Aide à mourir : le ministre de la Santé Yannick Neuder exprime son malaise face à «ce saut sociétal»
«Auriez-vous voté cette loi, si vous étiez encore député LR de l’Isère ?» - «Je ne suis pas certain». Le malaise du ministre de la Santé, Yannick Neuder, était tangible sur le plateau de Franceinfo ce mercredi matin. Au lendemain du vote à l’Assemblée nationale du projet de loi sur la fin de vie, le ministre délégué, lui-même ancien cardiologue, a affiché ses doutes sur certains aspects de la loi sur «l’aide active à mourir». Mardi, les députés se sont exprimés sur deux textes : l’un sur l’accès aux soins palliatifs et l’accompagnement, voté à l’unanimité, et l’autre légalisant le suicide assisté et l’euthanasie, adopté à 305 voix pour et 199 contre. C’est sur cette dernière proposition de loi que le ministre a exprimé sa réserve. «Je ne suis pas complètement prêt à faire faire ce saut sociétal à notre société», a déclaré Yannick Neuder.
Le ministre a mis en garde contre le danger que «l’aide active à mourir soit une solution parce qu’il n’y a pas de soins palliatifs, ou parce qu’il y a de la difficulté d’accès aux soins». Actuellement en France, seul un malade en fin de vie sur deux a accès à des soins palliatifs, alors que ce droit fondamental est inscrit dans la loi depuis 1999. «Je pense que nous devons faire le maximum pour devoir favoriser l’accès aux soins, la prise en charge des soins palliatifs», a insisté celui qui, avant son mandat de député LR de l’Isère, exerçait comme cardiologue au CHU de Grenoble.
«Attention au délit d’entrave»
Et Yannick Neuder de citer une enquête du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) qui a montré que pour 100 patients réclamant l’aide active à mourir, 91 renoncent à cette demande s’ils sont pris en charge par des soins palliatifs. «Je suis favorable à une proposition de loi pour ces 9% restants» qui «n’ont pas trouvé de solution», précise toutefois le ministre, invitant toutefois qu’il ne faut pas être «trop tranché» et rappelle que de nombreuses personnes partent à l’étranger pour accéder à l’aide à mourir.
«Il faut être robuste sur les critères, ne pas en dévier», a-t-il mis en garde, exhortant notamment à respecter la clause de conscience des soignants. «Attention à ce délit d’entrave qui peut éloigner les soignants s’ils se sentent en danger juridique vis-à-vis des patients». Pour l’ancien chirurgien, «il ne faut pas que cette prise en charge du soignant, cette empathie, cette volonté qui correspond au serment d’Hippocrate de pouvoir soulager le patient soit interprétée au sens juridique comme une entrave».