Contrat XXL en Arabie saoudite, prodige Mbappé, lynchage à l’OM... Les confidences de Valère Germain exilé en Australie au Figaro
C’est un visage bien familier du Championnat de France parti faire ses gammes à l’autre bout du monde. Attaquant formé à Monaco, passé par Nice, Marseille puis Montpellier, à l’inverse de bon nombre de ses homologues, Valère Germain a dit non à 33 ans, aux contrats XXL de l’Arabie saoudite en 2023 pour privilégier l’«expérience familiale» en Australie. Depuis deux ans, il fait le bonheur d’un jeune club, le Macarthur FC, fondé en 2017. En marquant face à Melbourne City, il est devenu avec 27 unités le meilleur buteur de l’histoire de cette équipe. L’occasion d’y laisser sa trace avant de raccrocher les crampons ou s’offrir une ultime expérience de quelques mois dans un nouveau championnat. Pour Le Figaro, l’ancien attaquant de l’OM se confie sur sa carrière et son aventure australienne.
Le Figaro : En marquant votre 27e but avec le Macarthur FC contre Melbourne City, vous êtes devenue le meilleur buteur de l’histoire du club, c’était un objectif d’atteindre ce record ?
Valère Germain : Il y avait la place pour le faire et je suis très heureux d’avoir réussi. C’est une façon de marquer l’histoire de ce club et de remercier toutes les personnes qui m’ont fait vivre une belle expérience pendant ces deux ans. Je n’oublie pas que Macarthur est un club très jeune (fondé en 2020) ce qui m’enlève un peu de mérite.
Cette expérience elle a débuté en 2023, vous quittez Montpellier pour rejoindre l’A-League en Australie qui est loin d’être le championnat le plus connu, pourquoi cette destination ?
C’est vrai que ce n’est pas le championnat le plus connu. D’abord, parce que c’est un pays qui est hyper lointain , donc on en entend moins parler et puis le foot n’est pas aussi développé que dans les autres championnats européens. Au départ, je voulais finir ma carrière en MLS aux États-Unis parce que je ne connaissais pas l’Australie. Puis quelques mois avant la fin de mon contrat à Montpellier, j’y ai songé parce que je savais que des clubs australiens étaient intéressés. Pendant quelques mois, j’en ai profité pour regarder pas mal de reportages, feuilleter quelques bouquins sur l’Australie et recueilli les avis de personnes qui y habitaient et qui avaient tenté l’expérience. Comme ils m’ont dit que c’était une très belle expérience et qu’il faisait vraiment bon vivre à Sydney, on s’est dit pourquoi pas, sur une période de deux ans. Jusqu’ici on n’avait jamais bougé du sud de la France, c’était le moment de le faire parce qu’après on reviendra vivre à Monaco.
Vous aviez d’autres offres ?
Oui, aux États-Unis, j’ai eu une offre mais c’était en février avant la reprise du championnat quand j’étais encore sous contrat avec Montpellier. Je me voyais mal les quitter, il fallait que je prépare mes bagages et change de pays en une semaine, ce n’était pas possible même si l’expérience m’aurait plu. Et puis, quand j’ai signé avec Macarthur en juillet, peu de monde était au courant et ça a mis du temps avant d’être rendu officiel, le club de Los Angeles Galaxy a appelé mon agent quelques jours avant mon arrivée en Australie, il a refusé l’offre en expliquant que j’avais déjà signé à Sydney.
Et l’Arabie saoudite ?
J’en ai eu une sérieuse il y a 3-4 ans, après ma dernière année à Marseille, mais c’était dans une ville perdue, j’ai regardé sur internet et malgré le salaire très très intéressant, je ne me voyais pas déménager avec ma femme dans un endroit comme ça.
On gagne bien sa vie quand on est joueur de foot en Australie ?
On est très loin de l’Arabie saoudite (rires). Déjà, il faut savoir qu’il y a un salary cap (plafond salarial), mais je gagne très bien ma vie dans ce championnat, je suis l’un des plus gros salaires en touchant autant qu’un bon joueur de Ligue 2. Je gagne quatre fois moins que lors de mon dernier contrat à Montpellier, mes coéquipiers prennent un salaire de joueurs de nationale, certains ont même d’autre petit boulot à côté. J’aurai clairement pu faire un choix financier et rester en Ligue 1, dans un club de deuxième partie de tableau et mieux gagner ma vie, j’ai préféré l’expérience de vie, de famille pour vivre quelque chose de particulier avant de raccrocher.
Par rapport à la Ligue 1, que vaut le championnat australien ?
Je dirai milieu de tableau de Ligue 2. Les Australiens sont très sportifs depuis le plus jeune âge, à l’école, ils font énormément de sport, donc il y a beaucoup d’athlètes, des personnes qui savent courir vite, qui ont de l’endurance. La grande différence se fait sur le suivi médical qui n’est pas exceptionnel en cas de graves blessures et au niveau tactique et technique. Il y a beaucoup d’espace entre lignes et énormément de buts. Quand on regarde les résultats du championnat, il y a toujours des 4-3, 5-2, 4-1.
Avez-vous une bonne base de supporter lors de vos matchs ?
Honnêtement, ça grandit saison après saison. Mon club est né après le Covid, mais avant ça, mes coéquipiers m’ont parlé de stade ou il y avait 20 000 à 25 000 supporters à tous les matchs. Aujourd’hui, le Covid a été particulièrement dur pour le football Australien, les supporters ont eu du mal à revenir dans les stades, ça se fait progressivement. Dans certains, il y a 10 000 à 12 000 spectateurs, d’autres 5 000 à 6 000, nous, à domicile, on tourne autour de 4 000 à 5 000, donc ce n’est pas énorme mais c’est une bonne ambiance assez familiale. Au-delà de ça, il y a de très beaux stades, des pelouses parfaites comme en Ligue 1, le foot n’est pas le sport le plus populaire ici. L’arrivée de joueurs comme Juan Mata et Douglas Costa dans notre championnat augmentent la visibilité parce qu’ils sont passés par les meilleurs clubs européens.
Justement, quels sont les sports les plus populaires là bas ?
Le rugby, le football australien qu’on ne connaît nulle part ailleurs, un mix entre le foot et le rugby, le football américain et le cricket. Le foot ne vient qu’en cinquième position, mais, ils en sont quand même fans. Les matchs de l’équipe australienne, que ce soit féminine ou masculine, sont très suivis, ils aiment aussi la Premier League mais comme on est super loin, il y a énormément de décalage et les matchs sont souvent la nuit pour nous. C’est plus compliqué de suivre le football européen et pour les jeunes de regarder et d’aimer ce sport.
Quand on vient de clubs européens, qu’on a disputé la Ligue des champions, joué avec Mbappé, vos partenaires doivent beaucoup vous questionner sur vos expériences passées ?
Je suis loin d’être une star, mais c’est vrai qu’ici, ils ont énormément de respect pour les joueurs qui viennent d’Europe. Pour eux, jouer en Europe, c’est le graal surtout pour les jeunes qui jouent en Australie. Quand je suis arrivé, ils m’ont posé énormément de questions, ils m’en posent encore beaucoup aujourd’hui d’ailleurs. Quand on a eu la chance de jouer avec la grande équipe de Monaco avec Mbappé, Bernardo Silva, Falcao, fait une demi-finale de Ligue des Champions, une finale d’Europa League, quand je leur parle de ça, ils ont les yeux grands ouverts et écoutent attentivement. C’est quelque chose de beau à leur raconter, ils ne sont pas du tout dans la jalousie, ils sont dans l’admiration.
La France me manque
Valère Germain
Vous êtes en fin de contrat, comptez-vous rester en Australie ?
Je sais que mon club aimerait me prolonger, personnellement même si je suis très heureux, la France est loin et elle me manque, je ne suis pas rentré depuis un an et demi. On est très souvent en décalage avec la famille rien que pour se téléphoner ce n’est pas très évident. Honnêtement, on se voit revenir au pays et arrêter le foot ou peut-être se trouver une dernière expérience de quelques mois à l’étranger mais pas sur du long terme parce que la distance nous a montré que même si le foot c’est toute ma vie, la famille et les amis nous manquent et c’est au final ce qui est le plus important.
Vers quel championnat aimeriez-vous vous tourner pour une dernière aventure ?
Je ne me voile pas la face, je sais qu’en France par exemple on ne me proposera rien. Même si je joue quasiment tous les matchs 90 minutes et avec des stats intéressantes, ça reste le championnat australien. Je vais avoir 35 ans à la fin de la saison, même si je ne me sens pas trop vieux, quand on a passé ses 33 et 35 ans dans un championnat beaucoup moins regardé notre côte baisse énormément. Je ne sais pas s’il y aura des possibilités en tout cas, je serais prêt à tenter une petite expérience de quelques mois dans un nouveau pays pour pourquoi pas décrocher un dernier gros contrat. Peut-être que ça s’arrêtera comme ça et que je rentrerai à Monaco et on passera à autre chose, l’avenir en dehors du foot pour l’instant ne me fait pas peur. Même si ça me manquera peut-être. On verra bien.
Comment est la vie en Australie ?
On y vit très bien, on est proche de la mer, il fait beau toute l’année, on est à Sydney dans une grande ville, il y a énormément de choses à faire. On se sent aussi en sécurité, on peut laisser nos téléphones sur la serviette à la plage quand on va se baigner ou nos affaires sur les chaises au restaurant sans y penser on sait qu’on ne nous les volera pas. En France ce sont des choses qui n’étaient pas envisageables.
En France justement, on remarque qu’il y a de plus en plus de cambriolages au domicile des joueurs, ici, on s’inquiète moins pour ça ?
Bien sûr. Ma femme a toujours préféré habiter en appartement quand on était à Monaco ou à Marseille. Ici, on vit dans une maison, sans portail ni clôture autour. On est directement dans la rue, la trottinette, le vélo de mon fils sont devant la porte d’entrée à vue de tout le monde depuis six mois et personne n’y a jamais touché. La nuit, souvent on oublie de fermer certaines portes à clé mais personne n’est jamais rentré. Je sais que maintenant, lorsque je pars en déplacement, ma femme est beaucoup plus rassurée.
L’Australie est souvent associée aux grosses bêtes sauvages, vous en avez déjà croisé ?
Honnêtement non, je n’ai pas croisé de gros trucs, même quand on a fait du golf quelques fois avec pas mal de végétation autour. Dans notre ancien appartement, on a déjà eu des cafards qui sont beaucoup plus gros qu’en France et trois grosses araignées qu’on appelle les «huntsman», elles sont impressionnantes mais inoffensives. On a dû acheter rapidement une bombe anti-insectes.
Être ici, c’est aussi manger des choses particulières ?
Oui, jusqu’ici je n’avais pas encore mangé de kangourou, j’ai enfin passé le cap (il rit). On est allé au restaurant et il y avait un carpaccio de kangourou. J’ai voulu le goûter parce que je ne voulais pas partir de l’Australie sans en avoir mangé et au final, c’est comme de la viande rouge, il n’y a pas un goût particulier je ne sais pas si j’en remangerai. De façon générale, on a toujours le même mode d’alimentation. Ce qu’on faisait en France on est capable de le reproduire ici parce qu’on trouve de tout même si les ingrédients sont un peu moins qualitatifs.
Est-ce que vous vous êtes mis au surf ?
Non, non, non. Je vais dans l’océan, il n’y a pas de problème, mais jamais trop loin, j’ai peur des requins. Je ne suis pas un grand aventurier, je ne me vois pas aller plus loin que de l’eau jusqu’au nombril.
Être dans un pays lointain, c’est aussi pouvoir mener une vie un peu plus normale, sans être reconnu et arrêté partout ?
Dans la plupart des stades où je vais, que ce soit à Brisbane, à Perth, il y a souvent quelques Français qui sont dans les tribunes avec des maillots de Marseille ou Monaco qui à la fin me demandent une photo. Dans la rue, il y en a quelques-uns qui me reconnaissent, mais beaucoup moins qu’en France. J’étais loin d’être Zidane mais le foot et l’OM ont une place tellement importante dans l’hexagone. Aujourd’hui, je peux faire plus de choses, comme sortir au parc avec mon fils, aller à la plage, boire des cafés en terrasse. Même si ça a toujours été sympa de prendre des photos et faire des autographes pour faire plaisir aux gens, parfois, on a juste besoin de sortir avec sa famille pour profiter de l’instant sans que personne nous regarde.
À la place de Mbappé, j’aurai déjà pété les plombs.
Valère Germain
Au cœur de l’actualité aujourd’hui, on parle beaucoup du cas Kylian Mbappé. C’est un joueur que vous connaissez bien, vous avez joué avec lui à Monaco à ses débuts, quel regard avez-vous sur tout ça ?
Il est tellement médiatisé qu’aujourd’hui il prend ça en pleine tête. J’espère qu’il va retrouver son meilleur niveau et faire taire ses détracteurs. C’est vrai qu’il peut faire mieux, surtout dans sa communication notamment lors de ses absences en équipe de France, mais d’un autre côté, c’est tellement difficile à gérer. Je lui trouve des excuses parce que depuis ses 18 ans, le moindre de ses gestes est scruté par tout le monde, à sa place, j’aurai sûrement pété les plombs. C’est facile de lui tirer dessus quand il est un peu moins performant, mais il ne faut pas que les gens oublient qu’il y a encore 2 ans il était l’un des meilleurs joueurs du monde et qu’il a fait rêver tout le monde.
C’est le meilleur joueur avec qui vous avez pu évoluer ?
J’ai évolué avec énormément de grands joueurs : Bernardo Silva, Falcao et même Ben Arfa à Nice, mais c’est vrai que les 3-4 derniers mois de compétition à Monaco de Mbappé, lorsqu’il a commencé à jouer tous les matchs titulaires c’était du jamais vu. Forcément avant lui, il y avait Messi, Ronaldo, mais là, je voyais de mes propres yeux un joueur de ce calibre. Il était si jeune et déjà décisif dans tous les grands matchs, on sentait qu’il n’allait pas s’arrêter là et que c’était le début de quelque chose de grand.
C’était la mode sur les réseaux de se payer Germain
Valère Germain
Parmi les passages incontournables de votre carrière, il y a eu l’OM de 2017 à 2021, quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
J’ai eu de très bons moments et d’autres ou ça a été très difficile. Marseille a toujours eu une histoire particulière avec ses attaquants. Dans son histoire l’OM a vu passer des buteurs exceptionnels, de Jean Pierre Papin à Didier Drogba. Forcément, ça a créé une attente avec ce poste-là. Aubameyang à ses débuts, Benedetto, Iliman N’Diaye et maintenant Wahi, ce sont de très bons joueurs qui ont eu beaucoup de mal parce qu’à Marseille, c’est un climat et un club différent des autres. Il faut le vivre de l’intérieur pour le comprendre. Pour parler de moi, c’est vrai que je suis attaquant mais je ne me suis jamais considéré comme un vrai numéro 9 capable de marquer 15-20 buts par saison. Ça ne fait pas partie de mes qualités et je le sais, mais à un moment, on m’a demandé de prendre ce poste alors qu’on ne m’a pas recruté pour ça. J’ai essayé de l’assumer, j’ai subi de nombreuses critiques parfois injustes.
C’était la mode de se payer «Germain» sur les réseaux, je ne dis pas que je n’en veux à personne mais c’est le jeu, il y a beaucoup de gens qui écoutent tout ce qui peux se dire dessus et se faire leur avis. Heureusement, j’ai toujours été soutenu dans le vestiaire, j’avais plein d’amis, j’allais à l’entraînement avec le sourire parce que j’étais bien entouré. À part les trois derniers mois, on ne m’a jamais dit que je devais partir, on m’a toujours fait confiance, c’est ce qui m’a permis de me dire que j’avais encore ma place dans cette équipe-là. Je n’ai aucun regret, je suis très content de l’avoir vécu, c’était mon rêve de gamin de porter ce maillot.
Il y a des moments ou vous avez pensé à tout arrêter ?
La fois ou j’ai failli dire stop, c’est à Montpellier en 2022. Même si j’ai adoré ce club, après de très bon début, la deuxième saison sur le plan individuel et collectif est beaucoup plus compliquée. Avec l’éclosion d’Elye Wahi, je joue beaucoup moins. Lors de la préparation d’hiver, je me souviens d’un match amical où je suis sur le terrain sans vraiment y être et dans la tribune, il y a toujours deux ou trois cons qui sont là et qui me critiquent en rigolant. À l’époque, j’ai 33 ans, un enfant qui m’attend à la maison, je me demande vraiment ce que je fous là, je me suis vraiment dit que je n’avais plus l'âge pour ces conneries. Finalement, dès le lendemain, je repars à l’entraînement et je retrouve le sourire avec mes coéquipiers, l’ambiance était très bonne. J’ai toujours aimé ce métier, c’est une passion depuis tout petit, quand on a la chance de le faire on y réfléchit à deux fois avant de tout arrêter.
Vous parliez déjà il y a quelques années d’une reconversion en tant qu’agent, vous y songez toujours ?
Oui ! Avec l’éclosion de certains grands talents comme Mbappé, avec des salaires et des transferts énormes si tôt, ça peut faire tourner la tête à certains jeunes et à certaines familles qui mettent des pressions folles à leurs fils pour essayer de réussir parce que tout le monde pense avoir la nouvelle star à la maison. Le métier d’agent aujourd’hui, je pense qu’il est moins facile qu’avant, une minorité ne connaîssent pas forcément le foot et pensent avant tout à l’argent. Moi, je veux découvrir de nouveaux joueurs, de nouveaux talents pour les accompagner en étant le plus honnête possible, partager mes expériences et mon vécu, l’avenir nous dira si c’était ma voie.