À Washington, la grand-messe des anti IVG

Washington DC (États-Unis), Correspondance.


Lila Rose, Isabel Brown, Kristan Hawkins… Au pied de l’imposant Washington Monument, tout le gotha « pro-life » a répondu présent, conférant à cette 52e édition de la Marche pour la vie (March for Life) un air de grand-messe triomphante. L’ambiance de ce rendez-vous fixé chaque année autour du 22 janvier, date de l’historique arrêt Roe v. Wade sur l’IVG, est électrique. La veille, l’organisation a annoncé la présence du vice-président des États-Unis, J.-D. Vance. Dans le même temps, Donald Trump a gracié vingt-trois activistes anti-avortement qui étaient en détention pour violation du FACE Act, une loi datant de l’époque Clinton qui criminalise l’obstruction physique dans les cliniques réalisant des avortements.

Une série de référendums sont favorables aux pro-choix

Signe des temps, la Marche a cette année été rallongée : elle a démarré à proximité de l’Ellipse, le parc situé au sud de la Maison-Blanche, pour s’achever comme le veut la tradition entre le Congrès et la Cour suprême… Habile métaphore pour souligner l’emprise du Parti républicain sur les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Qu’importe si cette croisade idéologique va à contre-courant de la volonté populaire. Depuis 2022, presque tous les référendums sur la question de l’avortement ont tourné en faveur du camp pro-choix, y compris dans les États conservateurs, révélant un fossé entre les dirigeants républicains et l’opinion publique. Pour Ron DeSantis, gouverneur de Floride et stratège des guerres culturelles républicaines, cela n’est pas un problème. Invité VIP de la Marche aux côtés du speaker de la chambre des Représentants, Mike Johnson, et du leader de la majorité républicaine au Sénat, John Thune, le candidat malheureux à l’investiture du Parti républicain pour l’élection présidentielle s’enorgueillit d’avoir promulgué une interdiction de l’avortement au-delà de six semaines et fait échouer un référendum sur la question. « Nous avions la responsabilité de mettre en échec ce référendum pro-avortement », a ainsi déclaré le tonitruant gouverneur de Floride, se félicitant au passage d’avoir été brillamment réélu tout en ayant « fait campagne sur un programme pro-vie ».

Des centaines de juges pro-life nommés dans les tribunaux fédéraux

Un élément qui contraste avec la campagne de Donald Trump, qui n’a cessé de louvoyer en espérant attirer les modérés sans effrayer les radicaux. Dans un message adressé à la Marche, le 47e président des États-Unis a salué les « six courageux juges de la Cour suprême » qui ont mis fin à un demi-siècle de droit à l’avortement en invalidant, en 2022, l’arrêt Roe v. Wade et conspué les « démocrates radicaux […] qui veulent légaliser l’avortement jusqu’après la naissance », un mensonge souvent répété par le passé. Sans entrer dans les détails, le président a simplement affirmé que son administration « soutiendra l’adoption et les familles d’accueil » et qu’il mettra fin à la criminalisation des activistes anti-avortement. Invité le plus prestigieux de l’événement, J.-D. Vance a été vivement ovationné à l’occasion de ce premier événement public auquel il prend part en qualité de vice-président des États-Unis. Plus prolixe que l’occupant du bureau ovale, il n’a pas manqué de souligner les efforts déployés par Donald Trump lors de son premier mandat, notamment « les centaines de juges pro-life » qu’il a nommés au sein des tribunaux fédéraux. Promettant que pour son second mandat, Donald Trump sera « président américain le plus pro-famille et le plus pro-vie ». Un serment qui sert un objectif qu’il a reconnu sans la moindre ambiguïté face à une foule buvant ses paroles : « Je veux plus de bébés ! »

« Nous sommes des envahisseurs de cliniques et la vôtre est la prochaine. »

Membre du Progressive Anti-Abortion Uprising, organisation anti-avortement qui se réclame de la gauche radicale, Elise Ketch est une adversaire résolue du président républicain. Elle se satisfait néanmoins de la grâce accordée à son amie Lauren Handy, condamnée à presque cinq ans de prison pour obstruction dans une clinique. « J’aimerais qu’ils aident à faire passer l’abrogation du FACE Act », confie-t-elle. En attendant cette abrogation, le gouvernement fédéral entend bien leur faciliter la tâche : « [N] otre gouvernement ne jettera plus en prison les manifestants et les militants pro-vie », a promis JD Vance. Devant la Cour suprême, Elise Ketch et ses camarades du PAAU, toujours bien placés pour se faire voir et entendre, se sont époumonées tout l’après-midi. Parmi les slogans : « Nous sommes des envahisseurs de cliniques et la vôtre est la prochaine. »


Sébastien Natroll