Impossible de prédire qui figurera sur l’affiche du second tour de la présidentielle de 2027, surtout un an et demi avant l’échéance. Mais certaines tendances commencent lentement à se dessiner. Et offrent, à l’instant T, un aperçu des rapports de force dans une opinion publique lasse du blocage politique né de la dissolution ratée de 2024, et de l’impasse parlementaire qui perdure. Des chiffres scrutés quotidiennement par les états-majors, tant l’incertitude domine dans tous les camps, quant à l’identité de leur champion élyséen. Pour des raisons propres à chaque famille politique, nul ne peut dire avec certitude qui, de Jordan Bardella ou de Marine Le Pen, portera les couleurs du RN ; d’Édouard Philippe ou de Gabriel Attal représentera le bloc central ; ou de Raphaël Glucksmann, Olivier Faure voire François Hollande incarnera la social-démocratie.
C’est dans ce brouillard entourant la ligne de départ vers l’Élysée que l’institut Odoxa livre, ce mardi, de nouvelles intentions de vote, dans un sondage réalisé en partenariat avec Public Sénat et la presse régionale. Premier enseignement, qui confirme les dynamiques déjà relevées par d’autres études : la surdomination du Rassemblement national au premier tour. Et, fait nouveau, sa domination désormais au second, quel que soit le cas de figure. Peut-être est-ce une conséquence d’un effet «Jordan Bardella» dans l’opinion, seule figure du parti nationaliste testée, au détriment de Marine Le Pen - à ce stade inéligible. Cette dernière semble d’ailleurs prête à passer le flambeau, consciente qu’elle pourrait être empêchée, l’an prochain, de se présenter en 2027, selon l’issue du procès en appel de l’affaire des assistants parlementaires FN.
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Passer la publicitéD’où l’«opération succession» que la chef des députés RN a lancée ces dernières semaines. afin de parer à toutes les éventualités. Un pari pour l’heure gagnant : crédité de 35 à 36% des voix (+3,5 à 4,5 points en six mois), son jeune dauphin caracolerait en tête du premier tour, creusant encore l’écart avec l’autre finaliste en deuxième position - dont il ferait, au minimum, le double du score. Car tout dépend du profil du candidat du bloc central : c’est lui qui déterminera la personnalité que Jordan Bardella affrontera en face-à-face. Autrement dit : si Édouard Philippe, en baisse à 17% (-3), paye probablement le prix de l'incompréhension suscitée par son appel à une démission programmée d’Emmanuel Macron après l’adoption du budget, il parviendrait malgré tout à se hisser au second tour. À l’inverse, son successeur à Matignon et patron du parti Renaissance, Gabriel Attal, mesuré à 11%, se retrouverait en quatrième position, derrière les leaders des deux «gauches irréconciliables», Raphaël Glucksmann et Jean-Luc Mélenchon.
Glucksmann prend l’avantage sur Mélenchon
À gauche, justement, l’espoir vient moins du fondateur de La France Insoumise (LFI) que de celui du microparti «Place publique». Quelques jours après avoir semé le doute dans son camp, déçu de sa prestation en demi-teinte lors d’une émission sur LCI, l’eurodéputé oscille entre 13,5 et 14,5% des suffrages, soit un étiage proche de celui qu’il avait atteint le soir des européennes de 2024 (13,8%). Signe très encourageant : dans le cas où Gabriel Attal représenterait le camp présidentiel, Raphaël Glucksmann atteindrait son plus haut niveau et se qualifierait, par la même occasion, pour le second tour.
Quelle que soit la configuration, Jean-Luc Mélenchon, estimé entre 11 et 12%, se situe derrière le tenant de la gauche social-démocrate. Reste que le triple candidat à la présidentielle a de la ressource, puisqu’il a, à plusieurs reprises, démontré sa capacité à enclencher une dynamique en sa faveur au cours de ses campagnes précédentes (2017 et 2022). Candidate à une hypothétique primaire de la gauche, la patronne des Écologistes, Marine Tondelier, recueille entre 6 et 6,5% des voix, tandis que le communiste Fabien Roussel est donné à 3%.
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Du côté de la droite, le président des Républicains Bruno Retailleau franchit tout juste la barre symbolique des 10%, mais tombe à 8% s’il se retrouve face à Édouard Philippe, celui-ci venant mordre sur son électorat de premier tour. Après une poussée d’intentions de vote au printemps liée à sa forte exposition médiatique place Beauvau, puis à son élection écrasante à la tête de LR, l’ancien ministre de l’Intérieur semble désormais pâtir de sa sortie brouillonne du gouvernement Lecornu, et de la crise politique qu’elle a engendrée début octobre. À Reconquête, enfin, Éric Zemmour ne dépasserait pas les 3 à 3,5%, s’exposant ainsi au risque de non- remboursement des frais de campagne, dont le seuil est fixé à 5%.
Concernant le second tour, quatre hypothèses sont testées au regard des possibles scénarios de qualification au premier. Résultat : Jordan Bardella remporterait tous les duels haut la main, que ce soit face à Édouard Philippe (53%/47%), à Raphaël Glucksmann (58%/42%), à Gabriel Attal (56%/44%), ou à Jean-Luc Mélenchon (74%/26%). Des rapports de force à prendre avec beaucoup de pincettes : près d’un tiers des sondés n’expriment pas de préférence à ce stade.