Pourquoi les mauvais conducteurs ce sont toujours les autres

Neuf conducteurs sur dix se pensent exemplaires au volant. Selon eux, les mauvais conducteurs... sont toujours les autres. C’est le résultat du quinzième baromètre de la conduite responsable, publié par la Fondation Vinci Autoroutes ce mardi 27 mai. L’enquête menée par le sondeur Ipsos auprès de 12.403 personnes dans 11 pays européens, dresse «un état des lieux des comportements et représentations des Européens au volant». 96% des conducteurs français se décrivent comme vigilants, calmes et courtois. Dans le même temps, 87% d’entre eux redoutent l’agressivité des autres conducteurs qu’ils jugent dangereux, irresponsables et agressifs.

L’avis du psychologue

«C’est un phénomène beaucoup plus général que la sécurité routière», explique Jean-Pascal Assailly, psychologue spécialisé dans la sécurité routière (auteur de Homo automobilis, aux éditions Imago). «Demandez aux Français s’ils sont plus intelligents que la moyenne : 80% répondront oui, ce qui est mathématiquement impossible». Ce biais cognitif se nomme l’optimisme comparatif, le fait qu’une personne se croit moins exposée aux événements négatifs que les autres, et davantage aux événements positifs. Nous avons donc tendance à penser que nous échapperons aux accidents, aux maladies ou aux catastrophes qui touchent les autres. «Ce n’est pas forcément pathologique, nuance le psychologue. Si tous les matins vous vous leviez avec des idées pessimistes, bonjour la journée ! C’est simplement un mécanisme de défense contre l’angoisse».

Le biais de supériorité de soi

Ce biais d’optimisme dont nous fait part le chercheur est sous-tendu par deux phénomènes. D’abord celui de «supériorité de soi», nous nous percevons comme plus intelligents, mais aussi plus beaux, et... meilleurs conducteurs que la moyenne. «Les Français sont extrêmement forts là-dedans, la réputation de notre arrogance nous précède», observe Jean-Pascal Assailly. Les hommes, par exemple, rationalisent leurs excès de vitesse par leur supposée maîtrise. «Je peux me permettre de ne pas respecter les règles parce que je suis un excellent pilote», supposent-ils.

Illustration dans l’étude de la sécurité routière, un certain nombre de conducteurs français justifient leur non-respect du Code de la route, parce qu’ils sont vigilants, expérimentés, ou possèdent un véhicule sûr. 92 % disent dépasser la limitation de vitesse de quelques km/h, 74 % ne respectent pas le feu orange, 58% ne mettent pas leur clignotant pour tourner.

La distorsion de la perception du risque

C’est ensuite la distorsion de la perception du risque, qui explique notre optimisme quant à notre propre conduite. C’est quand l’individu n’évalue plus objectivement le danger : il surestime ou sous-estime la probabilité et la gravité d’un risque réel. Parfois en toute conscience : les conducteurs peuvent notamment estimer qu’il s’agit de «leur liberté» et qu’ils conduisent comme ils l’entendent, peu importent les règles.

La méconnaissance des dangers réels de la route, demeure une autre cause de cette distorsion. «Tout le monde sous-estime les distances d’arrêt», constate en exemple le psychologue (68% des conducteurs selon Vinci Autoroute, NDLR). «Les gens ne savent simplement pas que ne pas respecter les distances de sécurité est une infraction, ni même le temps qu’il faut pour s’arrêter à 50, 80 ou 130 km/h. On n’est pas tous des Einstein», ironise le psychologue. Idem pour l’alcool, «les conducteurs croient qu’ils dessaoulent plus vite que leur capacité réelle». Ou pour le cannabis, «quand on demande aux jeunes de 15-25 ans, ils répondent que c’est moins dangereux que l’alcool sur la route. Mais ce n’est pas ce que disent les études scientifiques». 

Peut-on remédier à ces biais ? 

Face à ces biais psychologiques profondément ancrés, «le contrôle sanction est efficace à courte durée», reconnaît Jean-Pascal Assailly. Toucher au portefeuille, modifie toujours les comportements. Mais la répression seule ne suffit pas. Le psychologue prône une approche éducative : «Il faut un travail d’éducation continue, comme les stages de formation  que nous avons créés». L’objectif : faire prendre conscience à chacun que derrière le volant, nous ne sommes pas différents des autres, et que nos propres failles peuvent être fatales. Car comme le résume le psychologue : «L’autre, c’est nous».