Qu’est-ce que le corticosurrénalome, ce cancer très rare dont souffrait l’actrice Émilie Dequenne ?
En octobre 2023, l’actrice Emilie Dequenne annonçait être atteinte d’une forme rare de cancer qui touche les glandes surrénales (au dessus des reins) : le corticosurrénalome. Malgré une rémission initiale qui avait suscité l’espoir, elle a annoncé une récidive « plus agressive » le 27 août qui l’a obligé à mettre en pause sa carrière. Dimanche 16 mars, sa famille a annoncé son décès à l’âge de 43 ans.
Son cancer était résistant au traitement. « Une partie de mon cancer y répond et une autre n’y répond pas voire progresse et la partie qui progresse est plus grande que celle qui réduit. Me revoilà partie pour la chimio que j’ai connue avec une dose en plus d’un truc nouveau », avait-elle confié à nos confrères de Sept à Huit lors d’une émission diffusée sur TF1 dimanche 1er décembre.
Si l’on connaît peu ce cancer c’est parce qu’il est l’un des plus rares. Chaque année en France, on estime qu’il touche seulement 1 à 2 personnes sur un million, ce qui représente 60 à 120 nouveaux cas par an. Bien qu’il puisse survenir chez l’enfant, les patients sont essentiellement âgés de 40 à 50 ans, avec une incidence plus élevée chez la femme. Du fait de sa rareté, ses causes restent également très peu connues. Dans moins de 5% des cas, le cancer a une origine génétique en étant associé à des maladies héréditaires rares comme les syndromes de Li-Faumeni, de Wiedemann-Beckwith ou encore le syndrome de Gardner. «Pour les 95% restant, la cause reste souvent non identifiée », estime Éric Baudin, responsable du comité des tumeurs endocrines à l’Institut Gustave Roussy.
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Une surproduction de l’hormone du stress
La maladie se développe au niveau des glandes surrénales, situées au-dessus des reins, dont le rôle est essentiel à la production d’hormones impliquées dans la régulation de la glycémie, de la pression artérielle et dans le développement des caractères sexuels. « Le corticosurrénalome est un sous-type de cancer des surrénales qui touche plus précisément la partie externe de la surrénale, - le cortex surrénalien – et est responsable d’une sécrétion excessive de cortisol, connu comme l’hormone du stress », explique le Dr Baudin. Les symptômes incluent une prise poids, une hypertension, une fonte musculaire, des hématomes et des œdèmes fréquents à cause d’une fragilisation de la peau. Dans certains cas, il peut également être associé à une production accrue d’une hormone sexuelle produite par la glande surrénale, l’androgène : « on aura alors des symptômes supplémentaires comme une pilosité excessive et une masculinisation chez la femme », indique Éric Baudin.
Dans tous les cas, ce cancer étant rare, il nécessite une prise en charge spécialisée auprès d’un centre labellisé, au sein du réseau national ENDOCAN-COMETE, spécifiquement dédié à la prise en charge des cancers de la surrénale. Le traitement inclut classiquement une combinaison de chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie. « Si le cancer est détecté tôt et reste limité à la glande surrénale, la tumeur peut être opérée, avec une possibilité de guérison dans 15 à 20 % des cas », souligne Éric Baudin. Le pronostic est en revanche plus sombre en cas de récidive ou si le cancer s’est propagé à d’autres organes sous forme de métastases plus agressives et potentiellement devenues résistantes à la chimiothérapie.
Récemment, la recherche a néanmoins fait des progrès et pourrait ouvrir la voie à une prise en charge plus personnalisée du corticosurrénalome. Plusieurs études ont notamment permis de mettre en évidence deux voies d’altération fréquentes, chez environ deux tiers des patients : « Il s’agit de mutations du gène TP53 et une altération de la voie Wnt/β-caténine, qui favorise la prolifération cellulaire, mais leur rôle reste encore mal compris et nous ne disposons hélas d’aucun traitement contre ces altérations spécifiques », explique Éric Baudin. Quoi qu’il en soit, l’identification de ces voies est une première étape vers le développement de nouveaux médicaments et nourrit l’espoir qu’un jour ce cancer puisse bénéficier de thérapies ciblées, à l’image de nombreux autres cancers.