«Vous tuez économiquement votre pays» : le PDG de Michelin critique à nouveau les taxes françaises
Florent Menegaux n’a pas pour habitude de mâcher ses mots. Et il l’a montré une nouvelle fois ce jeudi. Quelques semaines après ses dernières critiques envers le «cauchemar administratif» tricolore et la compétitivité de l’Hexagone pénalisée par des prélèvements écrasants, le PDG de Michelin a de nouveau pris la parole dans un entretien accordé au média américain Bloomberg. L’occasion pour l’homme d’affaires de dresser un portrait au vitriol des politiques fiscales françaises.
«Vous tuez économiquement votre pays en imposant des taxes bien plus élevées que dans d’autres pays», affirme-t-il, rappelant une nouvelle fois que «la taxation directe et indirecte en France est la plus élevée d’Europe.» Le tout assorti d’une menace à peine voilée de déplacer ses affaires ailleurs : «Ne vous attendez pas à ce que les entreprises puissent encaisser cela indéfiniment», prévient ainsi le PDG du fabricant de pneus français.
Le dirigeant réagit ainsi aux quelque 8 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires prévues par le gouvernement dans son budget 2025. La surtaxe d’impôt sur les sociétés, en particulier, relève le taux de cette taxe de 40% pour les entreprises réalisant plus de trois milliards d’euros de chiffre d’affaires. La nouvelle taxe sur le rachat d’actions mécontente aussi les grands patrons français : les sociétés réalisant un chiffre d’affaires d’au moins un milliard d’euros devront désormais s’acquitter d’une taxe représentant 8% du montant des sommes qu’elles versent à leurs associés ou actionnaires pour leur racheter leurs titres.
Une nouvelle mise en garde
Selon Florent Menegaux, ce durcissement fiscal pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’emploi et l’investissement, dans un contexte marqué par la baisse de la demande de l’industrie automobile à travers l’Europe. Le PDG rappelle ainsi que Michelin a déjà dû fermer trois usines en Allemagne, deux en France et une en Pologne. Produire en Europe coûte aussi deux fois plus cher qu’en Asie, un écart qu’il avait déjà souligné, et qui s’est considérablement creusé depuis 2019, rappelle l’homme d’affaires. «Nous devons réadapter notre empreinte industrielle en Europe pour exporter moins car ce n’est pas rentable», a-t-il ajouté. Michelin compte encore 50.000 employés en Europe, dont près de 18.000 en France.
Ça n’est pas la première fois que le patron de Michelin met en garde l’Hexagone. Le 24 janvier, il fustigeait devant le Sénat la faible compétitivité européenne et française, notamment en matière salariale ou réglementaire. Et ce, alors que son entreprise fait face à «une invasion massive de pneumatiques en provenance d’Asie». «Comment voulez-vous être compétitif ? Ce n’est pas possible», s’était-il exclamé, rappelant que l’Hexagone est «champion d’Europe des prélèvements obligatoires». Il avait également qualifié l’UE de «cauchemar administratif», estimant que la machine européenne s’était «complètement emballée».
La menace Trump
Interrogé par nos confrères de Bloomberg sur les conséquences d’une potentielle guerre commerciale contre les États-Unis, Florent Menegaux s’est montré prudent. «Attendons de voir, mais dans un monde globalisé, les mécanismes sont très complexes», a-t-il déclaré. «Si vous commencez à augmenter les droits de douane, cela devient très, très délicat de comprendre quelles seront les conséquences.» Il a toutefois rappelé qu’une telle politique pourrait entraîner une augmentation du prix des pneus pour les consommateurs américains.
Dans ce contexte incertain, le PDG de Michelin envisage de se développer en Italie. Il dit s’intéresser surtout au rachat d’entreprises de taille moyenne, confrontées à des problèmes de succession. «La plupart du temps, il s’agit d’entreprises bien gérées qui exportent déjà en dehors de l’Italie, a-t-il précisé. Il y a beaucoup de choses qui nous intéressent en Italie, où l’économie est moins touchée que ce que nous voyons actuellement en Allemagne, en France et en Espagne.»