REPORTAGE. Guerre en Ukraine : à Odessa, les attaques russes s’intensifient, loin des pourparlers de paix

Même si la météo est calme sur les bords de la mer Noire, des drones Shahed peuvent surgir à l’horizon à n’importe quel moment. Les attaques ont plutôt lieu la nuit,  mais le jour la 122e brigade de la défense territoriale d’Odessa reste en alerte et s’entraîne à tirer à la mitrailleuse. Il faut dire que la région est particulièrement la cible d’attaques balistiques et de drones en raison de sa proximité avec la Crimée. 

Casque sur la tête, gilet pare-balles, Oleksandre est chef d’unité. Pour lui, un drone abattu, c’est plusieurs vies sauvées. "Quand tu tires, c’est de la pure adrénaline, c’est fou, livre-t-il. Ensuite, c’est une petite victoire personnelle, et une grande pour le pays. C’est une explosion d’émotions". 

"Quatre à cinq fois plus" d'attaques de drones

Depuis huit jours, alors que les négociations pour un cessez-le-feu battent leur plein, il l’assure : les attaques se sont multipliées. Il le voit sur son livret de bord où il note chaque détail des opérations. "Avant, ça rentrait en une seule page. Et depuis la semaine dernière, je suis obligé de poursuivre sur une deuxième page, sinon ça ne rentre pas. Il n’y a plus de place, montre-t-il. C’est exponentiel. Il y en a trop. Ils en envoient quatre à cinq fois plus". 

Son commandant, Valéry, en veste kaki, assure que l’armée russe a changé de tactique. "Ils ne sont plus aussi cons qu’avant. Ils ont appris à notre contact à faire la guerre et comment nous attaquer avec leurs drones. L’année dernière, ils se contentaient de voler sans stratégie d’un côté, de l’autre, c’était facile de les abattre", raconte-t-il.

"Mais ces deux dernières semaines, ils ont commencé à rassembler les Shahed quelque part au-dessus de la mer Noire et, quand ils sont suffisamment nombreux, c’est comme un essaim. Et de là, ils commencent à suivre un itinéraire précis."

Valéry, commandant d'un groupe mobile de défense anti-aérienne ukrainien

à franceinfo

Et eux les attendent. Les traits tirés, Oleksi, 35 ans, s’est engagé, comme tous ici, dès les premiers jours de la guerre à grande échelle. "On n’a pas le choix, qu’est-ce qu’on peut faire ? Il faut, sinon ils vont venir ici. J’ai une famille, j’ai deux enfants, je ne veux pas voir les Russes. Pour que ce soit la même misère que chez eux". 

"On veut la paix plus que quiconque"

Ici, chaque soldat dit souhaiter la paix. Comme Oleksandre, qui aimerait voir plus souvent ses filles étudiantes, à Kiev. "Je veux tellement y croire !, confie-t-il. Mais on a bien compris que le droit international n’est plus respecté. Tout a été détruit. Mais croyez-moi, nous, on veut la paix plus que quiconque.Vous pouvez poser la question à n’importe qui ici, personne ne vous dira le contraire”. 

Personne ne croit en la parole de Vladimir Poutine qui s’est rendu mercredi 12 mars dans la région frontalière de Kourk, pour la première fois depuis l’incursion lancée en août dernier par l’Ukraine. En treillis militaire, il a donné l’ordre de "complètement la libérer" des forces ukrainiennes. Il n’a jamais respecté les précédents cessez-le-feu, rappelle le commandant Valery. "Vous savez, le jour, je défends le ciel, la nuit aussi et le jour suivant, c’est pareil. Mais si on n’est plus là, bientôt, ici, on aura des soldats russes. Alors, on se battra jusqu’au bout. On a tous des familles. Certains ont des grands enfants et ont déjà peut-être des petits-enfants". Ce petit groupe de défense le sait : ils se battent pour l’avenir de l’Ukraine et des générations futures.