Bachar al-Assad chassé du pouvoir par l'offensive des rebelles en Syrie

Le président Bachar al-Assad a fui la Syrie, chassé par une offensive spectaculaire des rebelles, un tournant de l'histoire qui a mis fin dimanche 8 décembre à un demi-siècle de règne sans partage de son clan familial.

Bachar al-Assad, qui a pendant vingt-quatre ans dirigé d'une main de fer la Syrie meurtrie par près de quatorze ans de guerre, se trouve avec sa famille à Moscou, selon les agences de presse russes.

"Enfin, le régime d'Assad est tombé", a déclaré le président américain Joe Biden, tout en soulignant que "certains des groupes rebelles" avaient des "antécédents de terrorisme".

En Syrie, des scènes de liesse ont accueilli la chute d'Assad, alors que le chef des rebelles Abou Mohammad al-Jolani a fait son entrée dans la capitale Damas.

À l'étranger, de nombreux Syriens ont exprimé leur joie. En Irak, Yamen promet de "prendre le premier avion pour rentrer", et en Égypte, Mohamed Feras, dit pouvoir "enfin retourner" dans son pays.

À Damas, placée sous couvre-feu jusqu'à lundi 5 heures (2 heures GMT), une partie du palais présidentiel a été incendiée. C'est "devenu un lieu pour le peuple syrien", affirme Omar Khairallah sur les lieux.

À deux kilomètres de là, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont pénétré dans la résidence fastueuse des Assad, qui a été pillée après sa prise par les rebelles, selon un journaliste de l'AFP sur place.

Une réunion d'urgence convoquée à l'ONU

L'offensive fulgurante des rebelles syriens.
L'offensive fulgurante des rebelles syriens. © Valentin Rakovsky et Paz Pizarro, AFP

Dans la capitale, comme dans d'autres villes, des manifestants ont renversé et piétiné des statues de Hafez al-Assad, qui a dirigé la Syrie de 1971 à sa mort en 2000, et de son fils Bachar. Des soldats syriens se sont débarrassés à la hâte de leurs uniformes.

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Le 27 novembre, une coalition de rebelles menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de Jolani, a lancé une offensive à partir de son fief à Idleb (nord-ouest).

En dix jours, devant l'effondrement des forces gouvernementales, les rebelles ont conquis de vastes territoires et les grandes villes d'Alep (nord), Hama (centre), Deraa (sud) et Homs, avant d'entrer dans la capitale.

Au moins 910 personnes, dont 138 civils, ont été tuées pendant l'offensive rebelle, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

À la télévision publique, les rebelles ont annoncé la chute du "tyran" et la libération tous les prisonniers "injustement détenus", dont ceux enfermés à Saydnaya, une prison symbole des pires exactions des forces de Bachar al-Assad.

À la demande de la Russie, principal allié du pouvoir déchu, le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira en urgence lundi à partir de 15 heures (20 heures GMT) pour des discussions à huis clos sur la Syrie, selon plusieurs sources diplomatiques. Selon les agences russes, les rebelles ont "garanti la sécurité" des bases militaires russes en Syrie.

"La Syrie a été purifiée"

Le chef du groupe islamiste radical Tahrir al-Sham (HTS), Abou Mohammad al-Jolani, s'adresse à la foule dans la mosquée des Omeyyades à Damas, le 8 décembre 2024
Le chef du groupe islamiste radical Tahrir al-Sham (HTS), Abou Mohammad al-Jolani, s'adresse à la foule dans la mosquée des Omeyyades à Damas, le 8 décembre 2024 © Abdulaziz KETAZ / AFP

Après ses combattants, Abou Mohammad al-Jolani est arrivé à Damas où il s'est prosterné sur une pelouse avant de se rendre à la mosquée historique des Omeyyades.

"Cette victoire est un triomphe (...) pour toute la communauté islamique", a-t-il martelé. "La Syrie a été purifiée."

Plus tôt, il a demandé à ses combattants de ne pas s'approcher des institutions publiques, ajoutant que celles-ci restaient sous contrôle du Premier ministre jusqu'à la "passation officielle".

Le groupe HTS est l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda qui dit avoir rompu avec le jihadisme, sans réellement convaincre les chancelleries occidentales.

Un rebelle prie dans la cour de la mosquée historique des Omeyyades de Damas le 8 décembre 2024
Un rebelle prie dans la cour de la mosquée historique des Omeyyades de Damas le 8 décembre 2024 © Abdulaziz KETAZ / AFP

Tout en saluant la chute du pouvoir, plusieurs pays ont exhorté les Syriens à éviter le piège de l'extrémisme.

La France a appelé la population "à la réconciliation" et le chef de l'ONU, Antonio Guterres, à protéger "les droits de tous les Syriens".

"Rendre des comptes"

Dans son allocution, Joe Biden a affirmé qu'Assad devrait "rendre des comptes" pour les "centaines de milliers de Syriens innocents" qui ont été "maltraités, torturés, et tués".

Les États-Unis échangeront avec "tous les groupes syriens" au sujet de la transition du pouvoir vers une Syrie "indépendante", a-t-il ajouté.

Un rebelle fait la fête sur la place des Omeyyades à Damas, le 8 décembre 2024
Un rebelle fait la fête sur la place des Omeyyades à Damas, le 8 décembre 2024 © Bakr AL KASSEM / AFP

La Turquie, qui soutient des groupes rebelles et accueille des millions de réfugiés syriens, a dit être en contact avec les insurgés pour garantir la sécurité, ajoutant que les nouvelles autorités ne devaient pas "constituer une menace" pour les pays voisins.

Davantage de frappes israéliennes depuis la chute de Bachar al-Assad, selon l'ASDH

Au moins vingt-six combattants ont été tués dimanche alors que des forces syriennes soutenues par la Turquie ont lancé une offensive dans la région de Manbij, dans le nord de la Syrie, a rapporté l’OSDH.

L'OSDH a aussi fait état d'une série de frappes aériennes israéliennes dans l'est du pays dimanche, précisant que la cadence des frappes s'était accélérée après la chute de Bachar al-Assad.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que la chute d'Assad était "une conséquence directe des coups" qu'Israël avait "portés à l'Iran et au Hezbollah" libanais.

Face à l'offensive rebelle, le soutien de Moscou, dont les troupes sont mobilisées pour la guerre en Ukraine, s'est effrité tout comme celui de l'Iran et du Hezbollah, sortis affaiblis de la guerre entre le mouvement libanais et Israël, laissant le pouvoir syrien isolé, selon des experts.

L'Iran, dont l'ambassade à Damas a été saccagée, a prévenu que sa politique était susceptible de changer en fonction "du comportement des acteurs" sur le terrain en Syrie.

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Avec AFP