Un ex-gendarme, entendu jeudi 10 avril 2025 par la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Bétharram, a répété qu'un magistrat lui avait parlé d'une «intervention» de François Bayrou quand il enquêtait sur des faits de viol visant un religieux de l'établissement en 1998.
Alain Hontangs avait déjà tenu ces propos à la mi-février dans le cadre de l'émission de TF1 «Sept à Huit». Deux jours plus tard, à l'Assemblée nationale, le premier ministre avait affirmé n'être «jamais» intervenu, «ni de près, ni de loin», dans cette affaire.
«Le procureur général demande à voir le dossier, il y a eu une intervention de M. Bayrou»
Le 26 mai 1998, enquêteur à la section de recherches (SR) de Pau, Alain Hontangs devait présenter au juge d'instruction le père Pierre Silviet-Carricart. Cet ancien directeur de l'institution catholique du Béarn, au cœur aujourd'hui d'un vaste scandale d'agressions sexuelles, était accusé de viol par un ancien élève, le premier à avoir dénoncé de tels faits. Ce jour-là, à 14 heures, le juge en question, Christian Mirande, «m'attendait devant la porte de son bureau» et «m'a dit: “La présentation est retardée, le procureur général demande à voir le dossier, il y a eu une intervention de M. Bayrou”», a relaté l'ancien gendarme, sous serment, devant les deux corapporteurs de la commission, les députés Violette Spillebout (Renaissance) et Paul Vannier (LFI).
«Je ne suis pas le seul enquêteur» à avoir été informé d'une éventuelle intervention, a précisé Alain Hontangs. «Dès le lendemain du reportage de Sept à Huit, un de mes ex-collègues m'a envoyé ce message: “J'étais au courant, le juge Mirande me l'avait raconté à l'époque”», a-t-il révélé. L'ex-gendarme a ajouté avoir été «surpris» de la situation, le procureur général n'ayant pas selon lui à intervenir à ce moment de la procédure. Interrogé à son tour par la commission, le juge Mirande a dit bien se rappeler que le procureur général lui avait «demandé de différer la présentation de Carricart», ce qui était «surprenant». Mais il a dit n'avoir «aucun souvenir» d'avoir évoqué une intervention de M. Bayrou.
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Le père Carricart fut finalement mis en examen et écroué, avant d'être libéré sous contrôle judiciaire deux semaines plus tard, au regret du gendarme. Interrogé sur cette décision, Alain Hontangs a exhibé un courrier du 15 juin 1998, adressé par le procureur général de Pau à la garde des Sceaux de l'époque, Élisabeth Guigou. Le magistrat lui rendait compte de la remise en liberté du religieux, ordonnée par la chambre d'accusation «conformément» aux réquisitions du parquet général qu'il représentait. Tout en ouvrant la voie à des investigations complémentaires, le plaignant ayant évoqué d'autres victimes potentielles.
Le juge Mirande a déclaré jeudi qu'il n'avait pas eu connaissance de ce courrier. Une deuxième victime s'était manifestée et il en avait découvert une troisième, mais le départ autorisé pour Rome du père Carricart en 1999, autre «défaillance» de la justice selon lui, puis son suicide en 2000, l'ont empêché d'aller plus loin. «C'est un dossier qui me laisse beaucoup d'amertume, beaucoup de regrets», a confié l'ex-magistrat.
Il est revenu aussi sur sa rencontre durant l'affaire avec François Bayrou, député et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques à l'époque, que l'intéressé a niée un temps. «Ce n'était pas fortuit puisqu'il est venu chez moi (...) pour en parler», a dit M. Mirande, à l'encontre de la dernière version donnée par le premier ministre sur l'épisode. «Il a parlé de son fils (scolarisé dans l'établissement, NDLR) pour lequel il était inquiet» et «il n'arrivait pas à croire la réalité» des faits reprochés au père Carricart, «qu'il semblait connaître», a ajouté le témoin, là encore en contradiction avec des propos de François Bayrou.