28 Ans plus tard, Elio, Avignon... Les films à voir et à éviter cette semaine
28 Ans plus tard - À voir
Film d’horreur de Danny Boyle - 1 h 55
Le Royaume-Uni est toujours en quarantaine. En Écosse, un village insulaire se protège des infectés et survit malgré la rareté des ressources, séparé du reste du monde par une digue praticable uniquement à marée basse. Un père (Aaron Taylor-Johnson) emmène son fils de 12 ans, Spike, à sa première partie de chasse. Cette escapade sur le continent ressemble à une énième variation sur un père et un fils dans un monde hostile. Mais Boyle et Garland quittent assez vite les chemins balisés du film survivaliste.
Spike prend le parti de sa mère, Isla (Jodie Comer), alitée et atteinte d’un mal indéfini. Le diagnostic sera posé par Ralph Fiennes, médecin solitaire qui brûle les corps des défunts pour ériger un mausolée de crânes et d’os, un « memento mori ». Comment oublier la mort dans ce monde inhumain ? Elle advient aussi par la maladie la plus banale qui soit, belle idée du scénario qui déjoue la surenchère spectaculaire – les morts par décapitation finissent au contraire par laisser indifférent. Boyle met en scène une île repliée sur elle-même, une communauté coupée du reste du monde, considéré comme un territoire dangereux. Un confinement volontaire et complaisant, signe d’un retour à une société primitive. É. S.
Elio - À voir
Film d’animation de Madeline Sharafian, Domee Shi, Adrian Molina - 1h39
Elio Solis a onze ans. Il vient de perdre ses parents et vit chez sa tante Olga sur une base militaire américaine. Cette dernière dirige un projet gouvernemental top secret ayant trait à l’envoi d’un message universel de communication vers les étoiles. Le jeune héros, solitaire, asocial et introverti, ne pense qu’à une chose: se faire enlever par des extraterrestres. Ce qui va lui arriver bien évidemment. Grâce à un quiproquo tout ce qu’il y a de plus réjouissant, voilà notre voyageur des étoiles bientôt bombardé ambassadeur de la Terre lors d’un congrès intergalactique baptisé Communivers. S’enclenche alors un parcours initiatique échevelé en forme d’odyssée spatiale tout à la fois astral et intime.
Réalisé par deux jeunes femmes, Madeline Sharafian et Domee Shi, Elio rend hommage à ET, de Spielberg, et à la série scientifique Cosmos, de Carl Sagan. Ambitieux, drôle, tendre et émouvant, Elio est à la fois un film sur la solitude, l’acceptation de la différence et un splendide hymne à l’amitié. Sans doute le meilleur Pixar depuis Vice-Versa...
Avignon - À voir
Comédie de Johann Dionnet - 1h43
Stéphane vient de jouer un pirate dans une pièce familiale, mais il a envie de s’illustrer dans du classique. Une copine, Coralie, le convainc pourtant de reprendre le rôle principal d’un boulevard au Festival Off d’Avignon, Ma sœur s’incruste. Jusqu’à ce que Stéphane tombe sur Fanny, une actrice avec laquelle il a fait un stage de théâtre quelques années auparavant. Elle joue dans Ruy Blas, de Victor Hugo, et est en plus programmée dans le In. Gêné, Stéphane lui laisse croire qu’il interprète Rodrigue. Par chance, les deux pièces sont données à la même heure et Fanny ne devrait pas découvrir la vérité. Bien sûr, ce ne sera pas le cas.
Johann Dionnet livre son premier long-métrage, Avignon. Il rappelle que, chaque été, la Cité des papes est un lieu aussi incontournable pour les « théâtreux » que Cannes pour les cinéphiles. Dans la peau du meilleur ami de Coralie, il peint de façon juste les difficultés d’une troupe désargentée qui se bat pour vendre son spectacle parmi plus de 1500 proposés dans la jungle du Off. Sans perdre son sens de l’humour. N. S.
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Loveable - À voir
Drame de Lilja Ingolfsdottir - 1h41
Coup de foudre, mode d’emploi. Il faut avouer que Sigmund n’est pas si mal, avec ses cheveux blonds, ses pulls ras-du-cou et son début de barbe. Maria l’a tout de suite repéré. Cette mère de deux enfants, issus d’une union visiblement désastreuse, a un sourire à faire fondre un ayatollah et de l’énergie à revendre. Ils se croisent chez des amis, se frôlent dans des soirées. L’alchimie fonctionne. Sept ans plus tard, il ne s’agit plus de la même histoire. Il y a deux enfants supplémentaires. Le quotidien a ravagé les élans de tendresse. Entre eux, la fusion a cessé de fonctionner.
Vieille histoire, éternelle chanson. La Norvégienne Lilja Ingolfsdottir la repeint à neuf, avec des couleurs d’aujourd’hui, lui insuffle une urgence, une tension qui ne repousse pas la profondeur. Ce portrait de femme sur le fil brûle de l’intérieur. Helga Guren soutient ce Loveable qui ressemble à du Bergman en jeans et tee-shirt. É. N.
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The Return, le retour d’Ulysse - À voir
Drame d’Uberto Pasolini - 1h58
Ralph Fiennes, tout juste dépouillé de sa robe de cardinal de Conclave, joue un Ulysse barbu et vieilli. Il n’est d’abord qu’un corps échoué sur les côtes d’Ithaque, naufragé face contre sable. Un corps sec et noueux comme un olivier, couvert de cicatrices. Le roi est nu et son royaume engraisse des hommes sans scrupule qui convoitent et harcèlent sa femme. Son fils, Télémaque, qui a grandi sans père, victime désignée, n’a pas les épaules pour leur tenir tête. Le héros invincible de L’Iliade, le vainqueur de Troie, « l’homme aux mille ruses » inventeur du cheval de bois, est désormais un vétéran de guerre hagard et brisé. Homère ne parlait pas de syndrome post-traumatique, mais les guerres modernes n’ont rien inventé. De tout temps, elles tuent les hommes ou leur apprennent à tuer.
Fiennes retrouve Juliette Binoche, sa partenaire du Patient anglais. La récente présidente du jury cannois incarne une Pénélope loin de l’image d’Épinal de la femme patiente et amoureuse qui attend son prince charmant, penchée sur son métier à tisser. Elle retrouve un soldat ivre de vengeance, un père qui apprend à son fils à donner la mort. Le vieil homme fait place à un homme qui a perdu une part de son humanité. É. S.
Peacock - À voir
Comédie/Drame de Bernhard Wenger - 1h42
Drôle de métier. L’agence MyCompanion fournit des amis à louer. Matthias, avec sa coupe en brosse, son air rieur et sa petite moustache, peut jouer un rôle à la demande. Il lui arrive de se glisser dans la peau d’un parent d’élève, du fils d’un PDG, du chevalier servant d’une dame plus âgée qui peut s’afficher avec ce trophée à son bras. Ses prestations sont appréciées à leur juste valeur. Cependant, sa vie privée lui échappe. Sa fiancée ne le comprend plus. Qui est-il au juste ? Elle s’en va, emportant une grosse valise et un doberman. Autour de lui, les choses prennent une tournure bizarre.
Il y a chez l’acteur Albrecht Schuch une innocence proche de celle qui caractérisait le Peter Sellers de Bienvenue mister Chance. La satire atteint son but. Originalité, surprise, humour noir, tels sont les ingrédients saupoudrés par Bernhard Wenger dans cette fable cruelle où souffle un superbe anarchisme. Il y a un ton et un style chez cet Autrichien qui regarde le monde comme il ne va pas. É. N.
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Enzo - À voir
Drame de Laurent Cantet et Robin Campillo - 1h42
Enzo a 16 ans. Apprenti maçon sur un chantier à La Ciotat, il se sent peu concerné par l’avancement des travaux. Adolescent mutique, poussé en graine trop vite, Enzo (magnifiquement incarné par Eloy Pohu dont c’est la première apparition à l’écran) se caractérise d’emblée par une sorte d’opposition silencieuse. Ce jeune tarde à s’intégrer à l’équipe et agace les autres employés. Parfois des éclats d’enfance passent sur son visage déjà grave. C’est en faisant connaissance avec le reste de la famille que l’on comprend le comportement énigmatique de l’adolescent. Pierfrancesco Favino incarne un père à la virilité tranquille, grand bourgeois qui ne comprend pas pourquoi son fils cadet a abandonné un cursus menant aux études supérieures.
On reconnaît la passion de Laurent Cantet pour l’adolescence. Le réalisateur d’Entre les murs (palme d’or à Cannes en 2008) a toujours été attentif à cette période de transition tourmentée et pleine de promesses. O. D.
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Kneecap - À voir
Biopic de Rich Peppiatt - 1h45
Trio de rappeurs de Belfast chantant en gaélique, Kneecap se sont fait connaître dans leur Irlande du Nord natale pour leurs titres défendant leur langue ancestrale et récusant la présence britannique dans la province. Avant de défrayer la chronique, cette année, avec leurs positions propalestiniennes. Entre docu-fiction et comédie noire, ce biopic, où les chanteurs jouent leur propre rôle, retrace la formation du groupe et son émergence sur la scène musicale. Arrêté à l’issue d’une soirée agitée, Liam refuse de parler en anglais aux policiers, et demande un interprète. Les enquêteurs tirent de son lit JJ, un professeur de gaélique désenchanté pour faire office d’interprète. En consultant le petit carnet de Liam, JJ est impressionné par son usage moderne et percutant du gaélique. Il y voit une chance d’intéresser ses lycéens à la culture irlandaise et convainc Liam et son meilleur ami Naoise de se lancer dans le hip-hop.
Ex-journaliste, le réalisateur et scénariste Rich Peppiatt mélange allègrement réalité, absurde et fiction. Michael Fassbender fait une apparition remarquée dans la peau du père d’un des héros. Militant républicain devenu prof de yoga. Les jurons, la cocaïne coulent à flots. Comme d’incongrus moments oniriques et d’amusantes trouvailles visuelles. Ce n’est pas pour rien que Rich Peppiatt cite comme influences Trainspotting (évidemment) et Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ! C. J.
Voyage au bord de la guerre - À voir
Documentaire d’Antonin Peretjatko - 1h02
On connaît Antonin Peretjatko pour ses comédies loufoques (La Fille du 14 juillet, La Loi de la jungle, La Pièce rapportée). On retrouve un peu de son sens de l’absurde dans Voyage au bord de la guerre, récit de ses deux séjours en Ukraine, en mai 2022 et février 2023. Son grand-père avait quitté l’Ukraine 100 ans auparavant, sans dire au revoir à sa propre mère. Il a voulu voir par lui-même le pays de son ancêtre, résistant à l’invasion de la Russie de Poutine. « Comment filmer ça ? », se demande Peretjatko. Avec une caméra 16 mm, qui fait un bruit de moulin à café et permet des plans de 20 secondes. Avec un guide, Andreï, volontaire dans une école. La guerre est partout et pourtant elle est impossible à filmer, sinon ses cicatrices (immeubles éventrés, façades noircies) Mais elle se raconte. Igor a fui Kharkiv. Alex a pleuré en quittant Marioupol. Eux et d’autres témoignent des coupures de courant, du massacre de Boutcha, des forêts infestées de mines. Des vols de robinets par les soldats russes, aussi. É. S.