L'ONU réduit son aide humanitaire malgré les crises humanitaires en cours

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l'ONU a annoncé lundi 16 juin dans un communiqué son nouveau plan de 29 milliards de dollars. Un nombre en deçà des 44 milliards de dollars attendus par les Nations Unies de la part des pays donateurs.

Le plan initial devait permettre d'aider "180 millions de personnes vulnérables".

Selon OCHA, l'ONU n'a réussi à récolter que 5,6 milliards de dollars, sur les 44 milliards initialement réclamés, soit 13% du total alors que l'on est déjà à la moitié de l'année et que les crises humanitaires se sont multipliées : Soudan, Gaza, République démocratique du Congo, Birmanie, Ukraine notamment.

L'Afrique en pâtit

Tout le secteur humanitaire mondial a été jeté dans la tourmente par la décision du président américain Donald Trump de mettre fin ou de revoir à la baisse l'aide financière à l'étranger des États-Unis.

Washington était jusque-là le principal donateur en termes d'aide au développement sous toutes ses formes et les coupes brutales du financement ont des conséquences dramatiques pour l'aide d'urgence, la vaccination ou encore la distribution de médicaments pour lutter contre le sida.

Les 15 pays les plus aidés par l'Agence américaine pour le développement.
Les 15 pays les plus aidés par l'Agence américaine pour le développement. © Sylvie Husson, Valentina Breschi, AFP/Archives

Les fonds américains représentaient parfois une part importante des budgets des agences de l'ONU ou de diverses ONG, et ces pertes sont impossibles à compenser suffisamment rapidement.

Dès la fin avril, Tom Fletcher le patron d'OCHA, avait prévenu. Réduire le financement "n'est pas quelque chose dont il faut se vanter... le résultat de ces coupes dans l'aide c'est que des millions de personnes meurent", avait-il lancé depuis un hôpital bondé en Afghanistan.

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Famines et maladies

Au moment même où OCHA annonçait les coupes, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) publiaient une nouvelle liste sur la faim dans le monde. Cinq des endroits cités sont confrontés à la famine ou à un risque immédiat de famine : Soudan, Gaza, le Soudan du Sud, Haïti et le Mali. "Mais sans financements ni accès, nous ne pouvons sauver des vies", dénonce la directrice du PAM, Cindy McCain.

Des cartons de médicaments livrés par l'Agence des États-Unis pour le développement international, dans un entrepôt de pharmacie dans un hôpital du comté de Lodwar, le 1er avril 2025 au Kenya.
Des cartons de médicaments livrés par l'Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), aujourd'hui démantelée, dans un entrepôt de pharmacie à l'hôpital de référence du comté de Lodwar, le 1er avril 2025 au Kenya. © Luis Tato, AFP/Archives

Au Bangladesh, c'est la lutte contre la tuberculose et son éradication qui ont été remises en cause faute de moyens. En Afrique australe, ce sont les progrès de la lutte contre le sida qui sont menacés.

Mais les États-Unis ne sont pas seuls en cause, nombre de pays donateurs ayant revu à la baisse leur aide pour se consacrer à d'autres priorités.

"Nous avons été forcés de faire un tri de la survie humaine", a dénoncé Tom Fletcher lundi.

"Les comptes sont cruels, et les conséquences sont déchirantes. Trop de personnes ne recevront pas l’aide dont elles ont besoin, mais nous sauverons autant de vies que possible avec les ressources qui nous sont données", a-t-il promis.

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Faire avec moins

Il faudra donc faire autant que possible avec beaucoup moins. L'ONU va se fonder sur une échelle qui classe la gravité des besoins humanitaires. Les zones classées niveau 4 ou 5 — "indiquant des conditions extrêmes ou catastrophiques" — auront la priorité.

"Des coupes budgétaires brutales nous laissent avec des choix brutaux", reconnaît Tom Fletcher.

"Tout ce que nous demandons, c'est 1 pour cent de ce que vous avez choisi de dépenser l'année dernière pour la guerre. Mais ce n'est pas juste un appel à l'argent — c'est un appel à la responsabilité globale, à la solidarité humaine, à un engagement pour mettre fin à la souffrance", enjoint-il.

Des Palestiniens font la queue pour un repas chaud dans une cuisine caritative gérée par le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies au camp de Nousseirat, à Gaza, le 26 avril 2025.
Des Palestiniens font la queue pour un repas chaud dans une cuisine caritative gérée par le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies au camp de réfugiés de Nousseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 26 avril 2025. © Eyad Baba, AFP/Archives

L'impact n'est pas limité à la nourriture ou aux soins. À l'ouverture de la session d'été du Conseil des droits de l'Homme, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Volker Türk, s'est dit "profondément préoccupé" par les réductions de financement de son bureau et des mécanismes internationaux dans ce domaine.

Ces coupes ne feront qu'"offrir du réconfort aux dictateurs et aux autoritaires", a-t-il lancé.

Avec AFP