Il fallait connaître l’adresse. Ou du moins, avoir les bons contacts. Ce que Kim Kardashian, cliente régulière des lieux, avait. À l’automne 2016, la star américaine séjournait dans un appartement de l’Hôtel de Pourtalès, au 7 rue Tronchet, à deux pas de la Madeleine. Dans la nuit du 2 au 3 octobre, cinq hommes armés, déguisés en policiers, s’introduisent dans l’immeuble, neutralisent le concierge, ligotent la star et lui dérobent pour près de 10 millions d’euros de bijoux. Ce lundi, le procès s’ouvre à Paris. Et le lieu du drame, longtemps resté dans l’ombre, continue d’intriguer.
Luxe sans enseigne, prestige sans façade
Construit en 1839 pour le comte James-Alexandre de Pourtalès, banquier, diplomate et collectionneur d’art, l’hôtel particulier adopte un style néo-renaissance affirmé : arcades, pilastres, cour intérieure pavée qui évoque les palais toscans. Théophile Gautier lui-même le qualifiait «d’objet d’art». Son architecture, son histoire, son emplacement en font un joyau discret du 8ᵉ arrondissement, aujourd’hui inscrit aux Monuments historiques.
Mais c’est en 2010 que l’adresse entre dans une nouvelle ère. Elle devient alors l’Hôtel de Pourtalès, une résidence hôtelière de neuf appartements allant de 95 à 345 mètres carrés sur sept étages, sans enseigne, sans site de réservation, gérée comme un secret de famille. Ce que les lieux offrent, c’est l’intimité totale, le service d’un cinq-étoiles… et la liberté de vivre Paris sans l’agitation de l’hôtellerie classique.
Une renaissance signée Labaye Sumi
Trois ans après le braquage, en 2019, l’Hôtel de Pourtalès est entièrement repensé par le studio Labaye Sumi, qui y insuffle une nouvelle dimension esthétique. Objectif : conjuguer la noblesse du patrimoine à la liberté du contemporain. Chacun des onze appartements désormais dévoile une palette chromatique chaleureuse, ponctuée de verts et de jaunes, en dialogue avec les terrasses végétalisées. La pièce maîtresse ? Une fresque monumentale dans le Garden Duplex (345 m²), œuvre du duo Redfield & Dattner, dont les reflets dorés réinterprètent les fresques du XIXᵉ siècle.
Le mobilier mêle icônes modernistes — Perriand, Le Corbusier, Scarpa — à des créations sur-mesure pensées par Labaye Sumi, avec un souci du détail poussé : passementerie, finitions d’ébénisterie, effets de matière. Chaque logement est à la fois galerie et refuge, lieu d’art et de vie.
Une autre idée du luxe parisien
Pourtalès n’est pas un hôtel au sens traditionnel. Plutôt un refuge. Les suites exclusives sont pensées comme des résidences privées. La clientèle — stars internationales, chefs d’entreprise, familles royales — y trouve un espace à habiter, pas seulement à occuper.
L’un des grands appartements peut accueillir une équipe de tournage, une autre un séjour prolongé avec nounou et garde du corps, chacun disposant de son propre studio. Le joueur de foot Zlatan Ibrahimović y a résidé un an durant son passage au PSG.
Le service est omniprésent, mais sans ostentation. Une conciergerie accessible 24h sur 24 permet de tout organiser à distance : chauffeur, chef, tailleur et teinturier, soins, garde du corps. Le silence est d’or, l’expérience sur mesure. Ici, on n’entre pas pour être vu, mais pour disparaître un temps. Dernier détail, un système d’alarme est présent dans l’ensemble de l’hôtel, de l’entrée de la cour à l’entrée des suites. Il est également renforcé de systèmes anti-effraction et anti-intrusion par l’activation immédiate d’une alerte à l’équipe de l’hôtel dédiée. Merci Kim.
Un précurseur devenu modèle
Bien avant que le marché ne s’empare de la tendance, le Pourtalès proposait déjà ce que l’on appelle aujourd’hui le « luxe résidentiel ». Depuis, les plus grands groupes hôteliers ont suivi : Accor avec Onefinestay, Marriott avec ses Villas, Mandarin Oriental avec ses Résidences. Plus récemment, rue de la Paix, Le Park Hyatt Paris-Vendôme, l’un des 12 palaces de la capitale, a inauguré son propre Appartement. Mais l’esprit du Pourtalès reste singulier. À mi-chemin entre l’hospitalité plus confidentielle qu’un hôtel ou qu’un palace et l’élégance historique.
Loin du bling, c’est un lieu fait pour les initiés, pour ceux qui cherchent l’exception sans apparat. Et malgré le tumulte d’une nuit d’octobre, malgré les projecteurs braqués sur cette adresse, le Pourtalès reste fidèle à sa vocation : un hôtel sans panneau, une adresse pour ceux qui n’en cherchent pas.
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