«Inside the Dream. Dans les pas de Thierry Mugler» : pour ses 50 ans, la marque sort un documentaire
Il y a là tout l'imaginaire fantasque et avant-gardiste de Mugler. Les petits secrets de fabrication de la robe Chimère, hallucinant assemblage d'écailles et de plumes multicolores de l'hiver 1997-1998, quasiment moulée sur le corps d'Adriana Karembeu.L'apparition spectaculaire de Zendaya lors de la première de Dune II , en février dernier, en combinaison chromée Robot de 1995, exhumée spécialement des archives.
Les préparatifs du défilé printemps-été 2024 de l'actuel directeur artistique de la mode, Casey Cadwallader. La musique de Too Funky, de George Michael (1992), dont Manfred Thierry Mugler signa le clip mémorable peuplé d'une armée sexy de top-modèles. Mais au-delà des images cultes du passé et des coulisses survoltées des veilles de collection - somme toute assez banales pour un documentaire de mode -, le réalisateur Matthieu Menu s'attache à décrypter l'empreinte laissée par le couturier décédé en 2022 sur la pop culture, un demi-siècle ans après le lancement de sa marque.
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Une féminité de super-héroïnes
L'Américain Casey Cadwallader, originaire d'une petite ville du New Hampshire, avait 15 ans en 1994, âge d'or de Mugler : « Des stars du porno sur le podium, des bourgeois au premier rang, des mannequins transgenres et des pop stars… Je me suis dit : “Qu'est-ce que c'est que ça ?”, témoigne-t-il. À l'époque, je ne comprenais pas ce que je voyais mais je savais que c'était fascinant et hors norme. » Les défilés-spectacles incarnés par des modèles au physique spectaculaire et au fort caractère (telles Pat Cleveland et Iman Bowie qui confient, ici, leurs souvenirs) glorifient une féminité de super-héroïnes, taille cintrée et épaulettes surdimensionnées. « Je propose une femme énergique, moderne, conquérante et surtout une méchante, c'est-à-dire une femme qui a du punch. C'est la réaction contre la femme “chou à la crème”, romantique, nunuche, fleurie, extrêmement passéiste », se défend, dans une archive télévisée, le créateur de Strasbourg qui s'estime incompris par la presse des eighties.
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Cette idée non conventionnelle de la beauté, qui anime aussi à l'époque Gaultier, Montana et Alaïa, résonne particulièrement chez la nouvelle génération. D'ailleurs, lors de la rétrospective consacrée à Mugler fin 2021-début 2022 au Musée des arts déco, qui a atteint un record de fréquentation (plus de 400 000 tickets écoulés), plus d'un quart des visiteurs avaient moins de 25 ans ! La force encore aujourd'hui de son univers est qu'il joue sur « le contraste entre le passé et le présent, la tradition et l'innovation, le chic et la vulgarité », selon Adrian Corsin, directeur général mode de la marque.
À l'exemple du parfum star Angel, qui révolutionna le secteur il y a trente ans avec son flacon-étoile bleu sirupeux et son odeur régressive de barbe à papa (pionnière d'une multitude de senteurs gourmandes). L'histoire de ce succès racontée, là, par son parfumeur Olivier Cresp - qui dévalisa les boulangeries de paquets Haribo pour affiner son accord bonbon - est mise en regard de l'élaboration de la récente version Elixir : essais de nouveaux accords, réunions avec les grands patrons de L'Oréal, tournage d'une publicité avec l'actrice transgenre Hunter Schafer… S'il a parfois des airs de film promotionnel (ou comment booster les ventes d'un parfum en en dévoilant quelques coulisses habilement choisies), le documentaire a toutefois le mérite de replonger le téléspectateur dans l'univers extravagant d'un couturier superstar qui a changé l'esthétique des années 1980 et continue d'inspirer de nombreux stylistes.
«Inside the Dream. Dans les pas de Thierry Mugler», diffusé sur Canal+.