En Tunisie, une avocate et chroniqueuse arrêtée avec force après des propos sarcastiques sur la situation du pays
Une scène saisissante. Les forces de sécurité tunisiennes ont pris d'assaut, samedi 11 mai dans la soirée, la Maison de l'avocat, à Tunis, et arrêté Sonia Dahmani, une avocate et chroniqueuse qui avait eu des propos sarcastiques sur la situation du pays. La scène, filmée par France 24, a été relayée sur les réseaux sociaux.
"Assaut de la police contre la Maison de l'avocat", "des avocats agressés et enlèvement de la collègue Sonia Dahmani [conduite] vers un lieu inconnu", a indiqué Dalila Msaddek, membre de son équipe de défense sur Facebook. Islam Hamza, autre défenseur de l'avocate, a confirmé à l'AFP "l'arrestation de Mme Dahmani par des policiers".
France 24 contraint d'arrêter son direct
La chaîne d'information en continu France 24, dont des journalistes étaient sur place pour couvrir le mouvement de soutien à l'avocate, a vivement protesté dans un communiqué contre l'attitude des policiers encagoulés. Ces derniers ont "arraché violemment la caméra de son trépied, mettant fin à la diffusion de la scène en direct, et ont arrêté (..) le caméraman", qui a "été relâché après une dizaine de minutes". "La correspondante de France 24 va bien", a ajouté la chaîne.
Mardi, lors d'une émission de télévision, Sonia Dahmani avait lancé d'une façon ironique "de quel pays extraordinaire parle-t-on ?", en réponse à un autre chroniqueur qui venait d'affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne cherchaient à s'installer en Tunisie. Cette déclaration a été jugée par certains utilisateurs sur les réseaux sociaux comme "dégradante" pour l'image de la Tunisie.
Une soixantaine de personnes interpellées en raison d'un décret contesté
Jeudi, la chroniqueuse avait reçu une convocation, à laquelle elle n'avait pas donné suite, pour comparaître vendredi devant un juge d'instruction sans que les motifs ne soient précisés. Elle avait expliqué à la presse qu'elle refusait de se présenter devant la justice "sans connaître les raisons de cette convocation". En raison de son absence, le juge d'instruction chargé de cette affaire a émis un mandat d'amener à son encontre.
Selon des médias, l'avocate fait l'objet d'une enquête notamment pour diffusion de "fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique" et "incitation à un discours de la haine", en vertu du décret-loi 54. Ce décret, promulgué en septembre 2022 par le président Kaïs Saïed, punit jusqu'à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux d'information et de communication pour "rédiger, produire, diffuser" ou "répandre de fausses nouvelles (...) dans le but de porter atteinte aux droits d'autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique". En un an et demi, plus de 60 personnes, parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants au président tunisien Kaïs Saïed, ont fait l'objet de poursuites en raison de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes.