Loi Duplomb : mobilisation contre « l’entourloupe antidémocratique »
Pancartes aux slogans virulents, banderoles d’associations environnementales et drapeaux de syndicats… Environ 200 personnes s’étaient réunies le 27 mai à la sortie du métro Invalides pour protester contre le passage en force à l’Assemblée de la loi Duplomb, qui réautorise certains pesticides dangereux pour l’environnement et la santé, comme les néonicotinoïdes.
Soutenues par les élus LFI et Les Verts, qui avaient déposé plus de 3 000 amendements sur ce texte, les associations (comme Greenpeace, Attac, France Nature Environnement, au total 54 sont représentées par le collectif Nourrir etc.) déplorent une loi « mortifère et rétrograde » pour la société. Cette mobilisation parisienne est aussi une réponse aux mouvements agricoles des dernières semaines, portés par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, qui poussaient les parlementaires à voter cette loi.
Venu d’île et Vilaine pour l’occasion, le porte-parole de la Confédération Paysanne, Stéphane Galais, se sent « en colère par rapport à ce qu’il s’est passé hier. » Sur la forme d’abord, « c’est une entourloupe antidémocratique pour contourner l’hémicycle et le débat parlementaire » selon lui. Cette entourloupe, c’est l’adoption lundi 26 mai 2025, de la motion de rejet de la proposition de loi Duplomb, qui permet de renvoyer le texte directement en commission mixte paritaire, en privant les députés d’un débat public. Les collectifs manifestant aux Invalides, ont aussi dénoncé une connivence entre la FNSEA et le « l’agrobusiness », soutenu par le gouvernement.
Un « 49.3 agro-industriel »
Les manifestants dénonçaient aussi les menaces contre l’environnement contenues dans une loi destinée. « Nourrir pas détruire », proclame ainsi le collectif Nourrir, également mobilisé. De son côté la Confédération Paysanne dénonce « une loi productiviste, à contre-courant des enjeux sociétaux, des besoins des paysans et paysannes dans les fermes », selon les mots de son porte-parole, Stéphane Galais. Terre de liens, qui qualifie cette stratégie de « 49.3 agro-industriel », avait appelé en urgence à la mobilisation pour maintenir « les derniers garde-fous écologiques » légaux.
La loi Duplomb est en revanche plébiscitée par les syndicats FNSEA et Jeunes Agriculteurs. Dans un communiqué commun du 26 mai ils ont exprimé leur soulagement alors qu’ils redoutaient des débats parlementaires durant lesquels « les agriculteurs allaient être pris en otage par les manœuvres politiciennes ».
Ils redoutaient aussi de devoir « encore attendre pour bénéficier de la concrétisation des engagements qui datent déjà d’il y a 18 mois ». La FNSEA, dont est issu Laurent Duplomb, le sénateur à l’origine du texte, prônait depuis les révoltes agricoles de janvier 2024, l’arrêt de certaines normes environnementales, jugées trop contraignantes par la profession. Ils redoutaient qu’en raison de ces contraintes, le modèle français ne soit plus compétitif en Europe et n’assure plus suffisamment les revenus des exploitants agricoles.
L’agriculture conventionnelle, déjà dopée aux pesticides
L’agriculture française est en effet dopée aux pesticides. La France était médaille de bronze de leur utilisation en Europe en 2023, derrière la Grèce et l’Espagne, selon les chiffres de la Commission européenne. Environ 290 produits sont autorisés sur le territoire, sur les 453 substances recensées.
Pourtant, se passer de ces produits est possible. L’ANSES, l’agence sanitaire française, indique que dans près de 80 % des usages de néonicotinoïdes, des pratiques agricoles non chimiques existent. Une alternative nécessaire alors que dès 2020 l’INRAE alertait sur la dégradation de 60 % des sols en Europe par l’agriculture intensive. « Quels modèles de société veut-on ? » interroge Vincent Brossel, apiculteur et membre l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF). « On préfère la pâte à tartiner de basse qualité au miel de terroir ».
Alors que le label bio fêtait le 22 mai 2025, les subventions allouées par l’État sont en baisse de 15 millions d’euros sur l’année. Stéphane Galais, qui a affranchi son élevage d’une logique industrielle, reconnaît que c’est devenu « difficile de lutter politiquement contre ce modèle productiviste. » Benoît Biteau, député écologiste et social de la 2e circonscription de Charentes Maritimes, rappelle que l’agriculture, c’est « l’alimentation de tout le monde, de l’eau qu’on boit tous les jours, de notre santé, et beaucoup d’argent public ».
Terres de Liens propose plutôt de « stopper la logique de la compétitivité » au détriment de l’emploi et de la biodiversité, ainsi que d’adopter une grande loi foncière afin de protéger les sols et les installations agricoles. Il faut « laisser les citoyens décider de leur alimentation », revendique le collectif Nourrir. La FNSEA maintient la pression. Elle appelle le gouvernement à annoncer « immédiatement la date de la Commission Mixte Paritaire » et étudier le texte Duplomb au plus vite.
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