Guerre en Ukraine : "Ce qui se prépare, c'est une paix qui ne sera qu'un cessez-le-feu", analyse Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales
"Ce qui se prépare, c'est une paix qui ne sera qu'un cessez-le-feu", analyse Bertrand Badie, professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et spécialiste des relations internationales invité du "8h30 franceinfo", mardi 19 août au lendemain de la réunion entre Donald Trump, Volodymyr Zelensky et plusieurs dirigeants européens à Washington. Selon lui, il y a un paradoxe dans ce qui ressort des deux réunions successives, tout d'abord à Anchorage vendredi avec Valdimir Poutine, puis lundi à la Maison Blanche. "Il n'est plus question de cessez-le-feu, mais de paix. Généralement, on avait des cessez-le-feu sans paix, mais là, c'est le contraire", s'étonne-t-il. Mais cela tient surtout aux éléments de langage choisis par Donald Trump, puisque, selon lui, "ce qui se prépare, c'est justement une paix qui ne sera qu'un cessez-le-feu".
Une vraie paix durable, "c'est l'aménagement de la coexistence entre deux ou plusieurs acteurs. C'est la Russie et l'Ukraine qui définissent les conditions d'une coexistence durable, acceptée et reconnue par les deux parties", précise le professeur. Or, "la paix qu'on nous annonce, c'est davantage une 'non-guerre' qu'une paix profonde", à la façon de la situation entre "les deux Corées" ou encore entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud.
"Quand Donald Trump nous explique qu'il n'y a pas besoin d'un cessez-le-feu, et qu'il suffit de conclure la paix, c'est parce que, dans sa tête, implicitement ou explicitement, il considère que la fameuse paix à laquelle il entend parvenir pour avoir son prix Nobel, c'est un cessez-le-feu."
Bertrand Badie, spécialiste des relations internationalesà franceinfo
"Le gel d'une situation militaire ne vaudrait pas cession de territoire", explique Bertrand Badie. "Car, à ce moment-là, les Ukrainiens diront 'une partie de notre territoire est provisoirement occupé', et en même temps, il n'y aurait pas la nécessité – pratiquement impossible aujourd'hui – de retirer à Poutine les quatre oblasts [région administrative] et la Crimée qu'ils occupent", soit de manière intégrale ou partielle.
Les enseignements du passé
Quant à l'effectivité ou la sécurisation d'un éventuel accord entre l'Ukraine et la Russie, Bertrand Badie insiste sur le fait qu'il "y a eu des garanties par le passé" pour préserver la paix entre les deux pays, mais "que ces garanties n'ont pas fonctionné". D'où la nécessité des efforts diplomatiques des Européens sur "la recherche de garanties crédibles, efficaces" qui "seraient accompagnées de moyens visibles, crédibles, c'est-à-dire de moyens militaires et donc de troupes au sol". Si elles ne sont pas directement sur le sol ukrainien, solution difficilement acceptable par Moscou, Bertrand Badie juge "qu'entre la Roumanie, la Pologne, vous avez une quantité de façons de vous positionner tout près d'un éventuel champ de bataille".