Procès de Magnanville : information judiciaire ouverte pour menaces de mort contre l’avocat Thibaut de Montbrial
Le procès de l’attentat de Magnanville joue les prolongations. Le tribunal correctionnel de Paris a ordonné, ce lundi 27 novembre, un renvoi en vue de l’ouverture d’une information judiciaire concernant des menaces de mort qu’aurait proférées Charaf-Din Aberouz envers l’avocat Thibault de Montbrial.
Cet homme de 37 ans est le frère aîné de Mohamed Lamine Aberouz, récemment condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d'assassinat d'un couple de policiers à leur domicile de Magnanville (Yvelines) en 2016. En détention provisoire depuis le mois d’octobre, Charaf-Din Aberouz doit passer devant un juge des libertés et de la détention (JLD) ce lundi dans la soirée.
Un mime d’égorgement
Charaf-Din Aberouz avait assisté au procès de son cadet du 25 septembre au 11 octobre. Lors d’une suspension d’audience, le 6 octobre, il est soupçonné de s'être dirigé vers le box de son frère et de lui avoir dit : «t'inquiète, il est mort». Le tout en mimant avec son index un égorgement, vraisemblablement adressé au banc des avocats des parties civiles. Ces propos avaient été entendus par un gendarme et rédigés dans une «fiche incident». Ils avaient ensuite été rapportés à Me Thibault de Montbrial, avocat de la famille de Jessica Schneider, une fonctionnaire de police administrative tuée dans l'attentat. Le gendarme témoin précisait néanmoins ne pas savoir à qui ces menaces étaient adressées.
La chronologie des faits est primordiale. La veille, un incident d'audience significatif avait en effet eu lieu, comme l’avait relaté Le Figaro . Le président avait souligné que les déclarations des témoins, en l’occurrence d’imams, étaient très en retrait de leurs propos tenus devant les enquêteurs. Ils avaient initialement dépeint l’accusé comme un «islamiste agressif».
Me Thibault de Montbrial avait alors mis les pieds dans le plat, s'attirant les vives protestations de la défense. L’avocat avait demandé à l'un des témoins si ses pertes de mémoire étaient bien liées à son âge (68 ans), comme le religieux le laissait entendre, ou bien plutôt à la présence attentive de Charaf-Din Aberouz, assis au premier rang du public. Le mime d’égorgement, s’il est établi et bien adressé à Thibault de Montbrial, est-il lié à cet épisode ? L’information judiciaire devra le démontrer.
«Je n’ai menacé personne»
La décision du tribunal a été précédée d’un débat contradictoire entre les avocats et le ministère public. «On se retrouve avec une procédure où il y a seulement cette fiche ''incident'' et l’audition de Me de Montbrial. On n’a rien alors qu'on était dans une salle bondée avec un grand nombre de témoins», a plaidé l’avocat du prévenu, Me Sami Khankan. «On a des indices légers et qui de surcroît sont discordants. On n'a même pas le début de quelque chose. Si on le juge dans ces conditions, tout ce qui fait l'essence d'un procès équitable disparaît. Il se trouve dans le box en raison de son passé judiciaire», a-t-il poursuivi, demandant un renvoi à l’instruction.
«Je suis innocent de ces accusations, je n'ai menacé personne. Aucune vérification n'a été faite, trois ou quatre personnes ont été interrogées par téléphone. J'ai demandé à ce que les gendarmes dans le box et les journalistes présents soient entendus. La salle était bondée de monde le 6 octobre car c'était une audition assez spéciale», a assuré Charaf-Din Aberouz. Barbe courte et cheveux plaqués en arrière, le prévenu était surveillé de près par quatre fonctionnaires de police.
«Il y aurait un élément contestable dans ce dossier car les déclarations reposeraient sur la déclaration d'un gendarme», a ironisé Me Georges Sauveur, l’avocat de Thibault de Montbrial. «Le supplément d'information devient dilatoire car il conteste en bloc l'accusation qui est portée», a-t-il poursuivi.
Du côté du ministère public, on réfute totalement l’hypothèse d’une enquête «bâclée». «L'enquête a été certes rapide mais comme 99% des enquêtes en comparution immédiate. L'enquête a été confiée au 1er DPJ (district de police judiciaire, NDLR), l'élite de la police parisienne», a rappelé le procureur. «La greffière et l'huissier ont été contactés car ils n'étaient pas à Paris. Ils n'ont rien vu de cet incident», a-t-il poursuivi, demandant à la cour de privilégier un supplément d'information judiciaire, et non pas un renvoi.
Un casier judiciaire chargé
Après un délibéré d’une grosse trentaine de minutes, le tribunal a donc décidé un renvoi en vue de l'ouverture d'une information judiciaire pour «établir la matérialité des faits», «les conditions des menaces» et «l’identification certaine du destinataire des menaces». «Chaque détail compte et on ne peut pas laisser autant d'imprécisions. Si les faits sont avérés, ils sont d'une extrême gravité car ils seraient commis dans l'enceinte d'une cour d'assises à l'encontre d'un auxiliaire de justice lors des débats. Ce sont des gestes extrêmement inquiétants», a expliqué le président du tribunal.
Charaf-Din Aberouz est bien connu de la justice. En 2013, il avait été condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste, après avoir tenté de rejoindre en 2011 un camp d'entraînement d'Al-Qaïda au Pakistan.
Proche de Larossi Abballa, qui a assassiné Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, et Jessica Schneider, 36 ans, au nom de l'organisation État islamique (EI) avant d'être abattu, Charaf-Din Aberouz avait dans un premier temps été mis en examen pour «association de malfaiteurs terroriste» dans cette affaire, avant de bénéficier d'un non-lieu. Le prévenu a également été condamné pour «menace de mort contre une personne dépositaire de l'autorité publique» le 16 janvier dernier.