Notre critique des Contes d’Hoffmann à l’Opéra du Rhin : la leçon ne passe pas

Où s’arrête la pédagogie et où commence le didactisme ? C’est sur cette question que l’on a quitté l’Opéra du Rhin après avoir assisté à la nouvelle production des Contes d’Hoffmann, que Strasbourg présente en coproduction avec les deux maisons pour lesquelles Offenbach avait composé son chef-d’œuvre, l’Opéra comique de Paris et le Volksoper de Vienne. La metteuse en scène Lotte de Beer est d’ailleurs directrice du Volksoper.

La mise en scène proprement dite ? Elle est lisible et cohérente tout en étant inventive. Le décor unique (quoique tournant, et avec grande habileté), une pièce, dont la ligne de fuite se resserre, dit l’enfermement du poète dans ses pensées qui tournent en rond. Le jeu sur la taille des objets, qui passent sans prévenir de géants à minuscules, celui sur les miroirs qui vous privent de votre reflet, sont tout aussi parlants. Inverser la perspective en faisant de la Muse la protagoniste, chargée d’ouvrir les yeux d’un Hoffmann inconsistant sur son impuissance créatrice due au déni de réalité, est d’autant plus pertinent que l’édition originale met ce rôle très en valeur.

Il est bon de prendre le spectateur par la main, moins de lui mâcher le travail. Surtout quand la mise en scène est déjà claire !

Seulement voilà. On a remplacé les dialogues par des scènes entre Hoffmann et la Muse où cette dernière entreprend de dessiller le poète et de lui montrer que ses histoires sont mal écrites, car il confond narration et réalité et recourt à des clichés éculés. C’est là que cela coince, car il ne s’agit plus de dialogues dynamiques faisant avancer l’action, mais d’une explication de texte, qui aurait dû faire l’objet d’une conférence pédagogique ou d’un article dans le programme. Les baissers de rideau systématiques morcellent une action déjà discontinue, hachant le rythme. Il est bon de prendre le spectateur par la main, moins de lui mâcher le travail. Surtout quand la mise en scène est déjà claire !

Plus de questions que de réponses

Ces chutes de rythme sont compensées par la remarquable direction musicale de Pierre Dumoussaud, qui a le double avantage de connaître à fond tout Offenbach et l’opéra français du XIXe siècle. Refusant de lorgner vers le grand opéra, il préserve l’esprit Opéra Comique par son allant et sa légèreté, tout en allant chercher des couleurs singulières dans les cordes du Philharmonique de Strasbourg. Une exécution souple, vivante et cultivée, même lorsque les chœurs sont mis en danger par leur éloignement.

Protagoniste, la Muse l’est aussi grâce à la prestation sensationnelle de la triomphatrice Floriane Hasler, qui devient le premier rôle par sa voix insolente et sa présence naturelle. Le danger ? Que les autres personnages n’existent pas. Hoffmann a l’endurance et la solidité d’Attilio Glaser, au risque d’une certaine monochromie. Lenneke Ruiten cumule les trois rôles féminins, conformément à la version originale, sans toujours parvenir à cacher l’effort. Jean-Sébastien Bou a l’aisance scénique pour camper les quatre diables, traités ici de manière burlesque, sans en avoir le registre grave. Un spectacle qui laisse plus de questions que de réponses.

« Les Contes d’Hoffmann », jusqu’au 30 janvier à l’Opéra national du Rhin à Strasbourg (67) et les 7 et 9 février à la Filature à Mulhouse (68).