Soupçons de financement libyen : la parole est à la défense de Sarkozy au dernier jour du procès

Dernier jour du procès des soupçons de financement libyen. Après des semaines d'audiences, les avocats de Nicolas Sarkozy plaident mardi 8 avril après-midi et vont soutenir la relaxe de l'ancien président, avant que le tribunal ne se retire pour délibérer.

Mes Christophe Ingrain et Jean-Michel Darrois doivent s'exprimer à partir de 13 h 30 en présence, selon son entourage, de l'ex-chef de l'État, 70 ans, qui n'a eu de cesse de clamer son innocence. Les prévenus auront ensuite, s'ils le souhaitent, la parole en dernier, puis le tribunal annoncera la date à laquelle il rendra son jugement – pas avant plusieurs mois.

Cette journée marquera l'épilogue d'un procès inédit où sont jugés depuis le 6 janvier le sixième président de la Ve République (2007-2012) ainsi que 11 autres prévenus, dont trois anciens ministres.

Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir noué en 2005, via ses plus proches collaborateurs, un "pacte de corruption" avec le dictateur libyen Mouammar Kadhafi, afin qu'il finance sa campagne présidentielle victorieuse de 2007.

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Et ce, selon l'accusation, en échange de contreparties diplomatiques, économiques et juridiques, en particulier un soutien au retour de la Libye sur la scène internationale après des années d'embargo lié aux attentats commis par le régime.

"Pacte de corruption faustien"

Au rythme de trois après-midis par semaine, le tribunal présidé par Nathalie Gavarino a patiemment examiné chacun des indices rassemblés par les juges d'instruction pendant une décennie d'investigations très complexes, questionnant témoins et prévenus souvent jusque tard dans la soirée.

À l'issue de trois journées de réquisitoire, le parquet national financier (PNF) a requis sept ans d'emprisonnement, 300 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité contre Nicolas Sarkozy.

Afin de "satisfaire ses ambitions politiques dévorantes", l'ancien locataire de l'Élysée a noué "un pacte de corruption faustien avec un des dictateurs les plus infréquentables de ces 30 dernières années", a affirmé l'un des procureurs.

Croquis d'audience représentant, de droite à gauche: l'ex-président français Nicolas Sarkozy, le député Eric Woerth, l'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant, le 6 janvier 2025 au tribunal de Paris
Croquis d'audience représentant, de droite à gauche: l'ex-président français Nicolas Sarkozy, le député Eric Woerth, l'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux, l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant, le 6 janvier 2025 au tribunal de Paris © Benoit PEYRUCQ / AFP/Archives

Pour les trois parquetiers, Nicolas Sarkozy est le "véritable commanditaire" de ce pacte mis en œuvre par ses plus proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux, qui ont adopté l'attitude "d'hommes de mains" en protégeant leur chef jusque dans la salle d'audience.

Immédiatement, Nicolas Sarkozy a dénoncé "la fausseté et la violence des accusations et l'outrance de la peine réclamée", qui ne visent selon lui qu'à "masquer la faiblesse des charges alléguées". Il a ajouté vouloir "croire dans la sagesse du tribunal".

"Le plausible" ne "suffit pas"

Sa défense affirme qu'aucun des flux financiers détaillés par l'accusation n'a pu alimenter la campagne, dans laquelle selon eux aucun argent liquide d'origine libyenne n'a été identifié.

Ses avocats estiment que ces accusations ont été construites rétrospectivement par les Libyens afin de se venger de l'intervention internationale menée notamment par Nicolas Sarkozy et qui a abouti à la mort de Mouammar Kadhafi, en octobre 2011.

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Ils assurent que les contreparties alléguées n'existent pas, soit parce que le ministre puis président n'aurait fait que poursuivre des politiques antérieures, soit parce qu'il n'aurait pas pu, de par ses fonctions, influer sur les processus bilatéraux en cause.

Définitivement condamné à un an de prison ferme pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des écoutes ou "Bismuth", Nicolas Sarkozy s'est vu poser le 7 février un bracelet électronique à la cheville.

Ce procès a aussi vu trois anciens ministres défiler à la barre. Le ministère public a requis six ans de prison et 100 000 euros d'amende contre Claude Guéant, trois ans de prison et 150 000 euros d'amende contre Brice Hortefeux, un an de prison aménagé sous bracelet contre le trésorier de la campagne Éric Woerth.

Lundi, leurs conseils ont plaidé contre le "roman" imaginé par le parquet financier, estimant que "le plausible" ne "suffit pas" pour condamner et dépeignant un dossier fait d'"extrapolation" et "pataugeage", un "château de cartes" ne demandant qu'à s'écrouler.

Avec AFP