Syrie : l’Iran n’exclut pas de déployer des troupes si le gouvernement de Damas le demande

La présence iranienne, particulièrement depuis la guerre civile de 2011, est forte en Syrie, avec le discret mais bien réel emploi de la force Al-Qods, le bras armé à l’étranger des Gardiens de la Révolution, mais jamais l’armée n’a été officiellement déployée sur le territoire syrien. Face à l’offensive fulgurante des islamistes du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS) lancée le 27 novembre depuis le gouvernorat rebelle d’Idleb vers Alep, deuxième ville du pays conquise dès vendredi dernier, et aujourd’hui vers Hama, l’hypothèse d’un engagement direct se fait plus explicite. «Si le gouvernement syrien demandait à l’Iran d’envoyer des troupes en Syrie, Téhéran examinerait cette demande», a annoncé ce mardi 3 décembre le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi, sur son compte Telegram officiel, citant un entretien au site d’information en arabe Al-Araby al-Jadid, également mentionné par l’agence de presse officielle IRNA.

C’est une marche supplémentaire dans le discours iranien après les propos tenus lundi par le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmail Baghaï, qui avait déclaré que l’Iran comptait maintenir des «conseillers militaires» en Syrie. C’est la seule présence officielle que Téhéran reconnaît en Syrie depuis le début de la guerre, il y a plus de 12 ans. L’Iran et la Syrie ne partageant pas de frontière terrestre, Téhéran devrait obtenir le feu vert de l’Irak - où l’influence iranienne est également prégnante - pour y déployer officiellement ses forces, ou passer par la voie maritime, depuis le golfe Persique jusqu’à la Méditerranée orientale, en passant par la mer Rouge. Un trajet délicat pour Téhéran qui ne dispose pas d’une puissante marine hauturière.  

«Proxys» iraniens

L’influence militaire de Téhéran en Syrie passe aussi par ses «proxys» régionaux, notamment le Hezbollah libanais - affaibli par les frappes et l’opération terrestre israélienne - mais aussi les milices chiites irakiennes qui jouent un rôle clé aux côtés de l’armée syrienne face aux rebelles et djihadistes opposés depuis 2011 au gouvernement de Damas. À cet égard, Téhéran réfute toute influence directe, mais entretient malgré tout le doute. «L’Iran ne commande pas les groupes de résistance dans les pays arabes et n’a pas de liens organisationnels avec eux ; cependant, il soutient leur cause et leur fournit une assistance lorsque cela est nécessaire», a expliqué le chef de la diplomatie iranienne, toujours cité par IRNA.

Pour Abbas Araghtchi, toute négociation avec les États-Unis, notamment au sujet du programme nucléaire iranien, est également exclue à ce stade - «il n’y a aucune base pour un tel dialogue», précise-t-il en évoquant son «pessimisme» dans l’attente de «la nouvelle administration» américaine. Toute rencontre entre Bachar al-Assad, le président syrien, et Recep Erdogan, son homologue turc, est aussi inenvisageable en l’absence d’un «retrait des forces turques de son territoire». Durant la guerre civile, des troupes turques ont mené plusieurs offensives dans le nord du pays, notamment dans des zones peuplées de nombreux Kurdes.

Visite à Moscou

Abbas Araghtchi a annoncé qu’il allait se rendre à Moscou pour évoquer le dossier syrien. Lors du lancement de l’offensive du HTS, la semaine dernière, Bachar al-Assad se trouvait d’ailleurs en visite en Russie, son autre grand allié avec l’Iran. À son retour à Damas, dimanche 1er décembre, le président syrien a rencontré en urgence le ministre iranien des Affaires étrangères, qui a déclaré que Téhéran apporterait «tout le soutien nécessaire». Pour le coup, Moscou déploie officiellement son armée en Syrie, notamment dans la base aérienne de Hmeimim et dans la base navale de Tartous, toutes les deux situées dans la région côtière de Lattaquié, le fief alaouite de la famille Assad. 

Les rebelles islamistes, qui avancent également vers l’Ouest, ne sont plus qu’à 35 kilomètres de Hmeimim, base depuis laquelle décollent les chasseurs-bombardiers russes Soukhoï qui ont bombardé ces derniers jours les positions de HTS. Ce mardi, la Russie a annoncé que sa marine avait organisé des exercices navals en mer Méditerranée orientale, procédant notamment à des tirs d’essai de missiles hypersoniques Tsirkon. Des images satellitaires publiées ce mardi montrent effectivement que trois frégates, un sous-marin et un tanker avaient quitté la base de Tartous.