Un accord sur les minerais entre les États-Unis et l’Ukraine verra-t-il le jour dans les prochains jours ? C’est ce qu’espère Kiev en envoyant une délégation à Washington dans la semaine, dans le but de négocier un nouveau texte qui conviendrait aux deux parties, a indiqué l’Associated Press (AP). Vendredi 28 mars, les États-Unis ont envoyé une proposition d’accord qui a fait bondir le camp de Volodymyr Zelensky. La raison ? Elle ne respectait en rien le cadre initial qui avait été convenu avant l’altercation des deux dirigeants dans le Bureau ovale et dépassait toutes les lignes rouges de l’Ukraine.
Ce document américain proposait de prendre le contrôle de toutes les exploitations futures des ressources minières et d’hydrocarbures (pétrole et gaz) de l’Ukraine, ainsi que sur les infrastructures prochainement construites qui y sont liées. Donald Trump imposait également un «droit de première offre» à Kiev sur la commercialisation de ces extractions à venir, au cœur d’une course mondiale aux minerais.
«Tout se décidera au cours des négociations»
«Nous disposons désormais d’un document qui reflète la position de l’équipe juridique du Trésor américain», a déclaré Ioulia Svyrydenko, la vice-première ministre et ministre de l’Économie ukrainienne. «Ce n’est ni une version définitive, ni une position commune», a-t-elle réagi auprès de l’AP. Bien que la proposition américaine soit déséquilibrée et envisage d’ôter toute la souveraineté de l’Ukraine sur les ressources de ses sous-sols, Volodymyr Zelensky entend continuer de négocier avec Washington car Kiev dépend militairement des États-Unis pour faire face à la Russie.
«Il est clair que les détails complets de cet accord ne peuvent être discutés en ligne», a jugé Ioulia Svyrydenko, avant de réaffirmer sa volonté de «réunir avec les équipes [américaines et ukrainiennes, NDLR] et poursuivre la discussion en personne.» La délégation ukrainienne comprendra des représentants des ministères de l’Économie, des Affaires étrangères, de la Justice et des Finances, a précisé l’AP.
Des conseillers juridiques, financiers et d’investissement pourraient compléter l’équipe et sont «en cours de sélection», a détaillé la ministre. Cet accord qui représente une «nouvelle étape dans les relations avec les États-Unis», requiert «une expertise dans de multiples domaines», a estimé Ioulia Svyrydenko. Pour la vice-première ministre, «tout se décidera au cours des négociations».
Place minoritaire
Si les Ukrainiens acceptent de négocier, ils vont tenter de revenir sur certains points précis du texte. Dans leur document, les Américains ont proposé de créer un fonds d’investissement pour contraindre les Ukrainiens à rembourser l’intégralité de l’aide de Washington fournie depuis le début de l’invasion russe. L’Ukraine serait tenue d’y verser 50% des recettes qu’elle tire de tous les nouveaux projets d’exploitation de ressources naturelles tels que les minerais essentiels, gaz et pétrole. Or, ce fonds serait supervisé par un conseil de 5 personnes composé de 3 membres américains et de 2 membres ukrainiens. L’AP indique que Kiev compte par exemple contester cette place minoritaire à la tête du conseil.
«Une version précédente de l’accord-cadre décrivait les plans d’un fonds d’investissement détenu et géré conjointement par les États-Unis et l’Ukraine, destiné à soutenir la reconstruction de l’économie ukrainienne déchirée par la guerre», rappelle l’agence de presse américaine.
Pour les États-Unis, cet accord représente un atout stratégique essentiel dans la course mondiale des minerais, et notamment face à la Chine. L’Ukraine concentre 5% des ressources minières de la planète avec d’importants gisements de plus de 20 minéraux considérés, notamment le titane, utilisé pour fabriquer des ailes d’avion, le lithium, essentiel à plusieurs technologies de batteries, et l’uranium, utilisé dans l’énergie nucléaire.
Consciente des motivations américaines, Ioulia Svyrydenko a affirmé que l’Ukraine était «très déterminée à garantir que la version finale de l’accord, après négociations, soit pleinement conforme à [ses] intérêts stratégiques». La ministre de l’Économie a voulu se montrer optimiste : «Le précédent mémorandum a démontré que les deux équipes sont capables d’atteindre ces objectifs et de convenir de conditions acceptables pour les deux parties.»