appuyer».
Des symptômes trompeurs
Le TDAH est à la fois diagnostiqué à tort pour certains enfants... et sous-diagnostiqué chez d’autres. «Les troubles du neurodéveloppement, et le TDAH en particulier, ont longtemps été mal connus. C’était peu enseigné dans les études médicales, donc la plupart des médecins âgés aujourd’hui de plus de 40 ans n’en ont pas beaucoup entendu parler. On en parle davantage depuis une dizaine d’années», constate le Pr Bonnot.
Mais la difficulté tient également dans le fait que les symptômes qui le définissent - ils doivent avoir persisté au moins six mois - peuvent se retrouver dans de nombreux autres troubles. «La définition est presque trop simple : un enfant inattentif, facilement distrait, impulsif… qui peut avoir de l’hyperactivité… beaucoup peuvent ressembler à ça !», admet le Pr Olivier Bonnot.
C’est la raison pour laquelle un examen psychiatrique et clinique complet se doit de rechercher d’autres troubles, soit associés au TDAH, soit, qui «miment» le TDAH. Exemple de cette difficulté : «des troubles du sommeil peuvent expliquer la distraction, le manque de concentration et l’hyperactivité. Mais les troubles du sommeil peuvent aussi être associés au TDAH», relève Olivier Bonnot. Une différence cruciale impossible à distinguer avec un simple questionnaire.
Le TDAH est par ailleurs classé en trois niveaux d’intensité : légère, modérée et sévère. Il n’y a pas d’âge limite inférieur pour observer des symptômes évocateurs, indique le groupe de travail. Toutefois, «avant l’âge de 5 ans, il est recommandé d’être encore plus prudent avant de poser le diagnostic, en raison de la variabilité développementale» des enfants.
Tout médecin formé peut poser le diagnostic
En cas de suspicion, «tout médecin formé au diagnostic et au traitement du TDAH peut poser le diagnostic», tranche la HAS. Qu’il soit psychiatre ou pas, le plus important est que le médecin soit formé. L’objectif : gagner du temps et éviter toute perte de chance au patient. « Tout le monde ne pourra pas aller voir un pédopsychiatre ou un pédiatre, car il y a peu de pédopsychiatres et de pédiatres en France », rappelle Olivier Bonnot, pragmatique.
En premier lieu, il est donc possible d’aller voir un médecin généraliste, un pédiatre, un pédopsychiatre ou tout autre médecin, dès lors qu’il a suivi une formation pour se spécialiser. Ces formations, qui pourront prendre la forme d’un diplôme universitaire ou d’une formation continue post-universitaire, devront être validées par les Collèges nationaux professionnels concernés. En attendant, pour repérer un spécialiste adéquat, les parents peuvent se tourner vers les associations de familles concernées ou appeler des «centres-ressources TDAH». Les recommandations de la HAS comportent un autre angle mort : quelle formation proposer aux nombreux «coachs» proposant aujourd’hui leur aide ?
Un diagnostic clinique en cinq étapes
Pour affiner son diagnostic, le médecin peut s’aider des critères cliniques définis dans la CIM-11 (11e révision de la classification internationale des maladies) ou du DSM-5-TR (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Le diagnostic doit comprendre cinq étapes «indispensables» : un entretien clinique avec l’enfant et ses parents, suivi d’un examen clinique ; l’élimination d’un diagnostic différentiel (un autre trouble présentant des symptômes similaires tels le trouble du développement du langage, les troubles du sommeil, le trouble du spectre de l’autisme…) ; s’assurer d’être conformes aux critères cités ci-dessus ; évaluer le retentissement du trouble sur la scolarité, la vie familiale et sociale.
À lire aussi«On reçoit aussi des enfants qui sont simplement mal élevés» : au cœur d’un service qui diagnostique le TDAH
«Le diagnostic de TDAH est clinique», insiste la HAS, et il n’existe pas, à ce jour, «d’examen complémentaire ou de biomarqueur». Le diagnostic ne peut donc pas se faire en téléconsultation, hors «cas exceptionnel». Dans un tel cas, la présence d’un professionnel de santé ou d’un psychologue auprès du patient est requise. Le médecin doit aussi prendre en compte les sources d’information scolaires et périscolaires, et des intervenants médicaux et sociaux (orthophonistes, psychomotriciens, etc.). En revanche, un bilan neuropsychologique «n’est pas nécessaire pour poser le diagnostic» - il pourra parfois être utile pour le suivi -, tranche la HAS. De même, la réalisation de bilans paramédicaux (orthophonique, ergothérapique ou psychomoteur) n’est pas nécessaire pour poser le diagnostic.