REPORTAGE. "Le temps c'est très précieux" : en Ukraine, des conteneurs médicalisés pour soigner les blessés le plus vite possible

Alors que chaque jour l’Ukraine compte de nouveaux morts et de nouveaux blessés face aux assauts des forces russes, une initiative française permet de soigner les soldats au plus près des zones de combats. Les "Stabnet" sont des conteneurs équipés de matériel médical, déposés pour quelques jours ou quelques semaines près de la ligne de front, puis déplacés selon les besoins. Le premier prototype a été réalisé en février 2024, alors qu'aujourd’hui 44 unités ont été déployées, prenant en charge 70 000 personnes. Les conteneurs, fabriqués à Kharkiv par une société spécialiste des conteneurs sanitaires, coûtent plus de 40 000 euros pièce tout équipés, avec 90% du matériel livrés par un fournisseur ukrainien. Franceinfo a pu visiter un "Stabnet" de la 157e brigade, dans l'Est de l'Ukraine. 

Le conteneur gris foncé est posé au bord d'une route de campagne, sous un filet de camouflage, à dix kilomètres du front. "Il y a trois jours, on a eu 40 blessés par jour, dit un soldat. C'est beaucoup… C'est trop." "Anesth", le médecin, nous fait entrer. 12 mètres carrés, une table d'opération, et tout autour, du sol au plafond, des tas d’appareils médicaux : "Ici, vous avez des pompes à seringue. C'est du matériel français, plutôt pour les traitements intensifs. Là, on a un appareil qui réchauffe le sang, parce que les transfusions doivent se faire à la température du corps. Avec cet appareil, même si la poche de sang est à 17 degrés, on peut la monter à 36 ou 37 degrés. C'est très utile pour éviter l'hypothermie."

Le conteneur, parfaitement hermétique, a son propre circuit d’air, il est autonome en eau et en électricité. À l'intérieur, il y a aussi un concentrateur d'oxygène, un défibrillateur, un stérilisateur aux rayons UV… Ici, la priorité numéro 1 est d'enlever les garrots posés en urgence sur le champ de bataille, de soigner les hémorragies, de désinfecter et d'effectuer les premiers gestes pour stabiliser les blessés, un par un. Ils sont ensuite évacués à l'arrière, vers des structures où ils pourront être opérés.

L'intérieur d'un conteneur Stabnet. Est de l'Ukraine, mai 2025 (ISABELLE LABEYRIE / RADIO FRANCE)
L'intérieur d'un conteneur Stabnet. Est de l'Ukraine, mai 2025 (ISABELLE LABEYRIE / RADIO FRANCE)

L'infirmier, "Virus", prépare ses perfusions : "Je l'ai remplie pour le prochain soldat. Ça nous fait gagner du temps. Ici, de A à Z ils restent 40 minutes, maximum. Le temps, c'est très précieux."  Ziat, 34 ans, un assistant médical originaire de Kherson, complète : "Il faut faire vite. Plus vite on travaille, plus on a de chances que la vie du soldat soit préservée." 85% des blessures sont causées par les drones kamikaze russes qui viennent exploser sur les véhicules des soldats.

Quand les combats se rapprochent, ou que le conteneur risque à son tour de devenir une cible, il suffit d'une dizaine de minutes pour le charger à l'arrière d’un pick-up et le déplacer. "Cela fait seulement une semaine qu'on est ici, dit Ziat, mais on va bientôt bouger. Quand notre commandement prendra la décision, on ira dans un endroit plus sûr." 

"La ligne de front avance très rapidement."

"Virus", infirmier ukrainien

à franceinfo

Le conteneur est recouvert de plusieurs couches de polymères, une sorte de semi-blindage qui peut arrêter du shrapnel à 400 mètres de distance, mais pas une bombe. Pour renforcer la sécurité de l'installation, certaines brigades ont même enterré leurs conteneurs, pour en faire une sorte de mini-hôpital souterrain.

Le projet est né d'une discussion avec les médecins du front, ceux qui sont en première ligne. Stabnet s'appuie uniquement sur des dons privés. Si la fondation américaine Razom et le Rotary Club contribuent à une grande partie du financement, l'organisation cherche des soutiens, pour tenir ses ambitions et déployer une centaine d'unités d'ici à la fin de l'année.