Au Guatemala, la découverte d’un autel du IVe siècle témoigne d’une guerre entre Mayas et Mexicains

Il faut parfois attendre des centaines d’années avant de lever le voile sur l’histoire d’une civilisation. Au Guatemala, une équipe d’archéologues de l’université américaine Brown a mis au jour un autel maya daté du IVe siècle en périphérie de la ville de Tikal, au nord du pays. Une étude publiée dans la revue Antiquity le 8 avril dernier explique que des peintures identifiées sur la table sacrée - notamment celle d’un personnage portant une coiffe en plumes, sûrement le dieu du vent - témoignent de troubles politiques entre deux populations de la région.

Tikal, aujourd’hui devenu un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, était autrefois la capitale du royaume Maya qui s’étendait principalement sur la péninsule du Yucatán, dans l’actuelle partie sud du Mexique, au Guatemala, à Belize ainsi qu’au Salvador et en Honduras. Elle connaît son apogée au VIIIe siècle lorsqu’elle devient un carrefour commercial et un centre culturel et religieux de grande ampleur. À 965 kilomètres de là se trouve la ville mexicaine de Teotihuacan, avec qui Tikal entretenait des liens étroits selon les livres d’histoire.

L’autel est orné de peintures rouges, oranges, jaunes et noires, caractéristiques du style teotihuacanos. Heather Hurst

L’autel, retrouvé par les archéologues américains dans le patio de ce qui s’apparente être la maison d’un riche habitant de Tikal, est orné de peintures rouges, oranges, jaunes et noires, caractéristiques du style teotihuacanos. Selon l’archéologue Edwin Ramirez, les visages dessinés sur l’autel ressemblent étrangement à une divinité que l’on retrouve souvent dans les œuvres d’art du Mexique central. Et à l’intérieur du meuble a été retrouvé le corps d’un enfant enterré vivant, de nouveau une pratique mexicaine. Tout cela, alors que la table sacrée a été découverte au cœur de la capitale du royaume Maya.

Coup d’État en 378

Au IVe siècle, Teotihuacan voyait Tikal comme « le pays du lait et du miel », explique Stephen Houston, archéologue à l’université Brown et coauteur de l’étude . La métropole mexicaine la considérait également comme « un lieu de richesses extraordinaires, de plumes spéciales d’oiseaux tropicaux, de jade et de chocolat ». Cependant, une pierre mise au jour à Tikal dans les années 1960 décrit comment Teotihuacan a organisé, en 378 de notre ère, un coup d’État, aujourd’hui appelé « l’Entrada » par les hispanophones, pour évincer le pouvoir Maya. « Ils ont tué le roi et l’ont remplacé par un autre, à la botte de Teotihuacan », raconte un chercheur. L’autel aurait alors été construit à la suite de cette attaque, si l’on en croit les datations au radiocarbone des tombes voisines et des matériaux utilisés pour l’enterrer.

Ils ont traité cet endroit comme un mémorial ou une zone radioactive.

Andrew Scherer, co-auteur de l’étude

Après l’Entrada, les traces mexicaines se sont multipliées dans la ville de Tikal : des sépultures royales ont été identifiées dans une nécropole, des bâtiments résidentiels et cérémoniels ont été édifiés... Ces événements n’ont pas empêché la capitale Maya de renaître. Comme décrit précédemment, la ville de Tikal a connu son apogée au VIIIe siècle de notre ère, soit 400 ans après le coup d’État. Pour montrer leur ressentiment à l’égard de Teotihuacan, les Mayas ont enterré et laissé comme tel l’autel, alors qu’ils avaient l’habitude de tout démolir. « Là, ils ont tout enseveli, et n’ont rien bâti au-dessus, alors que cela aurait pu avoir de la valeur les années suivantes. Ils ont traité cet endroit comme un mémorial ou une zone radioactive », pense Andrew Scherer, l’un des auteurs principaux de l’étude.

L’autel a été retrouvé dans le patio d’une maison appartenant à un riche habitant de Tikal, au Guatemala. Edwin Román Ramírez

La ville de Tikal a ensuite connu un déclin au IXe siècle, à la suite d’un pic de population. Un afflux de réfugiés de la région du Petexbatun, à 160 km au sud de la région, a rejoint la capitale Maya, causant un déséquilibre en matière de ressources. Elle aurait alors souffert d’une pénurie d’eau et d’un manque d’approvisionnement en nourriture pour sa population qui s’est éteinte progressivement entre 830 et 950, avant que Tikal ne soit désertée.