RD Congo : l'ONU alerte sur le risque d'"escalade régionale" face à l'avancée des rebelles

La situation en République démocratique du Congo était sur toutes les lèvres lors du sommet de l'Union africaine (UA), qui s'est ouvert, samedi 15 février dans la capitale éthiopienne. "Il faut éviter à tout prix une escalade régionale" dans le conflit qui ravage l'est du pays, a affirmé depuis à Addis Abeba le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres alors que des combattants du M23 alliés à des troupes rwandaises ont été signalés la veille dans la ville de Bukavu.

Après une avancée éclaire fin janvier à Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, le groupe armé M23 ("Mouvement du 23 mars") soutenu par le Rwanda progresse désormais dans la région voisine du Sud-Kivu. Vendredi, les rebelles ont pris le contrôle de l'aéroport deKavumu, à une trentaine de kilomètres de Bukavu avant de pénétrer dans la capitale du Sud-Kivu par ses quartiers nord-ouest, selon des sources sécuritaire et humanitaire.

La chute de Bukavu, déjà tombée en 2004 aux mains de soldats dissidents de l'armée congolaise, donnerait au M23 et aux troupes rwandaises le contrôle total du Lac Kivu, qui s'étire le long de la frontière rwandaise. En face, l'armée congolaise est notamment soutenue par des troupes sud-africaines et burundaises.

"La souveraineté et l'intégrité territoriale de la RDC doivent être respectées", a exhorté le chef de l'ONU, lors de l'ouverture du sommet annuel de l'Union africaine (UA). S'il a pointé du doigt la responsabilité du M23, le secrétaire général de l'ONU n'a pas mentionné le Rwanda. Il a par ailleurs appelé au dialogue entre les parties belligérantes : "Il n'y a pas de solution militaire. L'impasse doit cesser, le dialogue doit commencer", a-t-il dit. Le gouvernement congolais refuse de son côté tout dialogue avec le M23 qu'il qualifie de "groupe terroriste", à la solde du Rwanda.

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"La violation en cours de l'intégrité territoriale de la RDC ne restera pas sans réponse", a affirmé samedi un porte-parole de l'UE pour les Affaires étrangères, Anouar El Anouni, tout en blâmant des "forces du M23, soutenues par le Rwanda". "L'UE examine en urgence toutes les options à sa disposition", a-t-il poursuivi. 

Emmanuel Macron a appelé à un cessez-le-feu immédiat dans la province du Sud-Kivu et au retrait des rebelles soutenus par le Rwanda, de la ville de Bukavu et de l'aéroport de Kavumu, en exhortant Kigali à soutenir ces mesures d'urgence.

Environ 4000 militaires rwandais interviennent dans l'Est de la RDC, selon l'ONU.

Ce conflit fait planer le risque d'une guerre régionale, plusieurs des voisins de la RDC, immense pays de l'Afrique centrale, ayant une présence militaire sur le sol congolais.

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Félix Tshisekedi absent du sommet

Depuis la récente intensification du conflit, et alors que Kinshasa réclame en vain des sanctions internationales contre Kigali, les appels de la communauté internationale à une désescalade et à un cessez-le-feu se sont multipliés, notamment de la part des dirigeants d'Afrique de l'Est. Mais ils sont restés lettres mortes.

Félix Tshisekedi n'a pas pris part à une réunion du Conseil paix et sécurité de l'UA vendredi et était à une conférence sur la sécurité, organisée à Munich (Allemagne), d'où il a dénoncé les "velléités expansionnistes" du Rwanda et appelé à le "mettre à l'index".

Il était initialement annoncé présent au sommet des chefs d'États ce week-end, mais y a finalement renoncé. "La résolution des conflits (...) doit rester au coeur de nos efforts", a de son côté lancé le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed lors de l'ouverture du sommet.

L'UA a été critiqué dans certaines de ses positions, jugées trop timorées et favorables à Kigali. Certains communiqués du président sortant de la Commission de l'UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, s'ils appelaient à la fin des combats, ne mentionnaient pas le Rwanda.

"L'UA n'a aucun pouvoir dans ce conflit et est spectatrice", pointe du doigt auprès de l'AFP Thierry Vircoulon, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Nouveau président pour l'UA

Le président angolais João Lourenço, très impliqué depuis plusieurs années dans les tentatives de médiation entre RDC et Rwanda, a pris samedi, à la suite du chef de l'État mauritianien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, la présidence tournante de l'UA, un rôle honorifique.

À l'issue du sommet, un nouveau président de la Commission de l'UA a été désigné pour succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat :  le ministre des Affaires étrangères djiboutien Mahmoud Ali Youssouf, qui concourait face au vétéran de l'opposition kényane Raila Odinga et à l'ancien ministre des Affaires étrangères malgache Richard Randriamandrato.

Outre le conflit en RD Congo, les chefs d'États ont abordé la question des "réparations" des crimes de la colonisation, thème de ce 38ème sommet. Les dirigeants du continent divergent sur les montants et formes de ces réparations financières.

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Avec AFP