Campus France, l’organisme rattaché au Quai d’Orsay derrière la hausse de visas étudiants accordés à l’Algérie

Mille de plus que l’année précédente. Tambours battants, l’ambassade française en Algérie a annoncé l’octroi de 8351 visas français aux étudiants algériens en 2025.  Mais l’annonce passe mal dans la classe politique, alors que Paris et Alger sont à couteaux tirés depuis des mois.

«Gouvernement Tartuffe. Boualem Sansal  est prisonnier de l’État voyou algérien… et pendant ce temps, le gouvernement augmente le nombre de visas aux étudiants algériens !» a notamment semoncé le président de l’Union des Droites (UDR) Éric Ciotti sur X. Une nouvelle illustration des tensions qui tiraillent le gouvernement français sur le dossier algérien, entre le Quai d’Orsay qui souhaite maintenir des voies de dialogue avec Alger, et Beauvau qui milite pour la fermeté.

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Alors que Bruno Retailleau multiplie les appels à restreindre l’octroi de visas aux Algériens, cette nouvelle hausse des délivrances de visas étudiants fait mauvais genre. Mais elle n’est pas de son fait, puisque leur octroi est l’apanage du Quai d’Orsay, par le biais du consulat en lien avec Campus France. Cet organisme gouvernemental, créé en 2007, est chargé de la mobilité internationale étudiante et de la promotion de l’enseignement supérieur français, sous la tutelle du Quai d’Orsay et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Hausse de 7% en un an des étudiants algériens en France

L’Agence a été créée pour rationaliser la gestion de la mobilité étudiante, jusque-là dispersée entre différents organismes, et faire la promotion de l’enseignement supérieur français. Aujourd’hui implantée dans plus de 120 pays, l’organisme compte cinq antennes en Algérie : à Alger, Oran, Constantine, Annaba et Tlemcen. L’agence développe en parallèle le portail numérique Études en France, plateforme qui centralise les candidatures des étudiants étrangers pour la rentrée universitaire de l’année suivante; elle gère également la communication institutionnelle de l’enseignement supérieur français à l’étranger via des salons, forums et partenariats, et s’occupe du suivi du réseau France Alumni. Elle est actuellement dirigée par Donatienne Hissard, nommée par décret d’Emmanuel Macron depuis 2022.

Concrètement, Campus France est chargée de faire la sélection des étudiants étrangers qui veulent faire des études en France. Les concernés doivent constituer un dossier compilant relevés de notes, diplôme, lettre de motivation, justificatif de domicile et pièce d’identité ainsi qu’un test de français (niveau B1 requis). Après examen du dossier, l’instance procède à un entretien, puis délivre à l’issue une attestation de fin de procédure Campus France. Ce document est obligatoire pour faire la demande d’un visa long séjour pour études, valable de quatre mois à un an. Sur l’année 2024/2025, 87% des étudiants acceptés via la procédure «Études en France» ont obtenu leurs visas, a annoncé l’ambassade de France en Algérie. «Concrètement, les visas étudiants sont accordés par le consulat, sans que le ministère de l’Intérieur ne soit associé à la procédure», pointe un fin connaisseur de l’Algérie au Figaro. Qui cite pour exemple le cas de Nour Atallah, cette étudiante palestinienne venue faire ses études en France cet été et qui avait tenu des propos antisémites sur ses réseaux sociaux avant d’arriver dans l’Hexagone. L’affaire avait suscité une vaste polémique sur le système de délivrances des visas.

«Filtre simplement académique»

«C’est un filtre simplement académique. L’objectif de Campus France, comme de certaines universités françaises, est de faire venir des étudiants pour faire du chiffre. C’est aussi une source de revenus», poursuit encore la source. D’autant que selon cette dernière, «On sait qu’en général, les étudiants algériens ne reviennent pas en Algérie, sauf exceptions. C’est une voie d’immigration légale.» Le ministère de l’Intérieur, chargé de la politique migratoire française, réclame d’ailleurs depuis plusieurs années de récupérer la main sur l’ensemble du système de délivrance des visas.

Au total, sur l’année scolaire 2023/2024, 34.269 étudiants algériens étudiaient en France - soit une hausse de 10% en cinq ans. L’Algérie représente le deuxième contingent d’étudiants en France, derrière le Maroc (43.354, en hausse de 4% sur cinq ans) et la Chine (27.123, en baisse de 5% depuis cinq ans). «Traditionnellement, dans la diplomatie française, on mettait le domaine culturel à l’abri des vicissitudes politiques. Nous avons encore nos alliances culturelles en Russie, par exemple», nuance de son côté l’ex-ambassadeur et directeur de recherche à l’IRIS Jean de Gliniasty. Pour le diplomate, «cette déconnexion reste utilise pour le rayonnement de la France.»